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18/03/2011

(Dircom) Plan de la première partie : Les fondamentaux (rappel)

Dircom, un métier qui se transforme

 

Première partie : Les fondamentaux

 

1.1. - Un métier de passion

 1.1.1 - La passion de comprendre : l’architecture et le système

 1.1.2 - La passion de convaincre : l’écosystème ou la guerre

 1.1.3 - La passion de résoudre : de l’inspiration à l’ingénierie

 1.1.4 - Note sur la passion : le moteur et la mécanique

 

1.2. - Un métier de relation

1.2.1 - Ce qu’écouter veut dire : Vauban ou l’Espagne

 1.2.3 - L’anachorète ou le capitaine : ce que le management doit au handball

1.2.3 - Faire agir : le périmètre et le territoire

1.2.4 - Note sur le paradoxe de la cogestion (surtout ne montrez pas l’exemple)

 

1.3 - Un métier de transformation

1.3.1 - Capter : l’héritage et le creuset

1.3.2 - Structurer :

          1.3.2.1 - La confiance, du constat au contrat

          1.3.2.2 - L’écosystème, de l’affrontement au partenariat

1.3.3 - Animer : le terrain, des opposants aux alliés

1.3.4 - Note sur les risques du métier (portrait du dircom en tireur de panenka)

 

Conclusion : L'ancrage et le mouvement

 

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NB : Ce plan est donné à titre indicatif. Le système de numérotation des chapitres a changé pour faciliter d'éventuelles adaptations ultérieures. Par ailleurs, pour alléger les titres, les notes relatives à ce sujet seront désormais signalées par le mot "Dircom" mis pour : "Dircom, un métier qui se transforme" suivi du numéro et du titre de la note.

07/03/2011

Dircom , un métier qui se transforme (12) Animer : le terrain, des opposants aux alliés

Combien de projets de changement ont-ils échoués parce que la dimension humaine du projet était aussi essentielle qu'elle fut négligée ? Dans l'un des premiers projets de changements auquel j'ai participé, on passa 90 % du temps sur l'ingénierie et 10 % sur la communication non seulement en comptant large mais aussi en comptant mal, car l'essentiel de ce temps fut consacré à déployer une stratégie d'information à travers les supports de communication écrits de l'entreprise - qu'ils fussent existants ou créés pour l'occasion, cela ne change rien à l'affaire. Car, et c'est là un précepte de base, on ne peut pas gérer efficacement un projet de changement par nature très chargé sur le plan émotionnel avec des supports de communication papier dont la fonction essentielle est, non de faire adhérer, mais d'informer. Ce n'est pas que l'information soit inutile sur ces sujets, loin s'en faut ! C'est juste qu'elle relève davantage de l'accompagnement que de la dynamique et qu'elle ne peut donc en aucun cas suffire en elle-même.

Quelques années plus tard, je m'opposais fermement, pour des raisons comparables, à un membre du comité de pilotage d'un autre projet de changement qui me demandait l'édition d'un document d'information sous un énième format pour un usage très spécifique. D'abord, nos activités entre la communication elle-même et la coordination du projet étaient aussi tendues que nos ressources étaient limitées. La direction de la communication devait être sur tous les fronts en même temps, ce qui ne peut tenir que moyennant un degré raisonnable de coopération ou, disons plus simplement, d'un minimum de bonne volonté de la part de ses partenaires. Si le rôle du dircom consiste à dire "oui" dans une large majorité de cas, il y a un certain nombre de situations, crises mises à part, où un refus poli mais ferme s'impose.

Il devenait surtout clair en l'espèce, au point où nous en étions, que les surenchères déraisonnables en matière de demande de supports d'information masquaient, dans un certain nombre de cas, un problème d'une autre nature. Après tout, une présentation power point tombée du siège était tout de même moins engageante qu'une réunion avec l'équipe locale. Le sujet, autrement dit, ce n'était pas la énième adaptation de tel document mais bien l'engagement de l'ensemble de l'équipe en charge dans le projet de changement lui-même. De fait, il est toujours préférable de clarifier l'agenda (au sens anglo-saxon du terme de l'ordre du jour) plutôt que de se laisser embarquer dans une enfilade de faux-semblants qui, en ne menant nulle part, finit par compromettre la dynamique collective. L'intérêt de l'industrie à cet égard est qu'il est posssible d'y mener un certain nombre d'explications "franches et cordiales" comme on dit en diplomatie sauf que, dans le cas qui nous occupe, l'exigence intellectuelle va de pair avec la possibilité, sinon l'encouragement (qui y tient peut-être à des rapports très majoritairement masculins) à exprimer un désaccord (1).

