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28/01/2011

Dircom, un métier qui se transforme (5) Ce qu'écouter veut dire (Vauban ou l'Espagne)

Dans la vie quotidienne, beaucoup de choses peuvent conduire le directeur de la communication à perdre de vue l'essentiel de sa fonction. La gestion des événements exceptionnels au premier rang desquels il faut bien sûr compter des crises devenues peu ou prou permanentes, mais aussi la montée en puissance de coordinations multiples et, plus insidieusement encore, l'extension de ce qui ressemble bien à une forme de technocratisme auquel la fonction a assez mal résisté dans l'ensemble, affairée qu'elle était ces dernières années à convaincre les comités exécutifs de passer de l'ancien régime aux nouveaux outils tout en tombant dans le piège de la justification et de la mesure permanentes (1).

Cela vaut pour tout responsable, mais c'est moins pardonnable dans le cas du dircom. On trouve heureusement des dirigeants dans les sièges et des managers sur les sites qui ont davantage le sens de la relation que ceux qui font profession de communiquer. Cette situation, qui n'est pas mauvaise en soi si l'on pense que la communication est une affaire qui a précisément vocation à être largement partagée, doit néanmoins conduire le directeur de la communication à se recentrer sur l'essentiel de son métier. Or - et c'est la deuxième caractéristique fondamentale à mon sens de ce job -, ce métier reste essentiellement un métier de relation.

De relation et non de relations. Des relations, chacun en compte naturellement un bon nombre dans l'exercice de ses fonctions, mais ce n'est pas tout à fait la même chose d'entretenir des relations et d'avoir la relation pour objet-même de son métier. Et puis, ce que l'on a appelé "les relations publiques" et qui se résumait le plus souvent à un mélange un peu vain de presse et de paillettes (agrémenté  parfois d'un vernis de Palo Alto pour faire conceptuel) a trop marqué le métier dans les années 80 pour que ne s'impose pas aujourd'hui une distinction qui emporte un certain nombre de conséquences pratiques.

Cette focalisation sur la relation a trois objectifs : écouter, relier et faire agir.

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Au seuil de ma première mission, je rencontre un ancien patron de la société que je m'apprête à rejoindre - un homme respecté qui marqua positivement l'entreprise - et lui demande son avis sur l'ordre des priorités au milieu d'une situation qui semblait passablement compliquée. Sur l'interne, il me répond : " Mettez les mains dans vos poches et allez discuter avec les gens"... Ecouter ? Quoi de plus simple ! Cela fait-il seulement un métier ? J'ai crû qu'il me prenait pour un imbécile et il avait raison. Peut-être pas de me prendre pour un imbécile, mais d'attirer en tout cas mon attention sur le fait que le terrain compte pour une part significative du job.

Je peux dire aujourd'hui que deux ou trois des meilleures idées que j'ai proposées et mises en oeuvre par la suite, je les ai tenues d'échanges à bâtons rompus sur le terrain - avec un chef d'atelier, un responsable informatique ou un directeur d'usine - à l'occasion de visites informelles sur sites. C'est d'ailleurs là un des domaines sur lequel la communication et la politique se rejoignent à travers un sens partagé, souvent d'ailleurs pragmatique et intuitif (2), de la formation des opinions.

Rien de plus difficile en réalité que le terrain et l'écoute. D'abord, parce que l'on a toujours le sentiment d'avoir autre chose de plus important à faire : les créneaux que l'on se réserve pour les tournées des popotes finissent en virée express quand ce n'est pas en tourisme industriel avant de sombrer tout à fait dans l'oubli. Ma chance sur ce terrain, ce fut de faire mes classes dans un environnement culturel dans lequel gagner la confiance des gens prend, disons, un certain temps. Combien de fois suis-je revenu de ces premières tournées, tantôt perplexe, tantôt furieux, d'échanges qui, pour être aimables, me paraissaient sans consistance...

