03/06/2013
Dircom (2.2.3) Du média training au média coaching
Autant le dire tout net : je tiens les relations presse comme une école fondamentale de l'exercice du métier de communicant. Seule la gestion des relations avec les médias expose en effet avec une telle intensité au mélange de réactivité, de maîtrise de la parole, de psychologie, de sens de l'opportunité et de tension tactique qui fait le coeur du métier et, pour tout dire, l'un de ses terrains de jeu privilégié.
Or, ce qui est vrai en période normale l'est encore plus en période de crise. Il faut avoir été porte-parole d'organisations projetées au devant de la scène et parfois jetées pendant des semaines ou des mois en pâture à l'opinion aux quatre coins du globe pour sentir la tension qu'implique l'exercice. Il faut aussi, cela étant dit, un rapport relativement anormal au réel pour faire de cette tension une excitation au sens anglo-saxon du terme, autrement dit, pour prétendre non seulement gérer mais aussi retourner la crise ou, mieux encore, pour en faire un levier de progrès.
Je note d'ailleurs qu'un certain nombre de débats professionnels, comme ce fut encore le cas récemment avec des dircoms issus du secteur de la banque ou de l'hôtellerie, tournent à cet égard davantage à la complaisance qu'au réalisme. La réalité face à une crise qui ressemble à un cyclone, c'est à peu près la même sensation que l'on ressent la première fois face à une grenade qui vient rouler à vos pieds : la peur. Et l'issue de la suite relève souvent plus de la chance que du génie.
Jeune dircom, je me souviens ainsi d'un échange avec l'un des meilleurs experts de la place de Paris au sortir d'une crise parmi les plus éprouvantes qu'il m'ait été donné de gérer. Il se trouve qu'après avoir essayé de gérer cette crise de façon rationnelle, j'ai fini par comprendre assez vite qu'il fallait abandonner ce travail d'argumentation qui ne nous laissait à peu près aucune chance sur ce terrain, sinon celle de nous enfoncer chaque jour davantage dans l'espèce d'irrationnel médiatique qui tournait alors à plein régime comme en une sorte de lessiveuse détraquée.
L'urgence, c'était à la fois d'élargir le débat, de détourner la cible, puis de changer de terrain de jeu - idée à triple détente qui m'était venue fortuitement à l'occasion d'un déjeuner au cours de cette période et qui fonctionna à merveille. Ce pourquoi d'ailleurs, même dans les pires moments, le dircom doit toujours être à l'écoute de son environnement. "Vous avez eu de la chance" me lança l'expert en question. "Nous avons été bons" répondis-je... A trente-cinq ans, c'était une prise de position intéressante. Passé la quarantaine, cela aurait été une idiotie doublée d'une faute de jugement. C'était évidemment lui qui avait raison.
En réalité, dans tout dispositif de communication, le média audiovisuel est au centre d'une curieuse relation qui suscite simultanément l'envie et la peur. L'envie de porter haut la parole de l'entreprise, la peur de ne pas être à la hauteur d'un exercice qui, s'il intègre de la technique, sollicite d'abord les ressorts intimes de chacun. Il y eut dans ce domaine des chutes célèbres, qui font encore mentionner avec malice à quelques patrons de la vieille école l'adage selon lequel "le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien". Je ne dis pas qu'il s'agit là d'un propos qui déchaîne un enthousiasme spontané chez un dircom ; au-delà des réflexes pavloviens de la profession, il ne mérite pas moins que l'on s'y arrête un instant, ne serait-ce que pour mesurer les enjeux du passage d'une logique d'image à une stratégie de réputation.
Il reste que le porte-parolat constitue pour le dircom l'exception plutôt que la règle, ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi compte tenu du degré de suspicion dans lequel est désormais tenue la communication dans l'esprit public. La moitié de ce rôle médiatique vient en effet a priori de la légitimité pour ainsi dire statutaire du porte-parole, l'autre moitié de son degré d'engagement émotionnel dans l'affaire ; avec un peu de chance, on retiendra en sus deux ou trois choses que vous avez dites, pour autant qu'elles s'inscrivent dans cette logique émotionnelle. En réalité, la plus grande part du job ici et sa part la plus courante est principalement de médiation entre le patron de l'organisation et les médias pour cadrer, guider, préparer, orchestrer, bref, accompagner le dirigeant ou ses représentants tout au long du processus.