La méthode de mise en oeuvre dont il s'agit ici relève essentiellement de la tactique et c'est ce qui en fait un bon guide d'animation du changement sur le terrain. Elle s'appuie sur la recherche en sociodynamique développée par Jacques Fauvet et théorisée par la suite par Herbemont & César dans leur ouvrage : "La stratégie du projet latéral : comment réussir le changement quand les forces politiques et sociales doutent ou s'y opposent" (Dunod, 1998). L'idée centrale de cette approche, c'est de permettre aux acteurs concernés d'imprimer leur marque à un projet de changement en partant du principe que ce que l'on perd en cohérence initiale, on le gagne en appropriation. Et c'est tant mieux : l'objectif d'un projet de changement, a fortiori s'il est vaste, sensible et complexe, ce n'est pas la perfection mais l'efficacité.

D'où la notion-même de projet "latéral" qui, en soi, unifie d'ailleurs stratégie et tactique, fond et forme, contenus et process, technique et politique, ingénierie et communication puisque, dans cette approche, les gens sont les acteurs et non les objets de la démarche. Une conséquence pratique de ce qui précède, difficile à faire partager aux équipes de direction et autres comités de pilotage et cependant essentielle à la réussite de tout projet de cette nature, est qu'il convient de communiquer, au sens d'occuper le terrain, à toutes les étapes du projet sans attendre d'être parfaitement au point sur l'ensemble des aspects. Faute de quoi, la nature en général et le terrain en particulier ayant horreur du vide, on se retrouvera avec un projet aussi parfait sur le papier qu'impossible ou en tout cas beaucoup plus compliqué à mettre en oeuvre.

Précisément, l'un des principaux outils de cette méthode est la cartographie des alliés qui, dans une approche plus large de "quadrillage du terrain", permet de conserver la maîtrise d'un projet de changement lorsqu'il se heurte à des résistances fortes. L'intérêt de cette cartographie est qu'elle se base moins sur le discours des acteurs que sur l'énergie qu'ils sont prêts à investir dans le projet et reste toujours plus focalisée sur les alliés que sur les opposants - un précepte qui paraîtra aussi bêtement élémentaire qu'il est rarement appliqué pour des raisons émotionnelles d'ailleurs bien compréhensibles (c'est ce que les auteurs appellent "le syndrome de la pie").

Un point intéressant à cet égard est que, dans la hiérarchie des alliés du projet, ceux qui paraissent les plus engagés et qui sont qualifiés de "militants" ont dans une certaine mesure moins d'efficacité dans la réussite du projet que ceux qui, tout en s'engageant fermement en sa faveur, conservent une forme d'esprit critique qui leur permet de faire remonter les problèmes. Ces alliés du second type sont justement qualifiés de "Triangles d'or" et je recommande vivement de compter, dans toute équipe digne de ce nom, des gens capables simultanément de loyauté et de cette sorte de liberté d'évocation sans laquelle toute direction compromet tôt ou tard la réussite de son projet (selon le syndrome qualifié cette fois "d'évitement"). Une distinction subtile mais réelle est cependant à faire à cet égard entre ceux qui font remonter les problèmes avec le souci de faire réussir le projet et ceux qui jouent le même rôle avec l'intention inverse - et c'est en quoi il est plus efficace de mesurer l'énergie concrète que les gens investissent plutôt que les discours qu'ils tiennent.