Tjibaou pratiquait avec les Occidentaux le test du silence, on me faisait passer celui de la méfiance. C'est un autre point clé de cet apparentissage : écouter, c'est tout à la fois se décentrer de soi et sortir du cadre. Une écoute véritable participe ainsi d'un double mouvement de décentrage psychologique et de décadrage intellectuel.

C'est parce que nous ne sortons pour ainsi dire jamais de nous-mêmes que nous ne savons pas écouter. On peut de ce point de vue définir l'écoute comme un oubli de soi qui consisterait à substituer l'autre à soi au centre du cercle qui forme la représentation de nos relations sociales. Une concentration totale, décentrée, sur ce que l'autre essaie de communiquer au plan non seulement verbal, mais aussi vocal et non-verbal, et dans laquelle le questionnement l'emporterait sur le point de vue. Rien de plus stimulant. Rien de plus rare.

La situation n'est guère plus favorable sur le terrain intellectuel. Combien de conversations se bornent à la juxtaposition d'opinions qui ne font en réalité que suivre le déroulement d'une logique intérieure ? C'est une histoire que l'on raconte, souvent au fond toujours la même, plus qu'un échange que l'on risque et c'est aussi en quoi la tâche du dircom se rapproche de celle de l'analyste. Les uns et les autres peuvent sauver plus ou moins bien les apparences, le résultat ne change pas : partant de son quant-à-soi, on y revient inmanquablement et l'art difficile du dialogue ne désigne alors pour l'essentiel qu'une série de ruminations aussi bornées qu'inutiles (3) plutôt que l'acceptation d'une saine remise en cause de ce que l'on tenait pour acquis. A l'auberge espagnole, on préfère les forteresses Vauban : c'est plus sécurisant, mais cela peut aussi assez rapidement transformer une pensée en vestige, une organisation en musée - et, partant, un dircom en fossile.

Un an après cette entrée en matière, c'est à peu près la même réponse que me fit le DRH du groupe en marge d'un séminaire pour les nouveaux embauchés alors que je l'interrogeais sur la qualité qui lui semblait fondamentale dans l'exercice de son métier : "L'écoute" me répondit-il. Pour les deux hommes, la simplicité de la réponse n'allait pas sans une part de défiance vis-à-vis des modes de l'époque. Mais la modestie revendiquée du propos n'était pas seulement de défiance générationnelle : elle valait aussi, au-delà du testament humaniste, à travers un mélange de conviction et de roublardise qui me paraissait aussi léger hier qu'il me semble savoureux aujourd'hui, comme prise de position managériale.

Le problème est que l'on confond prise de parole et intelligence des situations. Mais le leadership n'est pas le bavardage. L'écoute est le fondement de toute communication ou plutôt de toute négociation réussie pour des raisons qui sont autant de respect que d'efficacité. Car le boulot du dircom, sauf exception, ce n'est pas de noyer de poisson. C'est de le faire nager en bande.

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(1) On ne peut piloter que ce que l'on mesure, c'est entendu. Dans ce domaine sensible et qualitatif par bien des aspects, en matière par exemple de gestion des crises et de la réputation et de mobilisation interne plus encore, la mesure quantitative a cependant ses limites. Par ailleurs, comme pour les autres fonctions de l'entreprise, il existe bien dans un certain nombre d'organisations un danger de l'accaparement par une forme de reporting généralisé au détriment de l'action réelle sur le terrain. Il revient là-dessus à chaque dircom de mettre en place le tableau de bord le plus efficace possible de façon à libérer davantage de temps pour l'action plutôt que pour le compte rendu.

(2) C'est pourquoi une expérience politique est aussi souhaitable dans ce métier, de préférence en début de parcours. Rien de tel que d'apprendre la dynamique des groupes auprès d'un élu, local si possible, ou encore d'un  responsable syndical ou associatif. C'est une formation appliquée qui vaut bien un master de socio-psychologie ou de relations sociales.

