10/03/2011
(13) Note sur les risques du métier (portrait du dircom en tireur de panenka)
Mais que diable est-il allé faire dans cette galère ?
Confronté à une problématique de changement difficile, ce n'est pas le moindre paradoxe auquel est confronté le dircom que de devoir apprendre à désapprendre ce qu'il a appris en passant du culte de l'écrit au méandres du terrain. Lui qui mit tant de coeur à faire ses humanités, le voilà du même mouvement dépossédé de ses études et dépassé par les événements. Evidemment, un raccourci malheureux pourrait conduire dans de telles circonstances, à remplacer un dircom qui sait écrire mais qui ne comprend rien au terrain par un autre très à l'aise sur le terrain mais qui ne saurait pas aligner deux mots. Ce serait pourtant un mauvais calcul : un dircom qui ne sait pas écrire, d'une façon ou d'une autre, ça finit toujours par se voir, par exemple lorsqu'il s'agira de rédiger en urgence un communiqué de presse lors de la crise suivante.
Après tout, puisque l'on a mis la passion en exergue de ce métier (je réalise à présent ce qu'il entra non seulement de facilité mais aussi de légèreté dans ce titre trop accrocheur pour être honnête), il faut bien aussi en assumer les conséquences désagréables. Toute grande passion générant ses petits tracas (1), cette situation ne laisse de fait au patron de la communication qu'une marge de manoeuvre étroite : s'il est trop prêt, il ne rassure pas ; s'il ne l'est pas assez, il inquiète. Un vrai chemin de croix. A croire que les présidents complotant avec les DRH ont fait en sorte que, des lauriers, le malheureux ne puisse jamais connaître que les épines.
Mais pourquoi faudrait-il donc désapprendre ? Eh bien, parce que les formations à la communication transmettent essentiellement l'art de fabriquer de beaux outils de communication, de préférence écrits. Jusque là, pas de surprise : on s'inquièterait a priori davantage de découvrir que lesdites formations initiassent plus à la mécanique quantique qu'à l'art du magazine corporate ou du site mobile.
Ce n'est pourtant pas si simple. Prenons deux exemples empruntés à la vie quotidienne du dircom, si l'on veut bien considérer que la communication est un sport comme les autres.
Premier exemple : quand Zidane s'en va tirer un pénalty à son ancien partenaire de la Juve un soir de finale de coupe du monde et qu'il sait que le gardien qui lui fait face le connaît par coeur, il a le choix entre oublier la perfection d'un type de tir répété des milliers de fois mais dont le caractère prévisible compromet a priori l'efficacité, ou bien inventer quelque chose d'autre. Il invente. Le résultat est une panenka d'anthologie, presque aussi pure que sa reprise de volée, un soir de mai 2002, contre le Bayer Leverkusen. Incidemment, l'altercation en fin de match avec Materazzi (2) montre assez combien le dircom, en particulier le dircom latin, peut être irrascible lorsqu'il n'atteint pas son but.
Deuxième exemple : quasiment au faîte de de son art, Tony Parker, le Frenchy vedette des San Antonio Spurs, annonce un jour qu'il doit, s'il veut améliorer encore son efficacité au tir (précisons au passage que les matches de la NBA se signalent autant par leur caractère festif que par leur raffinement statistique), accepter pendant un certain temps de voir sa performance baisser. Tout projet de changement connaît une "courbe en U" : après l'enthousiasme des débuts, on finit par plonger brutalement dans les problèmes (et les tensions qui vont avec) avant de commencer à remonter progressivement la pente. Il s'agit là d'une séquence fréquente et normale dans les situations de changement, comme l'est d'ailleurs également la conflictualité qui l'accompagne. Autrement dit, si les choses se passent mal, c'est qu'en réalité elles se passent bien. Dans le cas qui nous occupe, on aurait donc affaire à une sorte de courbe en U singulière qui, au lieu d'être collective et accidentelle, serait individuelle et volontaire.