A l'autre bout du spectre, il faut faire la part des choses entre les opposant mous et les adversaires radicaux. Il est souvent possible de faire basculer les premiers : il "suffit" pour cela d'enregistrer une série de succès faciles et concrets dans la période qui suit le lancement du projet. Là-dessus, pas de surprise majeure : pour une majorité de gens, prendre parti, c'est prendre le parti du vainqueur - les entraîneurs sont payés pour le savoir. Le cas des opposants radicaux n'est plus difficile qu'en apparence seulement. L'observation du manichéisme psychologique qui prévaut souvent dans le monde politique est ici riche d'enseignements. Il y a bien en effet un moment où il faut choisir son camp : on est pour ou on est contre. La vraie question, c'est celle du timing, autrement dit du moment où l'on est en mesure de faire basculer les choses. C'est la notion américaine du momentum (qu'il faudrait traduire par un terme qui exprimerait simultanément la dynamique et le basculement), si décisive dans les campagnes électorales. Quant à ceux qui sont irréductiblement contre, qu'ils existent comme ils le peuvent. L'essentiel encore une fois est de se focaliser davantage sur l'extension du cercle des alliés que sur les prises de position, toujours aussi virulentes qu'irritantes, des opposants.

Cette méthode a vu nombre de ses concepts clés essaimer si largement qu'ils font désormais partie de la boîte à outils de base de la plupart des managers de terrain. Je la tiens aujourd'hui encore, dans une approche que je prends le parti de simplifier ici à très grands traits, comme un outil essentiel du management de tout projet de changement difficile (2). Et je ne vois pas de ce point de vue de différence conceptuelle majeure avec les théories de John Kotter, si en vogue dans le monde anglo-saxon, sur la conduite du changement (3). A l'exception peut-être d'une prise en compte plus attentive dans la méthodologie française des aspects culturels ou, pour le dire plus justement à la manière de Bourdieu, des aspects symboliques du changement. C'est là l'intérêt d'un des outils développés par la méthode sous l'appellation de "modèle VUE", pour Valeurs (les règles inconscientes), Utilités (les opinions conscientes) et Envies (les désirs plus cachés). Selon cette approche, mener à bien un projet de changement, c'est être capable d'occuper correctement ces trois niveaux en termes aussi bien de compréhension des acteurs que d'offre du projet.

La confirmation d'une forme d'exception culturelle française, si l'on veut. Mais avec le risque, dans le cas contraire, de passer totalement à côté du film. A moins qu'il ne s'agisse là d'un authentique conte de fées ? De fait, pour être tout à fait complet, il faut aussi préciser que la méthode emprunte, sur un plan plus pédagogique, à la structure... des contes de fées telle qu'elle a été notamment mise en évidence par Vladimir Propp avec ses rois, ses magiciens, ses épreuves et ses obstacles. Du point de vue des épreuves et des obstacles au moins, on se retrouvera en terrain connu.

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(1) Il n'est pas inutile de noter que les règles du jeu au plan international se révèlent sensiblement différentes, par exemple dans le monde anglo-saxon qui met au contraire un point d'honneur à policer des sujets d'affrontement potentiels qui se traitent préférentiellement en aparté dans un couloir ou par avocats interposés. La Russie représente sous cet angle une exception culturelle notable et c'est sans doute en quoi une tradition d'alliance diplomatique entre nos deux pays apparaît aussi culturellement solide (et d'ailleurs, historiquement établie) que stratégiquement prospère.

(2) On pourrait certes soutenir que tout projet de changement qui ne serait pas un tant soit peu difficile ne serait pas véritablement un projet de changement. J'ai participé à des projets de réorganisation menés  tambour battant en trois mois et il serait de ce point de vue tout à fait erronné de faire de la conflictualité une sorte d'indicateur empirique de l'importance des enjeux du projet. Cela fait en réalité une différence intéressante entre les idéologues qui veulent en découdre et les pragmatiques qui veulent aboutir.

(3) Voir par exemple : John P. Kotter, "Leading Change", Harvard Business School Press, Boston (1996). Je traiterai de ce sujet par ailleurs dans la série de chroniques de la rubrique "Harvard Report" de ce blog sous le titre : "Le rapport Harvard ou la réinvention de l'entreprise dans un monde en crise".

04/03/2011

Dircom, un métier qui se transforme (11) Structurer (suite) : l'écosystème, de l'affrontement au partenariat

Sur le terrain externe, l'observation récente de la prospérité de quelques uns des plus grands groupes mondiaux, de Wal-Mart à SAP en passant par Microsoft et Li Fung (1), montre que cette réussite est moins due à un avantage concurrentiel interne qu'à la capacité de tisser, autour de l'entreprise, un réseau de partenaires dûment sélectionnés qui partagent avec elle un intérêt raisonnable au développement du système sur le long terme. Du point de vue de l'entreprise, le potentiel de cette théorie est si vaste et si fécond qu'il faudra y revenir plus en détail par ailleurs (2).