(3) C'est en tout cas vrai sur le plan intellectuel à défaut de l'être tout à fait sur le plan psychologique : il est en effet des situations, les contextes de changement par exemple, dans lesquels la nécessité de l'expression l'emporte en tant que telle sur l'intérêt du propos. On cherche alors davantage à communiquer une émotion qu'à infléchir un point de vue.

26/01/2011

Rebondir en temps de crise (3) Le bonheur de faire

Au-delà encore, on peut s’aventurer dans le territoire de la « pensée disruptive » focalisée sur les changements qui introduisent de la discontinuité et de la rupture. Fondamentalement, cette approche passe par une remise en cause de l’ordre établi et propose une vision nouvelle. C’est l’exemple de Dick Fosbury inventant aux JO de Mexico une nouvelle technique de saut en hauteur qui élèvera le niveau des performances et, dans la foulée, se généralisera très vite.

Il ne s’agit dans cette approche de faire le contraire de ce qui était fait jusque là, mais de trouver une façon plus efficace de faire mieux que la pratique considérée jusque là comme la norme valable. Or, appliquée à l’échelle de l’individu, cette méthode peut être aussi astucieusement utilisée pour identifier les conventions qui entravent notre vie professionnelle et les battre en brèche pour bâtir une nouvelle voie plus intéressante et gratifiante.

Il est particulièrement important dans cette perspective d’identifier le bon contexte, adapté à sa personnalité et à ses attentes et dans lequel on pourra s’épanouir. Dans son livre « Le point de bascule » Malcolm Gladwell prend ainsi à rebours le préjugé selon lequel les personnes peinent à changer en montrant comment, au contraire, tout individu peut changer en fonction du cadre dans lequel il évolue. Bref, résume Bommelaer, si vous ne pouvez pas changer les choses, changez d’endroit.

L’art de la résilience

Vient alors un éloge de la résilience, particulièrement dans les périodes de transition. Si elles sont surmontées, les difficultés permettent en effet de renforcer la confiance en soi et procurent des satisfactions que la routine et le confort sont loin d’égaler. Une étude portant sur le suivi de plus de 200 étudiants de Harvard établit ainsi que près du quart de la population observée a dû affronter des difficultés significatives et que ceux qui connaissaient le niveau de bonheur le plus constant... avaient aussi connu l’enfance la plus dure.

Parmi les qualités qui matérialisent la résilience, on trouve le contrôle des affects et la capacité en particulier à gérer le temps pour rendre les choses possibles ; la force de vivre qui s’incarne souvent dans des activités professionnelles, artistiques ou intellectuelles socialement valorisées ; l’altruisme qui joue un rôle important dans tout processus de reconstruction ; mais aussi l’humour qui permet de mettre à distance les événements les plus dramatiques. On se souviendra à cet égard avec profit du mot de Churchill : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté ».

La crise représente une occasion idéale non seulement pour progresser au plan personnel, mais aussi pour se former, en particulier à toutes les technologies, méthodes et techniques qui seront la clé de la performance de demain. « Les investissements dans la connaissance, disait Benjamin Franklin, paient les meilleurs intérêts. » D’autant que la participation à des séminaires est aussi l’occasion de s’intéresser aux autres et d’élargir ses réseaux. Mais sans oublier, rappelle l’auteur,  qu’il est nécessaire de s’occuper de soi – on s’occupe d’autant mieux des autres que l’on se sent en harmonie avec soi-même – et de se faire plaisir.

Dans une étude récente publiée dans le British Medical Journal, James Fowler et Nicholas Christakis suggèrent que le bonheur d’un individu dépend de la joie de vivre des personnes qui constituent son environnement habituel. Le bonheur est contagieux. A l’inverse, il convient de fuir les personnes toxiques, à l’influence mortifère, capables de démoraliser et d’instiller le doute chez les plus optimistes. Dans son ouvrage « Objectif Zéro-sale-con », Robert Sutton va jusqu’à avancer que les toxiques représentent un coût caché et un réel danger pour toute entreprise.