Tenter quelque chose d'apparemment fou qui marche ou, moins spectaculaire mais plus difficile, accepter une baisse volontaire de performance pour s'améliorer par la suite : les voies du changement ne vont ni sans inspiration ni sans remises en cause... On insiste à cet égard souvent sur la nécessité d'apprendre un certain nombre de choses nouvelles au cours de sa carrière. Fort bien. Mais il y a aussi un certain nombre d'exemples où désapprendre se révèle au moins aussi nécessaire. C'est particulièrement le cas avec les problématiques de changement dans la mesure où, on l'a vu, une communication essentiellement papier - relevant d'une sorte de fétichisme de l'écrit - passerait à côté de ce qui fait l'essentiel d'un changement réussi : l'art du contact et le sens du terrain. Il faut alors savoir sortir du cadre - encore que, pour le coup, cette suggestion soit plus profitable au dircom qu'au tireur de pénalty.
Et l'on ne voit pas pourquoi le dircom, qui n'est pas plus bête qu'un autre comme on dit en Normandie, ferait exception à la règle.
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(1) "Belle du seigneur" (dont je dissuade aussi fermement la lecture que notre professeur de philosophie en khâgne nous découragea de nous lancer dans "L'être et le néant") est très clair à ce sujet.
(2) Voir là-dessus l'intéressant "Eloge du mauvais geste" d'Ollivier Pourriol, paru en 2010 chez Nil.
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07/03/2011
Dircom , un métier qui se transforme (12) Animer : le terrain, des opposants aux alliés
Combien de projets de changement ont-ils échoués parce que la dimension humaine du projet était aussi essentielle qu'elle fut négligée ? Dans l'un des premiers projets de changements auquel j'ai participé, on passa 90 % du temps sur l'ingénierie et 10 % sur la communication non seulement en comptant large mais aussi en comptant mal, car l'essentiel de ce temps fut consacré à déployer une stratégie d'information à travers les supports de communication écrits de l'entreprise - qu'ils fussent existants ou créés pour l'occasion, cela ne change rien à l'affaire. Car, et c'est là un précepte de base, on ne peut pas gérer efficacement un projet de changement par nature très chargé sur le plan émotionnel avec des supports de communication papier dont la fonction essentielle est, non de faire adhérer, mais d'informer. Ce n'est pas que l'information soit inutile sur ces sujets, loin s'en faut ! C'est juste qu'elle relève davantage de l'accompagnement que de la dynamique et qu'elle ne peut donc en aucun cas suffire en elle-même.
Quelques années plus tard, je m'opposais fermement, pour des raisons comparables, à un membre du comité de pilotage d'un autre projet de changement qui me demandait l'édition d'un document d'information sous un énième format pour un usage très spécifique. D'abord, nos activités entre la communication elle-même et la coordination du projet étaient aussi tendues que nos ressources étaient limitées. La direction de la communication devait être sur tous les fronts en même temps, ce qui ne peut tenir que moyennant un degré raisonnable de coopération ou, disons plus simplement, d'un minimum de bonne volonté de la part de ses partenaires. Si le rôle du dircom consiste à dire "oui" dans une large majorité de cas, il y a un certain nombre de situations, crises mises à part, où un refus poli mais ferme s'impose.
Il devenait surtout clair en l'espèce, au point où nous en étions, que les surenchères déraisonnables en matière de demande de supports d'information masquaient, dans un certain nombre de cas, un problème d'une autre nature. Après tout, une présentation power point tombée du siège était tout de même moins engageante qu'une réunion avec l'équipe locale. Le sujet, autrement dit, ce n'était pas la énième adaptation de tel document mais bien l'engagement de l'ensemble de l'équipe en charge dans le projet de changement lui-même. De fait, il est toujours préférable de clarifier l'agenda (au sens anglo-saxon du terme de l'ordre du jour) plutôt que de se laisser embarquer dans une enfilade de faux-semblants qui, en ne menant nulle part, finit par compromettre la dynamique collective. L'intérêt de l'industrie à cet égard est qu'il est posssible d'y mener un certain nombre d'explications "franches et cordiales" comme on dit en diplomatie sauf que, dans le cas qui nous occupe, l'exigence intellectuelle va de pair avec la possibilité, sinon l'encouragement (qui y tient peut-être à des rapports très majoritairement masculins) à exprimer un désaccord (1).