Ce n'est pas moins vrai du point de vue de la communication - et je souscris pour ma part d'autant plus volontiers à cette approche que j'ai, à plusieurs reprises, comme directeur de la communication d'une société industrielle ou d'une fédération professionnelle internationale, toutes deux attaquées notamment sur des questions d'environnement, mis en pratique ces préceptes de façon à la fois intuitive et pragmatique. Je suis parti du principe que, face à un adversaire qui a un pouvoir non seulement de nuire mais encore de déstabiliser, on a le choix entre s'enfermer dans une lutte contreproductive, voire suicidaire, ou bien repenser le positionnement de l'entreprise en termes de partenariat raisonnable avec ses interlocuteurs clés.

La défiance augmentant avec l'éloignement, il faut alors s'attacher à réduire la distance pour accroître la confiance. J'ai ainsi été à la rencontre des principales organisations environnementales qui s'opposaient aux activités de l'entreprise dont je conduisais la communication et les relations extérieures pour mieux les familiariser avec notre métier, nos contraintes mais aussi nos objectifs de progrès. Que pouvait donc bien viser un tel projet : à faire taire les critiques ? Cela aurait été aussi stupide que désastreux. Libre à elles, si elles le souhaitaient, de continuer à se répandre en critiques sur l'entreprise. Une autre voie, plus constructive, s'ouvrait cependant à elles à travers l'instauration d'un dialogue organisé avec l'entreprise dans lequel, en échange d'une approche plus concrète, ces organisations gagnaient un pouvoir, peut-être pas de cogestion, mais en tout cas d'influence sur la politique environnementale mise en oeuvre. Au contact des réalités concrètes d'une industrie, chacun comprend aisément en effet, à l'exception sans doute des opposants irréductibles, que l'on n'évolue pas dans un monde parfait et peut en prendre acte positivement dès lors qu'il constate une intention honnête et une volonté réelle d'amélioration.

Il s'agissait en somme d'échanger un discours d'opposition un peu vain contre une démarche de progrès partagés profitant à l'ensemble des parties prenantes impliquées sur le sujet, et à l'entreprise elle-même non pas tant en termes d'esquive de la critique que d'amélioration de ses performances environnementales. C'est là un point clé : bien communiquer dans un monde imparfait, c'est toujours s'inscrire dans une perspective d'action et de progrès. Inversement, toute communication qui se déconnecte simultanément de son écosystème et de son lien à l'action est vouée à tourner à vide, sinon à produire des effets qui se révéleront tôt ou tard dévastateurs.

Ce ne fut alors qu'un travail embryonnaire, pour ne pas dire expérimental, qui a fait par la suite l'objet d'une approche plus systématique, et qui a d'ailleurs connu des développements significatifs dans l'industrie, minière ou pétrolière notamment, à travers la notion de tiers-partis, ces acteurs compétents et légitimes à qui on donne la possibilité de s'impliquer dans un problème auquel est confrontée l'entreprise.

Dans certains cas, cela ne marche pas : bâtir la confiance à travers une approche nouvelle quand le passé raconte une tout autre histoire, ou bien quand l'une des parties fait le choix de privilégier la posture sur le progrès, cela peut en effet mener à une impasse et, éventuellement pour un temps au moins, relancer la bataille. L'intérêt de raisonner en réseau, c'est précisément de pouvoir alors circonscrire une opposition de cette nature dans une approche plus large.

Bref, entre l'angélisme et le cynisme, il y a place pour une approche raisonnée basée sur un intérêt partagé et c'est toute la portée révolutionnaire de cette notion d'écosystème que d'apporter à cette démarche un cadre de nature à réconcilier l'entreprise et la société, l'intérêt particulier et l'intérêt général d'une façon qui leur soit mutuellement bénéfique. Les recherches menées récemment par Porter & Kramer (3) dans un certain nombre de grands groupes mondiaux tels que GE, Wal-Mart, Nestlé, IBM ou Unilever, mais aussi d'organisations gouvernementales et non gouvernementales sur le passage de la corporate social responsability (responsabililité sociale et environnementale) à la notion de shared value (valeur partagée) ont de ce point de vue une portée pratique considérable.