Laisser une empreinte

Transposée au plan professionnel, la philosophie formulée par Richard Branson fera ici un manifeste salutaire : « Amusez-vous, travaillez dur et l’argent suivra. Ne perdez pas votre temps ; saisissez votre chance, prenez la vie du bon côté. Si vous ne vous amusez pas, passez à autre chose. » Cela doit aussi être l’occasion de mettre à distance le catastrophisme ambiant en profitant au mieux des divers bonheurs de l’existence.

Ce qui compte, au final, c’est de laisser une empreinte. En quoi ai-je fait la différence ? Ai-je contribué à quelque chose d’utile ? Ai-je fait avancer mon métier ? Il ne s’agit pas forcément de changer le monde, mais à tout le moins d’avoir un but, de progresser et de faire progresser. Et cela dans un contexte de crise qui, selon l’auteur, pourrait bien avoir pour effet de réhabiliter des valeurs oubliées telles que l’intégrité, l’honneur, la simplicité, la solidarité et la fraternité.

Entre les labyrinthes de l’être et les impasses de l’avoir, il y a l’énergie et, disons aussi, le bonheur de faire. Ce n’est pas le moindre mérite de ce livre foisonnant, plein de pistes stimulantes et de références utiles autour des notions clés d’initiative, de créativité, d’ouverture et de coopération, que de nous mettre en mouvement au fur et à mesure de sa lecture.

20/01/2011

Rebondir en temps de crise (2) La revanche de la récré

Cela nous ramène au concept anglo-saxon de la « serendipity », sorte de hasard heureux qui peut se définir comme l’art de découvrir ou de créer quelque chose sans l’avoir précisément cherché. Un état d’esprit qui ne fonctionne que si l’on se fixe un objectif précis et qui exige une attitude mentale axée sur la détermination, la curiosité, l’effort et la patience.

S’il est par ailleurs nécessaire de communiquer en période de crise, il est préférable de se concentrer sur un seul message, ce qui implique d’être au clair en amont sur son objectif, son positionnement et ses cibles. « Tous les grands communicants, rappelle Bommelaer, le savent. Il vous faut trouver les mots clés et la façon forte, unique et originale de faire passer votre message principal ». Ne reste plus qu’à répéter par la suite ce message central. Bref, l’efficacité en ce domaine se conjugue aussi mal avec la propension à la divagation du propos qu’avec une habitude culturelle plus ancrée dans notre pays qui consiste à s’obliger en toutes circonstances à la modestie en s’interdisant d’afficher ses réussites.

Au contraire, être porteur d’un message clair et fort peut utilement aider à conjuguer lisibilité et visibilité, ce qui vaut pour les individus autant que pour les entreprises. A l’âge du storytelling, il est également utile de rappeler que nous n’usons que trop peu souvent de la capacité des histoires à susciter la curiosité et à faire passer des messages. Une « arme de persuasion massive » dont nous n’utilisons ordinairement guère plus de 20 % des possibilités. Ayez donc au moins une histoire pour chaque grande idée que vous défendez, recommande l’auteur.

Profitez-en également pour construire votre propre vision de la crise, pour « faire la différence avec le magma verbal ambiant en adoptant un discours réfléchi et construit sur la récession ». Les leaders les plus habiles en ce domaine ont bien compris que l’essentiel « n’est pas d’avoir raison sur la durée, mais d’avoir une pertinence évolutive et assez souple pour pouvoir s’adapter à des circonstances aussi changeantes qu’évolutives ».