La méthode de mise en oeuvre dont il s'agit ici relève essentiellement de la tactique et c'est ce qui en fait un bon guide d'animation du changement sur le terrain. Elle s'appuie sur la recherche en sociodynamique développée par Jacques Fauvet et théorisée par la suite par Herbemont & César dans leur ouvrage : "La stratégie du projet latéral : comment réussir le changement quand les forces politiques et sociales doutent ou s'y opposent" (Dunod, 1998). L'idée centrale de cette approche, c'est de permettre aux acteurs concernés d'imprimer leur marque à un projet de changement en partant du principe que ce que l'on perd en cohérence initiale, on le gagne en appropriation. Et c'est tant mieux : l'objectif d'un projet de changement, a fortiori s'il est vaste, sensible et complexe, ce n'est pas la perfection mais l'efficacité.
D'où la notion-même de projet "latéral" qui, en soi, unifie d'ailleurs stratégie et tactique, fond et forme, contenus et process, technique et politique, ingénierie et communication puisque, dans cette approche, les gens sont les acteurs et non les objets de la démarche. Une conséquence pratique de ce qui précède, difficile à faire partager aux équipes de direction et autres comités de pilotage et cependant essentielle à la réussite de tout projet de cette nature, est qu'il convient de communiquer, au sens d'occuper le terrain, à toutes les étapes du projet sans attendre d'être parfaitement au point sur l'ensemble des aspects. Faute de quoi, la nature en général et le terrain en particulier ayant horreur du vide, on se retrouvera avec un projet aussi parfait sur le papier qu'impossible ou en tout cas beaucoup plus compliqué à mettre en oeuvre.
Précisément, l'un des principaux outils de cette méthode est la cartographie des alliés qui, dans une approche plus large de "quadrillage du terrain", permet de conserver la maîtrise d'un projet de changement lorsqu'il se heurte à des résistances fortes. L'intérêt de cette cartographie est qu'elle se base moins sur le discours des acteurs que sur l'énergie qu'ils sont prêts à investir dans le projet et reste toujours plus focalisée sur les alliés que sur les opposants - un précepte qui paraîtra aussi bêtement élémentaire qu'il est rarement appliqué pour des raisons émotionnelles d'ailleurs bien compréhensibles (c'est ce que les auteurs appellent "le syndrome de la pie").
Un point intéressant à cet égard est que, dans la hiérarchie des alliés du projet, ceux qui paraissent les plus engagés et qui sont qualifiés de "militants" ont dans une certaine mesure moins d'efficacité dans la réussite du projet que ceux qui, tout en s'engageant fermement en sa faveur, conservent une forme d'esprit critique qui leur permet de faire remonter les problèmes. Ces alliés du second type sont justement qualifiés de "Triangles d'or" et je recommande vivement de compter, dans toute équipe digne de ce nom, des gens capables simultanément de loyauté et de cette sorte de liberté d'évocation sans laquelle toute direction compromet tôt ou tard la réussite de son projet (selon le syndrome qualifié cette fois "d'évitement"). Une distinction subtile mais réelle est cependant à faire à cet égard entre ceux qui font remonter les problèmes avec le souci de faire réussir le projet et ceux qui jouent le même rôle avec l'intention inverse - et c'est en quoi il est plus efficace de mesurer l'énergie concrète que les gens investissent plutôt que les discours qu'ils tiennent.