En substance, il ne s'agit plus dans cette approche de répondre à une pression sociale ou environnementale par des logiques d'affichage. Une collègue dircom me confiait là-dessus son opposition à la tendance des dernières années à combiner dans les grands groupes communication et développement durable et, en l'état actuel des choses, elle a raison. Il s'agit au contraire de construire de véritables partenariats visant à résoudre, d'une façon qui crée de la valeur pour toutes les parties prenantes, un certain nombre de problèmes, qu'il s'agisse d'alimentation, d'habitat, d'emploi, d'information ou d'énergie, en transformant des problèmes sociaux en opportunités de marché.

Danone, par exemple, a joué dans cette approche un rôle pionnier dans le domaine de l'alimentation en mettant au point des produits nutritifs bon marché permettant simultanément d'améliorer l'alimentation de vastes populations d'Afrique ou du subcontinent indien, tout en créant de nouveaux marchés. Le meilleur indicateur des développements à venir de cette démarche révolutionnaire pourrait bien être la transformation déjà amorcée d'ONG en micro-entreprises donnant lieu à l'émergence de nouvelles entreprises sociales (WaterHealth International, Revolution Foods, Waste Concern pour n'en citer que quelques unes) dont le statut apparaît aussi hybride que leur croissance est dynamique et leur capacité à résoudre concrètement les problèmes efficace.

 

Pour le dircom, ce renversement de perspective qui résulte de cette nouvelle donne combinant confiance et écosystème a, pour simplifier, une double conséquence. En interne, il conduit à passer d'une logique d'information à une logique de coopération et, en externe, d'une logique d'image à une logique de partenariat. En bref, ces nouveaux territoires d'intervention créent des opportunités en même temps qu'ils posent un certain nombre de problèmes. Car ce n'est pas tout d'élaborer le projet, il faut aussi animer la démarche... avec des acteurs qui ont souvent toutes sortes de raisons de s'y opposer.

Bienvenue dans le monde merveilleux de l'écosystème.

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(1) Voir les travaux de Marci Iansiti à la Harvard Business School, en particulier : "The Keystone Advantage: What the New Dynamics of Business Ecosystems Mean for Strategy, Innovation, and Sustainability", HBS Press (2004).

(2) A suivre dans la rubrique "Harvard Report" en cours de structuration sur ce blog (titre provisoire : "Le modèle Harvard ou la réinvention de l'entreprise dans un monde en crise").

(3) Michael E. Porter & Mark R. Kramer : "Creating Shared Value", Harvard Business Review, Janvier-février 2011.

01/03/2011

Dircom, un métier qui se transforme (10) Structurer : la confiance, du constat au contrat

Comprendre et relier pour transformer : tout ceci nécessite à l'évidence une méthode. Je ne connais qu'une exception remarquable à cette règle et elle est littéraire (1). Pour le reste, un peu d'inspiration ne va pas en ces matières sans beaucoup de travail, d'énergie et de persévérance et suppose à la fois une trame et un cadre d'ensemble.

Après une quinzaine d'années d'expérience de ces questions, la gestion d'une bonne quinzaine de crises internationales dont quatre ou cinq très sérieuses et la création ou l'accompagnement de cinq ou six démarches de changement dont trois significatives, à quoi il faut ajouter un certain nombre de réflexions croisées avec des dirigeants, des pairs, des consultants et des chercheurs, mon approche de la transformation s'appuie aujourd'hui sur le croisement de deux méthodes.

La première, à dominante interne, est basée sur la notion de confiance. La seconde, à dominante externe, est construite sur la notion d'écosystème. Je les retiens sur la base de deux critères simples : 1°) elles ont fait concrètement leurs preuves ; 2°) elles sont porteuses de développements très significatifs.

La méthode à dominante interne est basée sur la notion de confiance développée par Fallou & Serieyx dans "La confiance en pratique". Schématiquement, cette approche vise à définir à la fois un climat et un contrat de confiance. Côté climat, on passe au crible, sur la base d'un mix d'entretiens qualitatifs et d'enquête managériale plus large, le climat de confiance de l'entreprise à travers six thèmes fondamentaux : la clarté de la stratégie, la pérennité perçue de l'entreprise et la sûreté des règles du jeu, d'une part ; la fierté d'appartenance, la reconnaissance des contributions individuelles et le dépassement collectif d'autre part. Cela permet de repérer les points d'appui et les domaines d'amélioration dont découlent d'ailleurs directement les chantiers de progrès du projet de changement.

