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18/03/2008

Media business (6) Transformer la force du courant en nouveaux projets

Suite du compte rendu de "Mediabusiness, le nouvel eldorado" de Danièle Granet et Catherine Lamour sous la forme de faits et de chiffres clés.

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Aux Etats-Unis, les investissements publicitaires sur internet se sont élevés à 125 milliards de dollars sur un an, soit une croissance de 30% en un an. La Toile y représente 5% des investissements publicitaires effectués dans les médias. Le gigantisme à l'américaine s'impose aussi sur la Toile. Google, premier moteur de recherche au monde, avait une capitalisation boursière début 2006 supérieure à celle de Ford et General Motors réunis ; premier site de ventes aux enchères sur la Toile, e-Bay totalisait 3,5 millions de consultations en ligne par jour à partir de 32 pays ; leader mondial de la vente en ligne de produits culturels et électroniques, Amazon.com représentait 33 commandes par seconde à la Noël 2005, soit 2,8 millions d'objets vendus en une seule journée.

Jonathan Miller, PDG d'AOL, estime qu'une nouvelle télévision va naître sur internet. Elle devrait générer 3 milliards de dollars de recettes publicitaires à l'horizon 2010, dont une large part ira aux entreprises américaines. Rupert Murdoch et son groupe News Corp sont désormais à la tête du premier groupe de télévision à péage européen, BskyB, qui affiche presque neuf millions d'abonnés et a transformé en dix ans le paysage médiatique britannique. Très concentrés, les médias espagnols sont aux mains de cinq groupes principaux : Godo, Vocento, Prisa, Recoletos et Telecinco. Springer est le premier groupe de presse allemand avec un chiffre d'affaires de 2,4 milliards d'euros.

L'Europe est aujourd'hui dépourvue de groupes de communication de taille mondiale, à l'exception de l'Allemand Bertelsmann. La désintégration du groupe Vivendi Universal en 2002 a siffllé la fin de partie et laissé le champ libre aux géants de l'internet : Google, Yahoo !, eBay, AOL, tous Américains, et dont les concurrents : Liberty Global, Viacom, Warner; Fox, News Corp, sont eux aussi américains. Ce sont eux qui vont définir le périmètre de jeu, dans les dix ans à venir, en exploitant toutes les possibilités offertes par la révolution numérique.

Le futur a commencé en 2004, mais il est à peine esquissé. Selon Bill Gates, nous surestimons presque toujours les changements qui interviendront dans les deux ans, tandis que nous sous-estimons ceux qui se produiront à l'échéance de dix ans. L'enjeu des télécoms en Afrique est lui aussi énorme : les compagnies se battent pour rafler les trois cents millions de clients africains qui devraient souscrire une offre de téléphonie portable d'ici à 2010 - des téléphones portables moins onéreux que les ordinateurs, trois fois plus nombreux, se développant deux fois plus vite et de plus en plus dotés d'un accès à internet.

Selon Francis Lorentz, président de l'Idate et conseiller d'entreprises dans le domaine de l'économie numérique, "l'innovation a pris une ampleur et un rythme tels que lutter contre le courant est voué à l'échec. Il est essentiel dans ce contexte de fournir à tous - citoyens, entreprises, employés - les moyens de transformer la force du courant en nouveaux projets. Il est prioritaire de préparer l'opinion et les acteurs économiques à évoluer constamment, tant au niveau des techniques utilisées que de l'organisation du travail. Il faut qu'ils tirent parti de ces bouleversements au lieu de les subir comme une violence incompréhensible et insupportable".

17/07/2007

Des échanges pas si libres sur le libre-échange

C'est Alan S. Blinder, professeur à Princeton et ancien Vice-président de la FED, qui a mis les pieds dans le plat. Selon lui, entre 30 et 40 millions d'Américains pourraient perdre leur job au profit de travailleurs moins chers du fait du jeu naturel de l'économie de marché. Et d'émettre quelques doutes dans la foulée sur les bénéfices de la liberté du commerce - position toujours délicate à assumer dans la patrie du libre-échange.