La revanche de la récré

Il y a une satisfaction dans cette affaire : c’est la revanche des pros de la récré sur les bons élèves. Ceux qui réussissent le mieux en période de crise ne sont en effet pas ceux qui, tels les bons élèves, répliquent avec application les recettes de l’école et du passé, mais ceux qui explorent, vont au contact des autres et montrent une capacité singulière à la socialisation (Bommelaer est aussi un spécialiste du réseau ; il est notamment l’auteur de « Trouver le bon job grâce au réseau » et « Booster sa carrière grâce au réseau »). La recherche (Eagly & Carli) montre que les meilleurs managers qui consacrent moins de temps que les autres aux tâches traditionnelles pour mieux se concentrer sur le développement des relations sont aussi ceux qui progressent le mieux dans leur vie professionnelle. La récré dans ce contexte, c’est ce lieu magique où « se nouent les alliances, circule l’information et se passe la vraie vie ».

Quant à la recherche d’emploi, inutile de préciser que, dans une situation où 70 % des postes de cadres confirmés passent par le réseau, c’est un networking bien mené et le plus en amont possible qui permettra de s’insérer au mieux dans les opportunités disponibles. Cela permettra aussi d’éviter ce que Bommelaer nomme les quatre dictatures du marché de l’emploi : celle du CV (vu en vingt secondes sans rencontre), du copié-cloné (on recherche le même), de l’âge (on est désormais reconnu senior à 47 ans) et du diplôme (sans le bon, point de salut).

Nouvelles catégories

Dans ce contexte, le credo de l’auteur, c’est celui de Susan Jeffer : qui ose, gagne. L’auteur rappelle à cet égard le mot de John Kennedy : « Les risques et conséquences qui découlent de l’action ne sont rien comparativement aux risques et conséquences d’une confortable inaction ». Et cela dans un monde et au milieu d’une crise qui nous commandent de cesser de penser et de vouloir agir avec les cadres et les catégories du XXème siècle. « L’histoire du XXIème siècle est d’ores et déjà dominée par l’incertitude et la volatilité, les ruptures et les surprises de tous ordres. Autant donc être prêt à vivre ces nouvelles ruptures. C’est aussi le crédo des spécialistes des nouvelles technologies à Harvard qui intègrent de plus en plus dans les systèmes de management les règles permettant de gérer au mieux l’incertitude.

La tâche paraîtra-t-elle trop vaste qu’un découpage en une série d’actions concrètes et positives permettra de progresser vers le but que l’on s’est fixé. C’est la recommandation d’Albert Bandura dans son livre sur l’auto-efficacité. Plus la personne concernée est persuadée de pouvoir réussir, plus elle agit et atteint ses objectifs. Plus elle réussit, en acquérant ou imitant des comportements adaptés, plus elle se fixe – ou accepte – des tâches de plus en plus difficiles.

Investir dans la confiance

Investir dans la confiance est aussi une piste à privilégier, spécialement dans un pays auquel elle fait cruellement défaut, comme l’ont rappelé récemment Yann Algan et Pierre Cahuc dans « La société de défiance ». A la question : en règle générale, est-il possible de faire confiance aux autres ? la France se classe en effet au 24ème rang sur 26 pays étudiés, juste devant la Turquie et le Portugal. Voilà un avantage stratégique encore largement méconnu, à tel point que Covey la considère comme la priorité n°1 des années à venir. Cela n’exclut pas la confrontation, mais doit à tout le moins conduire à la pratiquer de façon positive, à travers ce que les psychologues nomment l’assertivité.

Pour cela, rien de tel que de redécouvrir le potentiel de « l’intelligence émotionnelle développée notamment par Daniel Goleman. Si un QI supérieur à 140 continue encore à être pris en considération, le « quotient émotionnel » monte en puissance. La clé, c’est l’harmonie sociale. La contribution décisive du QE, c’est en effet de permettre la pleine expression du travail en équipe, bien au-delà de la seule addition des QI individuels (2/3).