La méthode s'attache également à identifier ce que l'on appelle les "contrats invisibles" qui, à côté du contrat explicite qui lie chaque salarié à l'entreprise, permet d'identifier en profondeur sur un plan cette fois moins managérial que culturel les ressorts et les moteurs de son appartenance, ce qui permet d'ancrer solidement la démarche de changement dans la réalité de l'entreprise, bref, de construire sa légitimité.

J'ai expérimenté ce cadre d'action lors d'un projet d'évolution de la culture managériale d'un groupe minier que j'ai proposé, lancé puis coordonné aux côtés d'un cabinet qui avait formalisé cette approche à travers un travail de fond mené au prélable avec une vingtaine de dirigeants de grands groupes industriels. Mon point de départ, partagé avec le nouveau président du groupe de l'époque, était que des résultats semestriels spectaculaires qui faisaient suite à une restructuration d'ampleur ne suffiraient pas à mobiliser les troupes à la faveur, qui plus est, d'un changement de leadership qui donnait au contraire l'opportunité de bâtir avec le management et les équipes une nouvelle étape de développement de l'entreprise. Le résultat fut assez spectaculaire en termes aussi bien de justesse du diagnostic, et donc d'appropriation par les équipes, que de dynamique collective et de progrès concrets.

Aujourd'hui encore, le programme que nous avons mis en oeuvre continue de définir le cadre de réference managérial du groupe en question bien que quelques uns de ses principaux instigateurs n'y soient plus en fonction - un trait suffisamment rare pour être souligné quand nombre de démarches de changement ont à peine le temps de porter leurs fruits qu'elles s'effacent déjà devant le suivant. En quoi la gestion du changement a moins à voir avec l'affichage qu'avec la persévérance.

Quand elle cède en effet à la tentation de l'affichage, l'entreprise rejoint alors aux yeux de ses salariés ce qui disqualifie fondamentalement la politique aux yeux des citoyens : l'incapacité à honorer la promesse du changement. La défiance généralisée qui en résulte éloigne alors d'autant de l'optimum collectif, au prix d'ajustements différés qui n'en seront que plus brutaux - restructurations et licenciements dans un cas, rigueur et chômage dans l'autre. C'est précisément l'intérêt, et l'exigence, d'une démarche de changement basée sur la confiance que de proposer une approche différente reposant notamment sur un constat et un contrat partagés.

Au-delà de ce cas particulier, je crois que cette approche est appelée à d'importants développements pour une raison simple : elle propose de concilier facteur humain et performance d'une façon collectivement non seulement acceptable mais aussi désirable vis-à-vis de décideurs privés ou publics qui sentent intuitivement que c'est un problème majeur mais qui ne savent pas toujours très bien comment le traiter au-delà du diagnostic et de l'intention.

Cela vaut bien sûr dans notre pays dont le statut de société de défiance n'est plus à documenter. La comparaison à cet égard avec la société américaine est révélatrice. Aux Etats-Unis, le corps social de l'entreprise peut se concentrer sur la recherche maximale de l'efficacité à l'exception de toute autre considération. La cohésion n'est pas un sujet, c'est une donnée, et cela d'autant plus que l'on a affaire à une culture davantage centrée sur les tâches que sur les relations. Par opposition, le modèle français est marqué à la fois par un sens critique beaucoup plus développé et par une plus forte propension à la division... tout en étant plus centré sur les relations que sur les tâches. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour compliquer les projets de changements. Ce qui fait qu'un projet visant à accroître les performances de l'entreprise doit mener de front à la fois la recherche de l'efficacité et la construction de la cohésion. A la limite, sauf peut-être dans des circonstances de crise exceptionnelles, la construction de la cohésion constitue un préalable, ce qui renforce encore l'intérêt d'une démarche fondée sur la confiance

Cela étant dit, la confiance apparaît bien comme un ciment de portée universelle, ce que la démarche précédemment évoquée a d'ailleurs permis de vérifier dans des pays aussi différents que le Gabon, la Norvège ou la Chine. Aux Etats-Unis-mêmes, la démarche trouvait une justification propre à travers la problématique de la relation entre une filiale (américaine) et un siège (français) dans laquelle le mot d'ordre de "mieux se comprendre pour mieux travailler ensemble" trouvait en lui-même une portée pratique partagée.