Si l'on pousse plus avant ce raisonnement, on aboutit très vite à une sorte de principe archimédiatique selon lequel tout corps parlant plongé dans l'arène médiatique reçoit de la part de celui-ci une poussée verticale... Autrement dit, s'il ne se noie pas, il émerge plus fort en ce qui concerne l'objet fondamental de son activité. C'est qu'en réalité, l'essentiel n'est pas le média, mais le dirigeant ; ce n'est pas l'externe, mais l'interne. In fine, un processus d'accompagnement médiatique bien conduit au milieu de circonstances un peu rudes met en effet un dirigeant en situation, dirait-on en politique - autrement dit, en position renforcée pour conduire le projet qu'il porte pour l'organisation qu'il sert.
Pourquoi cela ? Il y a bien sûr le syndrome du sauveur, ou celui du chevalier au milieu de ces joutes contemporaines qu'affectionnent les arènes médiatiques. Les spécialistes de la conduite du changement qui ont été formés chez Vladimir Propp à l'étude structuraliste des contes en savent quelque chose. La dimension symbolique ne compte pas pour rien dans l'affaire. Mais il y a autre chose, qui touche davantage au leadership qu'à la communication.
Le type qui finit par ressortir de la lessiveuse a appris quelque chose de fondamental sur lui-même. Il a hésité, puis combattu, donné du sens, mis en perspective. Il s'est défendu mais, surtout, il s'est engagé. Il a dû, ce faisant, sortir de lui-même, mettre à l'épreuve ses résistances, passer des seuils, franchir de nouvelles frontières. Comme le militant après la première campagne, le marathonien après le premier marathon et le parachutiste après le deuxième saut : ce n'est plus le même homme.
Le reste est péripétie. A l'heure de l'information en continu et des réseaux sociaux, tout le monde aura vite oublié le plus ou moins gros pépin contre lequel vous aurez ferraillé quelques semaines plus tôt. Tout le monde, sauf vous-même et l'organisation que vous dirigez. Je soutiens qu'une partie fondamentale de l'intérêt du métier vient de ce processus de transformation intime qui fait du dircom, moins un arracheur de dents qu'un accoucheur de talents. En un mot, dans le média coaching, ce qui compte, ce n'est pas le média, c'est le coaching.
08:29 Publié dans Communication | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dircom, médias, média coaching, média training
28/02/2011
Dircom, un métier qui se transforme (9) Capter (l'héritage et le creuset)
Après les deux premières caractéristiques fondamentales du métier - la passion et la relation -, on entre avec la troisième, la transformation, dans le vif du sujet. Il s'agit cette fois de capter, de structurer et d'animer.
Le dircom fait un métier à la fois étrange, contesté et fragile. Etrange ? Demandez donc à des gens qui ne sont pas de la partie de vous dire en quoi consiste cette fonction ; la plupart du temps, ils vous poseront d'ailleurs la question d'eux-mêmes. Ce métier est aussi contesté en particulier lorsqu'il est assimilé à une mise en scène, mi-vaine mi-trompeuse, qui aurait au fond davantage pour fonction de faire écran que de contribuer à la transparence. De ce point de vue, les communicants ont généralement aussi mauvaise presse chez les journalistes - c'est le syndrome de l'écran et de la manipulation - que les journalistes sont souvent mal perçus par le corps social de l'entreprise - c'est le syndrome du scoop, du raccourci ou de la déformation que l'on oppose à des réalités techniques et économiques plus complexes qui requièrent une profondeur que l'on estime souvent difficilement compatible avec le format et le tempo des médias. C'est là un point important sur lequel on reviendra.
Mais ce n'est pas tout : le directeur de la communication fait aussi un métier fragile parce que la source de sa légitimité est plus complexe que pour les autres fonctions. Dire que sa justification fondamentale est de servir le projet de l'organisation qui l'emploie et qu'il en rend donc compte essentiellement à un président et à une direction générale est à la fois évident et insuffisant. Car ce travail, il ne peut le faire correctement que s'il est solidement ancré dans le corps social de l'entreprise, capable de développer avec intégrité des réseaux divers et vivants à travers lesquels il peut faire passer des messages dans les deux sens.