18/01/2011

Rebondir en temps de crise (1) Territoire de l'expérience optimale

« Dans la vie, il n’y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les créer, et les solutions suivent ». C’est sous l’égide de ce mot de Saint-Exupéry que Hervé Bommelaer, consultant en outplacement et en gestion de carrière, fait avec « Rebondir en temps de crise – 50 bons réflexes au quotidien » (Eyrolles), une œuvre utile, c’est-à-dire, stimulante et efficace pour peu que l’on veuille bien sortir un instant des schémas usuels et de l’habituelle scepticisme à l’égard d’une approche plus proactive de la vie aussi bien au plan professionnel que personnel.

Ce n’est pas que nous manquons de volontarisme, c’est que nous manquons souvent, sinon d’énergie, du moins de méthode. Le meilleur de l’expérience américaine, qui nourrit tout naturellement les expériences de coaching, pourrait bien résider dans cette idée simple que, peut-être pas tout, mais beaucoup nous est possible si nous voulons bien en construire le cheminement plutôt qu’en attendre l’avènement.

Que recommande Bommelaer à cet égard ? Du sang-froid d’abord au beau milieu de la crise, plutôt que de céder à la sinistrose et à la paralysie ambiantes, et de la hauteur de vue. En période de crise, il est en effet « préférable de moins pelleter, mais de le faire à des endroits différents » parce que « c’est la qualité des idées et la réactivité face à un environnement en mutation rapide et chaotique qui fera la différence ». A chacun de diversifier ses sources et ses contacts pour renouveler la vision de son environnement et de son univers professionnel. Ah, comme les habitudes sont commodes, et comme elles mènent toujours aux mêmes constats qui ne nous font pas avancer d’un iota…

L’expérience optimale du « flow »

Ce contexte de crise rend bien sûr inopérants aussi bien la frilosité que le repli et davantage encore la résistance au changement. Une posture nouvelle qui passe par un questionnement simple : qu’est-ce que je ferais si je n’avais pas de contraintes financières ? Et qu’est-ce qui m’empêche de le faire maintenant ? s’interroge ainsi l’auteur. Le choix est finalement assez simple entre subir ou agir. Suivre des rails qui nous ont souvent fait perdre de vue la direction en cours de route ; ou bien se donner les moyens de réintroduire dans nos existences résignées l’énergie de projets excitants.

L’expérience du « flow », repérée par Mihaly Csikszentmihalyi et qui donne à certains moments particuliers de réalisation ce mélange de sentiment de parfaite maîtrise et d’enchantement profond peut aussi aider à se reconnecter avec son énergie et son talent propres. Si l’exigence de la tâche est élevée mais les capacités de l’individu sont réduites dans un domaine donné, l’anxiété se développera. En sens inverse (faibles exigences, fortes capacités), on sombre dans l’ennui. L’idéal est donc de se placer dans cette courbe centrale qui fait progresser ensemble les défis auxquels nous sommes confrontés et notre capacité à y répondre positivement. C’est le territoire de l’expérience optimale.

Cette approche n’est pas sans rappeler ce que dit Luc Albert du changement sous l’angle de l’employabilité : ce qui est coupable dans le monde de l’entreprise, ce n’est pas de demander aux gens de changer, c’est le contraire, qui les enterre sûrement avant l’heure. Là-dessus, Anthony Robbins, expert en PNL, rappelle quelques principes salutaires : il n’est pas nécessaire de tout comprendre avant d’agir ; les êtres humains sont notre principale resource (ce qu’il faut naturellement comprendre en un sens différent des « ressources humaines ») ; le travail est un jeu ; ou encore, il n’y a pas de réussite durable sans engagement (ou sans passion diraient les coachs de Harvard). Car le constat est là : nous n’exploitons en général que 20 à 30 % de notre potentiel. Ce qui semble nous laisser un peu de marge de progression.