A l'autre bout du spectre, il faut faire la part des choses entre les opposant mous et les adversaires radicaux. Il est souvent possible de faire basculer les premiers : il "suffit" pour cela d'enregistrer une série de succès faciles et concrets dans la période qui suit le lancement du projet. Là-dessus, pas de surprise majeure : pour une majorité de gens, prendre parti, c'est prendre le parti du vainqueur - les entraîneurs sont payés pour le savoir. Le cas des opposants radicaux n'est plus difficile qu'en apparence seulement. L'observation du manichéisme psychologique qui prévaut souvent dans le monde politique est ici riche d'enseignements. Il y a bien en effet un moment où il faut choisir son camp : on est pour ou on est contre. La vraie question, c'est celle du timing, autrement dit du moment où l'on est en mesure de faire basculer les choses. C'est la notion américaine du momentum (qu'il faudrait traduire par un terme qui exprimerait simultanément la dynamique et le basculement), si décisive dans les campagnes électorales. Quant à ceux qui sont irréductiblement contre, qu'ils existent comme ils le peuvent. L'essentiel encore une fois est de se focaliser davantage sur l'extension du cercle des alliés que sur les prises de position, toujours aussi virulentes qu'irritantes, des opposants.
Cette méthode a vu nombre de ses concepts clés essaimer si largement qu'ils font désormais partie de la boîte à outils de base de la plupart des managers de terrain. Je la tiens aujourd'hui encore, dans une approche que je prends le parti de simplifier ici à très grands traits, comme un outil essentiel du management de tout projet de changement difficile (2). Et je ne vois pas de ce point de vue de différence conceptuelle majeure avec les théories de John Kotter, si en vogue dans le monde anglo-saxon, sur la conduite du changement (3). A l'exception peut-être d'une prise en compte plus attentive dans la méthodologie française des aspects culturels ou, pour le dire plus justement à la manière de Bourdieu, des aspects symboliques du changement. C'est là l'intérêt d'un des outils développés par la méthode sous l'appellation de "modèle VUE", pour Valeurs (les règles inconscientes), Utilités (les opinions conscientes) et Envies (les désirs plus cachés). Selon cette approche, mener à bien un projet de changement, c'est être capable d'occuper correctement ces trois niveaux en termes aussi bien de compréhension des acteurs que d'offre du projet.
La confirmation d'une forme d'exception culturelle française, si l'on veut. Mais avec le risque, dans le cas contraire, de passer totalement à côté du film. A moins qu'il ne s'agisse là d'un authentique conte de fées ? De fait, pour être tout à fait complet, il faut aussi préciser que la méthode emprunte, sur un plan plus pédagogique, à la structure... des contes de fées telle qu'elle a été notamment mise en évidence par Vladimir Propp avec ses rois, ses magiciens, ses épreuves et ses obstacles. Du point de vue des épreuves et des obstacles au moins, on se retrouvera en terrain connu.
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(1) Il n'est pas inutile de noter que les règles du jeu au plan international se révèlent sensiblement différentes, par exemple dans le monde anglo-saxon qui met au contraire un point d'honneur à policer des sujets d'affrontement potentiels qui se traitent préférentiellement en aparté dans un couloir ou par avocats interposés. La Russie représente sous cet angle une exception culturelle notable et c'est sans doute en quoi une tradition d'alliance diplomatique entre nos deux pays apparaît aussi culturellement solide (et d'ailleurs, historiquement établie) que stratégiquement prospère.
(2) On pourrait certes soutenir que tout projet de changement qui ne serait pas un tant soit peu difficile ne serait pas véritablement un projet de changement. J'ai participé à des projets de réorganisation menés tambour battant en trois mois et il serait de ce point de vue tout à fait erronné de faire de la conflictualité une sorte d'indicateur empirique de l'importance des enjeux du projet. Cela fait en réalité une différence intéressante entre les idéologues qui veulent en découdre et les pragmatiques qui veulent aboutir.
(3) Voir par exemple : John P. Kotter, "Leading Change", Harvard Business School Press, Boston (1996). Je traiterai de ce sujet par ailleurs dans la série de chroniques de la rubrique "Harvard Report" de ce blog sous le titre : "Le rapport Harvard ou la réinvention de l'entreprise dans un monde en crise".