En forçant un peu le trait, dans la mesure où il est à la fois un homme du siège et un homme de terrain, où il représente simultanément la direction générale et l'opinion interne, on peut dire qu'il est à la fois stratège et syndicaliste. D'ailleurs, l'une des méthodes les plus efficaces de conduite du changement s'inspire en partie du savoir-faire des organisations syndicales en termes de maîtrise du terrain et de canalisation de l'opinion. Bref, le voilà dans une position relativement inconfortable, suspecté par chaque partie de n'être que le porte-voix de l'autre et condamné à convaincre que sa légitimité profonde ne vient en réalité ni d'un bord ni de l'autre, mais de sa capacité à faire le lien, qu'elle n'est pas d'abord une question d'allégeance personnelle mais de contribution à l'intelligence collective.
Une source supplémentaire de complexité vient alors de ce qu'il a à la fois un pied dedans et un pied en dehors de l'entreprise. Source de complexité ? Sans aucun doute : si l'on admet que la frontière entre l'interne et l'externe a vécu, alors cette dichotomie commode mais de moins en moins opératoire le cède à l'approche plus complexe d'un écosystème incluant des acteurs clés, qu'ils soient internes ou externes, et dont il faut tâcher de rendre les intérêts convergents ou, à tout le moins, compatibles. C'est dire que cette complexité est en même temps une source de fragilité, en particulier dans les entreprises dont la culture forte s'est en partie construite contre cet environnement.
Jeune dircom, j'ai fait l'expérience de la difficulté de faire valoir en profondeur le point de vue d'un adversaire au coeur-même de la direction générale, démarche dont l'objectif était de donner à voir différemment un acteur que des mois de conflit avaient naturellement fini par caricaturer (inutile de dire que j'ai passé davantage de temps à faire l'inverse en passant des heures, nuits incluses, à faire comprendre le point de vue de l'entreprise à des décideurs qui avaient fini par cesser de dialoguer avec elle et par la mettre dans une situation de quasi quarantaine).
Avec le recul, je ne sais pas si je referais la même chose ; probablement pas en tout cas de la même manière. Pour dire les choses autrement, il y avait une certaine audace à partager assez largement ces réflexions non seulement avec la direction générale mais aussi avec l'encadrement qui, dans une culture fermée et en situation de crise aiguë, aurait pu me coûter mon job. Il s'agissait pour moi en réalité de raisonner moins en termes d'audace que de partage, de provocation que de décryptage. C'est ce qui fait la différence entre un comportement partisan et une démarche engagée et qui a sans doute permis à cette démarche d'être non seulement acceptée mais aussi intégrée.
A un autre niveau, je crois qu'il y avait aussi le pari de montrer que la communication, dont la nécessité était a priori challengée par une partie de la direction locale, pouvait être autre chose qu'une vulgate commode mais sans grande portée, c'est-à-dire un outil de compréhension, de relation et de transformation au service du management et de l'entreprise dans son ensemble selon une trilogie qui, de fait, continue encore de marquer en profondeur ma vision du métier.
C'est dire que la faiblesse liée au double ancrage du dircom, à la fois dans l'entreprise et hors de ses murs, est en réalité une force. De l'agent double, il a la mobilité sans la duplicité. Ce qui définit alors son statut, c'est en effet moins le confort d'une position qu'une capacité de mouvement - physique, intellectuel, psychologique - qui lui permet, osons le rapprochement, sur un mode quasi baudelairien de comprendre la diversité des rôles et, fondamentalement, d'être à l'affût de ce qui émerge, de capter les tendances en développement, à l'intérieur de l'entreprise en termes de compréhension des besoins du corps social, mais aussi à l'extérieur en termes de points d'appui, de ce que François Jullien appelle la compréhension du "potentiel de la situation" et qui inclut en particulier le repérage des "facteurs porteurs" - bref, de mettre en place les éléments d'un creuset.
La difficulté est qu'il faut alors convaincre d'avancer en évitant un double écueil : renier ce qui a été fait par le passé et plaquer ce qui a marché ailleurs - attitude qui est, par définition, difficilement acceptable par les équipes, sauf peut-être dans le cas où la direction prise précédemment a mené l'entreprise à la catastrophe - et encore. Et c'est précisément l'intérêt de partir du terrain pour asseoir la légitimité, c'est-à-dire la spécificité, de la démarche. Capter en ce sens, c'est toujours un peu adapter. Peter Druker dit qu'en matière de management, 90 % des actions peuvent se décliner à peu près partout sans difficulté majeure et que seuls 10 % de l'approche doivent être spécifiques. Je crois que c'est juste à condition de bien comprendre que ces 10 % ont une portée qualitative décisive, en particulier dans les environnements les plus réticents au changement.