La stratégie de l’océan bleu

Or l’espace du progrès personnel passe en grande partie par notre capacité à établir des relations de partenariat et de coopération avec nos interlocuteurs : responsables, équipes, clients, contacts divers aussi bien que futures relations. Conjuguée à une authentique créativité, cette capacité à créer de nouvelles relations peut se révéler très puissante. La stratégie dite de « l’Océan bleu » popularisée par Chan Kim & Renée Mauborgne, qui consiste à aller jeter ses filets là où personne n’est encore allé en s’éloignant des zones où le combat entre concurrents fait rage, gagne de ce point de vue à être méditée. C’est, rappelle Hervé Bommelaer, typiquement ce que Steve Jobs a réalisé en s’écartant du marché des ordinateurs pour exploiter celui de la musique en ligne.  Bref, pour qui veut bien se mettre en mouvement, de la crise à l’opportunité, il n’y a qu’un pas qui peut donner bien des longueurs d’avance.

Le livre est aussi un florilège de citations américaines volontaristes, tel encore ce mot de Robert Kennedy : « Il y a ceux qui voient les choses telles qu’elles sont et se disent : « pourquoi ». Et il y a ceux qui rêvent les choses telles qu’elles devraient être et qui se disent : « pourquoi pas » ». Cela compense après tout un travers national bien résumé par Bommelaer : en France, nous sommes les champions du monde des idées, mais nous sommes beaucoup moins performants pour les concrétiser… Bref, une bonne idée formidablement mise en œuvre bat toutes les fabuleuses idées mal orchestrées.

Eloge de la « sérendipité »

Lorsqu’aux antipodes de ces success stories, nous partons de plus bas, de situations difficiles, l’expérience des survivants peut aider. Elle repose fondamentalement sur la capacité à garder confiance, le sens de la solidarité, l’aptitude à s’adapter à des conditions extrêmes. Sans négliger la capacité à s’extraire, ne serait-ce que quelques minutes par jours, de la violence ou de l’épuisement. Pour Amanda Ripley, auteure de « The Unthinkable : Who Survives When Disaster Strikes – and Why », le rescapé réagit d’autant plus efficacement qu’il accepte l’idée de chaos et cherche des solutions pour s’adapter à la nouvelle donne.

La chance y aurait-elle sa part ? Bien sûr, encore ne faut-il pas lui attribuer plus que ce qu’elle peut offrir. Dans « The Luck Factor », Richard Wiseman montre ainsi que les chanceux se distinguent des malchanceux par plusieurs facteurs : ils savent ce qu’ils veulent, se fixent des objectifs à la fois ambitieux et réalistes, sont plus curieux, fuient la routine et sont ouverts au changement. Ils ont confiance, osent et n’ont pas peur de l’échec. Ils suscitent la sympathie, relativisent les contrariétés et, fait singulier, se fient pour 80 % d’entre eux à leur intuition qui joue un grand rôle dans leurs choix professionnels. Bref, autant de facteurs qui se révèlent avoir en fin de compte peu à voir avec la chance.

Mal aimée des sociétés occidentales qui lui préfèrent la rationalité, la logique, les certitudes et la modélisation, l’intuition se révèle en réalité une précieuse alliée pour déceler, à travers les crises, les ferments d’un monde nouveau. C’est le sujet auquel s’est intéressé Malcolm Gladwell (« La force de l’intuition »)  où il montre notamment que plus le cerveau travaille sur des sujets différents, plus il est capable d’’établir des liens inattendus entre eux, ce qui en retour développe l’intuition. « Plus votre « encyclopédie interne » sera fournie et constamment alimentée, plus votre intuition sera favorisée. C’est ainsi que sans diplôme mais en s’appuyant sur son intuition, Maxime Aïach, le fondateur d’Acadomia, a fondé sa société de soutien scolaire à domicile. Cette entreprise est aujourd’hui n°1 dans son domaine et ne cesse de croître (1/3).