23:47 Publié dans Communication | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : communication, directeur de la communication, changement, projet latéral, herbemont, césar, vladimir propp
04/03/2011
Dircom, un métier qui se transforme (11) Structurer (suite) : l'écosystème, de l'affrontement au partenariat
Sur le terrain externe, l'observation récente de la prospérité de quelques uns des plus grands groupes mondiaux, de Wal-Mart à SAP en passant par Microsoft et Li Fung (1), montre que cette réussite est moins due à un avantage concurrentiel interne qu'à la capacité de tisser, autour de l'entreprise, un réseau de partenaires dûment sélectionnés qui partagent avec elle un intérêt raisonnable au développement du système sur le long terme. Du point de vue de l'entreprise, le potentiel de cette théorie est si vaste et si fécond qu'il faudra y revenir plus en détail par ailleurs (2).
Ce n'est pas moins vrai du point de vue de la communication - et je souscris pour ma part d'autant plus volontiers à cette approche que j'ai, à plusieurs reprises, comme directeur de la communication d'une société industrielle ou d'une fédération professionnelle internationale, toutes deux attaquées notamment sur des questions d'environnement, mis en pratique ces préceptes de façon à la fois intuitive et pragmatique. Je suis parti du principe que, face à un adversaire qui a un pouvoir non seulement de nuire mais encore de déstabiliser, on a le choix entre s'enfermer dans une lutte contreproductive, voire suicidaire, ou bien repenser le positionnement de l'entreprise en termes de partenariat raisonnable avec ses interlocuteurs clés.
La défiance augmentant avec l'éloignement, il faut alors s'attacher à réduire la distance pour accroître la confiance. J'ai ainsi été à la rencontre des principales organisations environnementales qui s'opposaient aux activités de l'entreprise dont je conduisais la communication et les relations extérieures pour mieux les familiariser avec notre métier, nos contraintes mais aussi nos objectifs de progrès. Que pouvait donc bien viser un tel projet : à faire taire les critiques ? Cela aurait été aussi stupide que désastreux. Libre à elles, si elles le souhaitaient, de continuer à se répandre en critiques sur l'entreprise. Une autre voie, plus constructive, s'ouvrait cependant à elles à travers l'instauration d'un dialogue organisé avec l'entreprise dans lequel, en échange d'une approche plus concrète, ces organisations gagnaient un pouvoir, peut-être pas de cogestion, mais en tout cas d'influence sur la politique environnementale mise en oeuvre. Au contact des réalités concrètes d'une industrie, chacun comprend aisément en effet, à l'exception sans doute des opposants irréductibles, que l'on n'évolue pas dans un monde parfait et peut en prendre acte positivement dès lors qu'il constate une intention honnête et une volonté réelle d'amélioration.
Il s'agissait en somme d'échanger un discours d'opposition un peu vain contre une démarche de progrès partagés profitant à l'ensemble des parties prenantes impliquées sur le sujet, et à l'entreprise elle-même non pas tant en termes d'esquive de la critique que d'amélioration de ses performances environnementales. C'est là un point clé : bien communiquer dans un monde imparfait, c'est toujours s'inscrire dans une perspective d'action et de progrès. Inversement, toute communication qui se déconnecte simultanément de son écosystème et de son lien à l'action est vouée à tourner à vide, sinon à produire des effets qui se révéleront tôt ou tard dévastateurs.
Ce ne fut alors qu'un travail embryonnaire, pour ne pas dire expérimental, qui a fait par la suite l'objet d'une approche plus systématique, et qui a d'ailleurs connu des développements significatifs dans l'industrie, minière ou pétrolière notamment, à travers la notion de tiers-partis, ces acteurs compétents et légitimes à qui on donne la possibilité de s'impliquer dans un problème auquel est confrontée l'entreprise.
Dans certains cas, cela ne marche pas : bâtir la confiance à travers une approche nouvelle quand le passé raconte une tout autre histoire, ou bien quand l'une des parties fait le choix de privilégier la posture sur le progrès, cela peut en effet mener à une impasse et, éventuellement pour un temps au moins, relancer la bataille. L'intérêt de raisonner en réseau, c'est précisément de pouvoir alors circonscrire une opposition de cette nature dans une approche plus large.