L'ensemble des moteurs du métier : la passion de s'engager et la capacité à développer des réseaux, peut alors tourner à plein régime au service de la transformation de l'entreprise. Tout cela n'irait pourtant pas loin si cette aventure collective ne s'adossait pas à une méthode solide pour canaliser la dynamique, structurer la démarche et concrétiser le projet.
20:59 Publié dans Communication | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : communication, directeur de la communication, dircom, management, presse, médias, écosystème, peter druker, françois jullien
25/03/2008
Media business (fin) Le "tout à l'ego" ou le sens commun ?
Fin du compte rendu de "Mediabusiness, le nouvel eldorado" de Danièle Granet et Catherine Lamour sous la forme de faits et de chiffres clés.
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En permettant à chacun de s'exprimer librement et de s'adresser à une audience sans frontières, les nouvelles technologies accélèrent la remise en cause d'une organisation pyramidale de la société. Sans être ignoré, cet aspect de la "révolution internet" est peu abordé parce qu'extrêmement polémique. Sans aller jusqu'à dire que le schéma du "top down" est condamné, il est clair qu'il est fortement remis en cause. En Chine même où le nombre des internautes dépassait les 300 milions en 2006, une nouvelle révolution culturelle, très différente de la précédente, se prépare en sourdine.
Certains analystes évoquent, cela dit, à travers ces évolutions des modes de communication, le danger d'un populisme rampant qui mettrait en péril les principes d'organisation de la démocratie représentative. Ils y voient une forme de contestation des élites traditionnelles dont le rôle d'encadrement ne serait plus reconnu, tandis que d'autres au contraire y voient un renouvellement des modes d'exercice de la citoyenneté à travers une démocratie plus "participative". "Le cyber-militant oblige les démocraties à bouger", affirme le consultant en stratégie politique américain, Steven Clift, qui considère qu'internet va profondément changer les pratiques d'exercice du pouvoir.
De ce point de vue, les multiples "blogs" créés par les partis ou les hommes politiques et qui ne changent guère le schéma "top down" en ne s'inscrivant qu'à la marge dans une démarche d'interactivité manquent la demande citoyenne à l'oeuvre à travers l'essor d'Internet. Régis Debray s'interroge de son côté sur la finalité d'une société du "tout à l'ego". Avec cette "perte du nous, notre société est une société sans transcendance, sans lien entre les individus qui, par voie de conséquence, n'a plus de sens commun".
Malgré de timides tentatives, de la part de la Chine ou de l'Iran par exemple, les clefs de la gouvernance mondiale de l'Internet via l'Incann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), où s'enchevêtrent quelques 250 000 réseaux restent encore aux mains des Américains, dont la défense a financé et mis au point le système dans les années 70 et dont la puissance fixe aujourd'hui les normes. L'actuel Internet protocol, IPv4, a une taille suffisante pour répondre aux besoins des pays qui s'ouvrent à Internet. Le suivant, IPv6 est prêt ; il permettra de nous connecter et de nous faire communiquer partout, tout le temps et désormais sans rupture.
Paul Saffo, qui dirige l'Institut pour le Futur à Palo Alto, évoque les chagements mais aussi les dangers de la révolution de l'information en cours : "Avec l'évolution d'Internet, l'intimité, le respect de la vie privée seront de moins en moins un droit et de plus en plus un produit qu'il faudra acheter, et de plus en plus cher. Aujourd'hui aux Etats-Unis, il faut payer pour ne plus être dérangé le soir par des sociétés de marketing direct, demain vous aurez un portable gratuit mais vous devrez accepter une publicité avant de recevoir un appel ou accepter que vos coordonnées téléphoniques soient transmises à des tiers".
A côté du développement de la mise en ligne gratuite de nombreux savoirs, la bataille fait ainsi rage en matière d'information et de publicité. A côté des médias traditionnels qui rassemblent les citoyens de chaque pays, les médias personnels apportent le monde là où chacun se trouve, en faisant de chacun un citoyen universel. Un citoyen sans frontières, s'interrogent les auteures en conclusion de "Médiabusiness", mais peut-être aussi un citoyen sans repères ?
23:41 Publié dans Communication | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : communication, internet, médias, Chine, Palo Alto, politique, démocratie
18/03/2008
Media business (6) Transformer la force du courant en nouveaux projets
Suite du compte rendu de "Mediabusiness, le nouvel eldorado" de Danièle Granet et Catherine Lamour sous la forme de faits et de chiffres clés.