Voilà pour l'interne.

Mais comment imaginer qu'un projet de changement n'intègre pas l'environnement externe qui revient aujourd'hui avec force dans le territoire de l'entreprise ?

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(1) Il s'agit du roman d'Antoine Bello, "Les éclaireurs", dans lequel une organisation futuriste, assez proche du concept de "transhumains" développé par Jacques Attali dans sa "Brève histoire de l'avenir", se borne pour l'essentiel à réunir des gens de talents partageant une ambition de progrès internationale mais sans leur fixer un cadre ou des objectifs a priori. C'est un modèle intéressant qu'il serait aisé de disqualifier en s'appuyant sur les réalités managériales... s'il ne correspondait pas déjà à une réalité en développement. Je pense à Google notamment qui s'impose à certains égards comme un modèle de référence possible de l'entreprise du XXIème siècle. Mais je pense aussi, plus largement, à certaines organisations internationales ou encore à la façon dont la génération Y envisage sa participation à l'entreprise comme une "co-création" (l'expression est de Dominique Reynié au cours d'un échange dans le cadre de La Manu).

09/02/2009

Toronto, Londres, Bruxelles, New York (1) L'envol et l'arène

Dans le vol d'Air Canada qui amène l'équipe de Toronto au séminaire interne de l'Institut organisé, cette année, dans un manoir de la région de Birmingham, on porte un toast, vers midi, à Obama qui prête enfin serment comme nouveau président des Etats-Unis.

Embarquer pour un moyen-long courrier, c'est l'occasion de lâcher prise, d'ouvrir une paranthèse assez indéterminée dans le temps et dans l'espace, d'échapper aux tensions et aux sollicitations de toutes sortes, de laisser vagabonder son esprit - bref, de faire relâche (la première fois que j'avais éprouvé cette sensation, c'était lorsque je quittais le chaudron calédonien, alors en pleine crise).

Mais ce transport est aussi une pause créative dans laquelle, comme dans une sorte de rêve éveillé, la mécanique des idées, en prenant de la hauteur, s'agence autrement. Pas de travail (intensif) sans (art de la) pause. Le coaching, en somme, comme prolongement individualiste du syndicalisme de base.

Quand, quelques heures plus tard, ne parvenant pas à trouver le sommeil au beau milieu de la nuit suivante dans un aéroport d'Heathrow, je n'en finis pas de revoir les images de la cérémonie d'inauguration d'une chaîne l'autre, deux choses me frappent.

La première, c'est la présence de Michelle. Elle tient la bible, mène la danse dans la marche improvisée vers la Maison Blanche, impose un style Elle a, vis-à-vis de Barack, un regard profond à la fois plein de bienveillance et d'exigence. Elle est décisive dans ce qui arrive (il faut lire aussi l'excellent papier d'une journaliste du Los Angeles Time repris récemment dans le Courrier international à propos du... derrière de la First Lady pris comme emblème ambivalent, à la fois refoulé et dévoilé, de la culture noire).

Seconde observation, moins intimiste. L'impression qui finit par dominer au bout d'un moment en visionnant et revisionnant ces images, ce n'est pas l'importance de la foule, la grandeur de la cérémonie, la consécration universelle d'un moment d'attente.

Non, ce qui l'emporte dans les interstices de la cérémonie, ce sont les petits ratés - des regards dans le flou, une foule assez peu enthousiaste, un discours qui tourne à vide, le baillement de Craig Robinson, l'ennui des filles, l'hésitation de Barack lui-même. Bref, il y a de la fatigue dans cette cérémonie, presque de la lassitude.

Ce qui fait la clé du changement, ce n'est ni la communication, ni l'action qui, séparément, peuvent produire respectivement du bruit ou de la fureur, c'est leur interaction vertueuse. Ce que l'on pourrait appeler, d'un assez vilain mot, la communic'action.