"Il y a trop d'idéologie dans tout cela" soupire, dans une interview récente au New York Times, Blinder, qui étend le débat au salaire minimu ou à la politique industrielle, quitte à s'attirer les foudres du courant, prépondérant dans les institutions et les universités, des économistes libéraux. " On perd sa qualité d'économiste reconnu si l'on ne dit pas que toute forme de régulation est néfaste et que le libre-échange est bon à tout coup" renchérit David Card, économiste à Berkeley.

La plupart des économistes américains se rallient en effet au modèle néo-classique, dont le temple reste l'Université de Chicago - la ville dans laquelle vient de se créer le Chicago Mercantile Exchange Group, la plus grande bourse du monde, et où Milton Friedman publia les thèses qui inspirèrent la révolution néo-libérale des Reaganomics. Son président, Phillip J. Reny, insiste sur l'importance des preuves factuelles mises en évidence par l'analyse scientifique des données, réputée éviter tout biais personnel.

Les grands sujets lancés par les candidats à l'élection présidentielle - inégalités de revenus, mérites respectifs du protectionnisme et du libre-échange - ont cependant pour effet d'élargir le nombre des personnalités qui s'invitent au débat. Ainsi des contributions récentes de Lawrence H. Summers, ou du prix Nobel George A. Akerlof mettant en évidence ce que les auteurs considèrent comme les défauts du laissez-faire.

Le consensus, qui prévalait sur ces sujets dans le pays depuis trente ans, est en train de se fissurer sous l'effet de l'accroissement des inégalités de revenus et des bouleversements introduits par la globalisation et la révolution des technologies de la communication. Se trouve de même mises en cause les limites de la comptabilité classique dans la mesure des inégalités ou des dommages à l'environnement. Pour tout un courant d'économistes, c'est la réalité elle-même qui conduit à réinterroger quelques unes des hypothèses fondamentales du libéralisme économique.

Pour Frédéric S. Lee par exemple, qui édite une newsletter rassemblant les écrits de tous les économistes américains "hétérodoxes" (soient 5 à 10 % des économistes que compte le pays), ce qui détermine le prix de l'essence, ce n'est pas le jeu du marché, mais la politique des compagnies pétrolières. De même, les travaux de Card et Krueger sur les effets - favorables à l'emploi - du salaire minimum dans le New Jersey n'ont pas été sans susciter quelque émoi.

Pour Alan Blinder, il faut s'intéresser davantage au monde réel plutôt que modéliser dans les laboratoires. Selon lui, "l'économie n'est pas suffisamment scientifique. Les mathématiques sont utiles, mais elles ne sont pas scientifiques parce qu'elles ne génèrent pas d'hypothèses réfutables".

Une chasse aux sorcières (hétérodoxes) se serait-elle donc installée au sein des milieux universitaires ? Sans aller jusque là, la lutte est certes âpre avec le courant dominant, implacable dès lors qu'il s'agit de truster les revues et d'obtenir les subventions.

Mais le problème pourrait être de nature plus culturelle : beaucoup d'économistes, qui admettent que d'autres hypothèses puissent être formulées dès lors qu'elles respectent les règles de l'art, craignent en effet qu'en émettant quelques doutes sur les fondamentaux parmi les cercles autorisés, cela ne finisse par faire boule-de-neige à l'extérieur. Et ne donne, finalement, des munitions aux ennemis du libre-échange, qualifiés de "barbares". A moins que, comme le souligne Rodrick pour encourager le libre-débat, il n'y ait, sur tout sujet, des barbares au sein de chaque camp.

Voilà en tout cas un débat qui montre que les questions qui travaillent périodiquement les Européens - et, singulièrement les Français -, reprennent également vigueur Outre-Atlantique, et ne sont pas sans légimité dès lors qu'elles privilégient les faits en évitant les dogmes. Ce sont aussi, au-delà des cercles académiques, des thèmes suivis de très près, de part et d'autre de l'Atlantique, par les champions nationaux qui, de l'aéronautique à l'agro-alimentaire et des nouvelles technologies à l'industrie du luxe, entendent bien faire entendre leur voix dans le concert des notions.