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Aux Etats-Unis, les investissements publicitaires sur internet se sont élevés à 125 milliards de dollars sur un an, soit une croissance de 30% en un an. La Toile y représente 5% des investissements publicitaires effectués dans les médias. Le gigantisme à l'américaine s'impose aussi sur la Toile. Google, premier moteur de recherche au monde, avait une capitalisation boursière début 2006 supérieure à celle de Ford et General Motors réunis ; premier site de ventes aux enchères sur la Toile, e-Bay totalisait 3,5 millions de consultations en ligne par jour à partir de 32 pays ; leader mondial de la vente en ligne de produits culturels et électroniques, Amazon.com représentait 33 commandes par seconde à la Noël 2005, soit 2,8 millions d'objets vendus en une seule journée.
Jonathan Miller, PDG d'AOL, estime qu'une nouvelle télévision va naître sur internet. Elle devrait générer 3 milliards de dollars de recettes publicitaires à l'horizon 2010, dont une large part ira aux entreprises américaines. Rupert Murdoch et son groupe News Corp sont désormais à la tête du premier groupe de télévision à péage européen, BskyB, qui affiche presque neuf millions d'abonnés et a transformé en dix ans le paysage médiatique britannique. Très concentrés, les médias espagnols sont aux mains de cinq groupes principaux : Godo, Vocento, Prisa, Recoletos et Telecinco. Springer est le premier groupe de presse allemand avec un chiffre d'affaires de 2,4 milliards d'euros.
L'Europe est aujourd'hui dépourvue de groupes de communication de taille mondiale, à l'exception de l'Allemand Bertelsmann. La désintégration du groupe Vivendi Universal en 2002 a siffllé la fin de partie et laissé le champ libre aux géants de l'internet : Google, Yahoo !, eBay, AOL, tous Américains, et dont les concurrents : Liberty Global, Viacom, Warner; Fox, News Corp, sont eux aussi américains. Ce sont eux qui vont définir le périmètre de jeu, dans les dix ans à venir, en exploitant toutes les possibilités offertes par la révolution numérique.
Le futur a commencé en 2004, mais il est à peine esquissé. Selon Bill Gates, nous surestimons presque toujours les changements qui interviendront dans les deux ans, tandis que nous sous-estimons ceux qui se produiront à l'échéance de dix ans. L'enjeu des télécoms en Afrique est lui aussi énorme : les compagnies se battent pour rafler les trois cents millions de clients africains qui devraient souscrire une offre de téléphonie portable d'ici à 2010 - des téléphones portables moins onéreux que les ordinateurs, trois fois plus nombreux, se développant deux fois plus vite et de plus en plus dotés d'un accès à internet.
Selon Francis Lorentz, président de l'Idate et conseiller d'entreprises dans le domaine de l'économie numérique, "l'innovation a pris une ampleur et un rythme tels que lutter contre le courant est voué à l'échec. Il est essentiel dans ce contexte de fournir à tous - citoyens, entreprises, employés - les moyens de transformer la force du courant en nouveaux projets. Il est prioritaire de préparer l'opinion et les acteurs économiques à évoluer constamment, tant au niveau des techniques utilisées que de l'organisation du travail. Il faut qu'ils tirent parti de ces bouleversements au lieu de les subir comme une violence incompréhensible et insupportable".
23:11 Publié dans Communication | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : communication, médias, mondialisation, démocratie, Chine, Etats-Unis, Europe
16/03/2008
Media business (5) Yokohama Eighties
C'est en 2001 que le nombre de lignes de téléphone portable a dépassé celui des lignes de téléphone fixe. Fin 2005, 80% de la population française était équipée de cet outil magique, tantôt "couteau suisse", tantôt "laisse électronique". Le cabinet OC&C Strategy Consultants évaluait le marché de la convergence des médias en 2006 à 570 milliards d'euros pour la seule Europe. Un client français rapportait en moyenne en 2005 environ 38 euros par mois, contre 25 en Allemagne ou en Angleterre. Il téléphone en moyenne 2h30 par mois avec son mobile, contre 45 minutes pour un Allemand. Durant l'été 2005, il a envoyé environ 24 textos par mois, ce qui représentait un échange de 3 milliards de SMS sur un seul trimestre.