Bref, entre l'angélisme et le cynisme, il y a place pour une approche raisonnée basée sur un intérêt partagé et c'est toute la portée révolutionnaire de cette notion d'écosystème que d'apporter à cette démarche un cadre de nature à réconcilier l'entreprise et la société, l'intérêt particulier et l'intérêt général d'une façon qui leur soit mutuellement bénéfique. Les recherches menées récemment par Porter & Kramer (3) dans un certain nombre de grands groupes mondiaux tels que GE, Wal-Mart, Nestlé, IBM ou Unilever, mais aussi d'organisations gouvernementales et non gouvernementales sur le passage de la corporate social responsability (responsabililité sociale et environnementale) à la notion de shared value (valeur partagée) ont de ce point de vue une portée pratique considérable.
En substance, il ne s'agit plus dans cette approche de répondre à une pression sociale ou environnementale par des logiques d'affichage. Une collègue dircom me confiait là-dessus son opposition à la tendance des dernières années à combiner dans les grands groupes communication et développement durable et, en l'état actuel des choses, elle a raison. Il s'agit au contraire de construire de véritables partenariats visant à résoudre, d'une façon qui crée de la valeur pour toutes les parties prenantes, un certain nombre de problèmes, qu'il s'agisse d'alimentation, d'habitat, d'emploi, d'information ou d'énergie, en transformant des problèmes sociaux en opportunités de marché.
Danone, par exemple, a joué dans cette approche un rôle pionnier dans le domaine de l'alimentation en mettant au point des produits nutritifs bon marché permettant simultanément d'améliorer l'alimentation de vastes populations d'Afrique ou du subcontinent indien, tout en créant de nouveaux marchés. Le meilleur indicateur des développements à venir de cette démarche révolutionnaire pourrait bien être la transformation déjà amorcée d'ONG en micro-entreprises donnant lieu à l'émergence de nouvelles entreprises sociales (WaterHealth International, Revolution Foods, Waste Concern pour n'en citer que quelques unes) dont le statut apparaît aussi hybride que leur croissance est dynamique et leur capacité à résoudre concrètement les problèmes efficace.
Pour le dircom, ce renversement de perspective qui résulte de cette nouvelle donne combinant confiance et écosystème a, pour simplifier, une double conséquence. En interne, il conduit à passer d'une logique d'information à une logique de coopération et, en externe, d'une logique d'image à une logique de partenariat. En bref, ces nouveaux territoires d'intervention créent des opportunités en même temps qu'ils posent un certain nombre de problèmes. Car ce n'est pas tout d'élaborer le projet, il faut aussi animer la démarche... avec des acteurs qui ont souvent toutes sortes de raisons de s'y opposer.
Bienvenue dans le monde merveilleux de l'écosystème.
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(1) Voir les travaux de Marci Iansiti à la Harvard Business School, en particulier : "The Keystone Advantage: What the New Dynamics of Business Ecosystems Mean for Strategy, Innovation, and Sustainability", HBS Press (2004).
(2) A suivre dans la rubrique "Harvard Report" en cours de structuration sur ce blog (titre provisoire : "Le modèle Harvard ou la réinvention de l'entreprise dans un monde en crise").
(3) Michael E. Porter & Mark R. Kramer : "Creating Shared Value", Harvard Business Review, Janvier-février 2011.
21:45 Publié dans Communication | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : communication, changement, management, écosystème, environnement, problèmes sociaux, iansiti, porter, kramer, danone, nestlé, ibm, wal-mart, ge, unilever, social business, waterhealth, revolution foods, waste concern
01/03/2011
Dircom, un métier qui se transforme (10) Structurer : la confiance, du constat au contrat
Comprendre et relier pour transformer : tout ceci nécessite à l'évidence une méthode. Je ne connais qu'une exception remarquable à cette règle et elle est littéraire (1). Pour le reste, un peu d'inspiration ne va pas en ces matières sans beaucoup de travail, d'énergie et de persévérance et suppose à la fois une trame et un cadre d'ensemble.