07/01/2011

Dircom, un métier qui se transforme (4) Note sur la passion (le moteur et la mécanique)

Commencer par la passion ? D'abord, on l'a dit, elle n'est pas spécifique et relève plutôt en général des disciplines artistiques, au-delà du minimum de créativité requis de chacun dans l'exercice de ses fonctions. Elle peut aussi se révéler dangereuse quand, au beau milieu d'une crise, il faut faire preuve de sang-froid (1). Elle peut encore poser un problème de crédibilité dans une culture managériale qui, à quelques exceptions notables près, ne pose pas l'enthousiasme en première de ses vertus. Elle peut enfin apparaître en décalage avec des transformations économiques qui ont conduit nombre de salariés à découpler passion et métier, engagement et vie professionnelle.

A bien y regarder pourtant, difficile de bien faire son métier à un niveau individuel sans s'y engager un peu, et cet engagement fait même souvent la différence entre exécutants et contributeurs (2). Sur un plan plus systémique, il est aussi frappant de voir comment des organisations réputées rationnelles fonctionnent parfois sur un mode extrêmement passionnel, en particulier lorsque des éléments de nature identitaire ou politique sont en cause.

En réalité, l'intérêt et, comme on le dirait d'une oeuvre musicale, le grand thème de la passion en tant qu'elle cherche à la fois à comprendre, à convaincre et à résoudre, c'est la synthèse. Soit l'art de dégager à partir de points de vue, d'expériences et de savoirs distincts, une vision juste et percutante. Autrement dit, de rassembler ce qui est épars et parfois antagonique en une construction à la fois cohérente (elle tient la route), partageable (elle englobe les différences) et dynamique (elle met en tension vers un objectif).

C'est, au-delà des plaisanteries scolaires habituelles, l'utilité profonde de la culture générale. Cette discipline ne relève en effet pas plus du concours de beauté universitaire que de l'art de briller dans les cocktails. Elle recouvre, bien davantage que la juxtaposition des savoirs, un mode de raisonnement cherchant à mettre en relation des informations et des connaissances de façon créative et dynamique, dans laquelle le savoir se met au service de la compréhension et de la transformation du réel.

Ainsi donc, le sujet fondamental d'une passion se donnant à partager comme vision de l'entreprise et de ses parties prenantes, c'est la dynamique. C'est d'ailleurs le principal point faible, à mon sens, de la définition que donne Antoine Spire du métier de dircom comme "organisation de la convergence des signes" parce qu'il lui manque précisément la mise en mouvement de l'ensemble, sinon même l'énergie d'une transformation. La cohérence sans la dynamique, c'est un véhicule techniquement en règle, mais qui ne dépasse pas la troisième en régime de croisière.

Bref, si la passion est le moteur individuel, c'est le projet qui en est la mécanique ou plutôt la gymnastique collective, tant s'il existe sur le sujet des méthodologies éprouvées, il n'est guère en revanche de recettes générales. Si l'on veut susciter un minimum d'adhésion là-dessus au sein d'une organisation, il faut donc faire du sur-mesure, faute de quoi on ne recueillera au mieux qu'un assentiment poli, au pire une volée de bois vert. En quoi la passion est aussi affaire d'invention.

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(1) Tout en se montrant capable de comprendre les logiques passionnelles très fortes souvent à l'oeuvre derrière les crises. La passion est alors ici davantage un manière de comprendre qu'une façon d'agir.

(2) Souvent, pas toujours : il existe aussi des excès de motivation qui posent d'autres problèmes, de nature plus psychologique (des gens qui n'arrivent jamais à décrocher par exemple et qui vivent à l'excès l'entreprise comme leur cause) et qui, en tout cas, ne font pas nécessairement rimer engagement et efficacité. Ces comportements relèvent parfois de logiques d'identification et font apparaître, en creux, une vie déséquilibrée. Ils peuvent aussi ne relever que d'une posture cherchant à  s'approprier des comportements perçus comme valorisés par l'entreprise.