La Chine est aujourd'hui devenue le premier marché mondial de téléphonie mobile avec 355 millions d'abonnés, puis vient l'Inde avec 65 millions de clients mais où les estimations de ventes pour 2007 étaient de 140 millions compte tenu de son retard. En 2009, un mobile sur trois sera vendu en Asie. En Amérique latine, on atteint 100 millions d'appareils écoulés par an, dont un tiers pour le Brésil. En 2005, 810 millions de portables ont été achetés dans l'année, portant le nombre des utilisateurs dans le monde à 2 milliards, les 3 milliards d'abonnés devant être atteints en 2008, et non plus en 2010 comme prévu précédemment.
Un téléphone mobile sur trois est commercialisé part Nokia qui, jusqu'en 1991, fabriquait du papier, des bottes en caoutchouc et des bateaux pneumatiques. L'Américain Motorola équipe quant à lui un usager sur cinq, si bien qu'à eux deux ces opérateurs se partagent 50% du marché. Samsung, LG, Sony-Ericsson et Siemens restent toutefois des concurrents très actifs. En 2005, Deutsche Telecom perdait 100 000 abonnés à une ligne fice chaque mois (d'où la suppression de 32000 emplois programmée dans les deux années suivantes) ; 600 000 clients ont résilié la même année leur contrat avec France Telecom. 15% des Français, surtout des jeunes, ont définitivement abandonné le téléphone fixe pour le portable. On estime que 30% des foyers français de posséderont plus de ligne fixe en 2030. En Europe, le coût moyen des appels fixes d'une durée de trois minutes a baissé de 65% depuis 2000.
Le logiciel Skype qui permet de téléphoner gratuitement d'ordinateur à ordinateur est déjà utilisé par 100 millions d'abonnés à travers le monde et enregistre 150 000 nouveaux usagers chaque mois. Pour les grands opérateurs de téléphonie, l'enjeu est désormais de passer du marché de la voix à la fourniture de services en tous genres (musique, infos, videos, etc). Aux Etats-Unis, on assiste à une reconstitution des monopoles démantelés en 1984 dans le secteur du téléphone. L'ancien conglomérat AT&T a ainsi obternu l'autorisation de racheter Bell South pour quelque 67 milliards de dollars. Cela lui permettra d'atteindre un chiffre d'affaires de 25 milliards de dollars, soit le double de son principal concurrent, Verizon.
L'avenir, c'est l'offre "quatre en un" qui combinera en un seul et même abonnement le téléphone mobile, le téléphone fixe, l'accès à internet et la télévision numérique. C'est l'ambition de tous les groupes de médias de contrôler ces quatre accès au marché en pleine explosion de l'image et du divertissement. La mobilité est l'eldorado des quinze prochaines années. La télévision va sortir du salon, de la chambre à coucher où elle trônait, tel un dieu du foyer. On pourra la regarder dans la rue, dans le bus, partout et avec des récepteurs très variés. La "mobilité" est une révolution semblable à ce qu'a été le transistor pour la radio. Désormais, il n'y aura plus d'heures de pointe. L'heure du "mobispectateur" est venue. Déjà, au Japon, un grand groupe de télécommunications diffuse pendant la nuit chaque nouvel épisode de son feuilleton vedette, "Yokohama Eighties", exclusivement destiné aux téléphones portables. Les fans le téléchargent pendant la nuit et le regardent pendant les heures de transport vers le bureau.
A la mi-2006, 50 millions de personnes dans le monde possédaient un appareil de troisième génération permettant de recevoir des images et de surfer sur internet. Comme le sport représente 35% de la consommation des contenus videos proposés à ses clients, Orange a mis le prix fort pour obtenir l'exclusivité des droits de retransmission du football français sur téléphone mobile pour les saisons 2006-2008 avec 24 millions d'euros pour la seule diffusion en quasi direct des matches de Ligue 1 ; des sommes, cela dit, dérisoires quand on les compare aux deux milliards d'euros investis par France Telecom dans le développement de la télévision mobile. Le Wi-Max, c'est-à-dire un réseau Wi-Fi plus étendu, est aussi promis à un grand avenir. Les grands de l'internet ne s'y sont pas trompés : Google, Skype et des sociétés de capital-risque sont entrés en 2006 dans le tour de table d'une jeune start-up espagnole, Fon.com, qui veut créer un accès internet sans fil planétaire par la mise en réseau et en commun de ressources Wi-Fi. Fon entend ainsi devenir le "Easy Jet" de la connexion informatique.
22:20 Publié dans Communication | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : communication, medias, publicité, téléphone portable