Après une quinzaine d'années d'expérience de ces questions, la gestion d'une bonne quinzaine de crises internationales dont quatre ou cinq très sérieuses et la création ou l'accompagnement de cinq ou six démarches de changement dont trois significatives, à quoi il faut ajouter un certain nombre de réflexions croisées avec des dirigeants, des pairs, des consultants et des chercheurs, mon approche de la transformation s'appuie aujourd'hui sur le croisement de deux méthodes.
La première, à dominante interne, est basée sur la notion de confiance. La seconde, à dominante externe, est construite sur la notion d'écosystème. Je les retiens sur la base de deux critères simples : 1°) elles ont fait concrètement leurs preuves ; 2°) elles sont porteuses de développements très significatifs.
La méthode à dominante interne est basée sur la notion de confiance développée par Fallou & Serieyx dans "La confiance en pratique". Schématiquement, cette approche vise à définir à la fois un climat et un contrat de confiance. Côté climat, on passe au crible, sur la base d'un mix d'entretiens qualitatifs et d'enquête managériale plus large, le climat de confiance de l'entreprise à travers six thèmes fondamentaux : la clarté de la stratégie, la pérennité perçue de l'entreprise et la sûreté des règles du jeu, d'une part ; la fierté d'appartenance, la reconnaissance des contributions individuelles et le dépassement collectif d'autre part. Cela permet de repérer les points d'appui et les domaines d'amélioration dont découlent d'ailleurs directement les chantiers de progrès du projet de changement.
La méthode s'attache également à identifier ce que l'on appelle les "contrats invisibles" qui, à côté du contrat explicite qui lie chaque salarié à l'entreprise, permet d'identifier en profondeur sur un plan cette fois moins managérial que culturel les ressorts et les moteurs de son appartenance, ce qui permet d'ancrer solidement la démarche de changement dans la réalité de l'entreprise, bref, de construire sa légitimité.
J'ai expérimenté ce cadre d'action lors d'un projet d'évolution de la culture managériale d'un groupe minier que j'ai proposé, lancé puis coordonné aux côtés d'un cabinet qui avait formalisé cette approche à travers un travail de fond mené au prélable avec une vingtaine de dirigeants de grands groupes industriels. Mon point de départ, partagé avec le nouveau président du groupe de l'époque, était que des résultats semestriels spectaculaires qui faisaient suite à une restructuration d'ampleur ne suffiraient pas à mobiliser les troupes à la faveur, qui plus est, d'un changement de leadership qui donnait au contraire l'opportunité de bâtir avec le management et les équipes une nouvelle étape de développement de l'entreprise. Le résultat fut assez spectaculaire en termes aussi bien de justesse du diagnostic, et donc d'appropriation par les équipes, que de dynamique collective et de progrès concrets.
Aujourd'hui encore, le programme que nous avons mis en oeuvre continue de définir le cadre de réference managérial du groupe en question bien que quelques uns de ses principaux instigateurs n'y soient plus en fonction - un trait suffisamment rare pour être souligné quand nombre de démarches de changement ont à peine le temps de porter leurs fruits qu'elles s'effacent déjà devant le suivant. En quoi la gestion du changement a moins à voir avec l'affichage qu'avec la persévérance.
Quand elle cède en effet à la tentation de l'affichage, l'entreprise rejoint alors aux yeux de ses salariés ce qui disqualifie fondamentalement la politique aux yeux des citoyens : l'incapacité à honorer la promesse du changement. La défiance généralisée qui en résulte éloigne alors d'autant de l'optimum collectif, au prix d'ajustements différés qui n'en seront que plus brutaux - restructurations et licenciements dans un cas, rigueur et chômage dans l'autre. C'est précisément l'intérêt, et l'exigence, d'une démarche de changement basée sur la confiance que de proposer une approche différente reposant notamment sur un constat et un contrat partagés.
Au-delà de ce cas particulier, je crois que cette approche est appelée à d'importants développements pour une raison simple : elle propose de concilier facteur humain et performance d'une façon collectivement non seulement acceptable mais aussi désirable vis-à-vis de décideurs privés ou publics qui sentent intuitivement que c'est un problème majeur mais qui ne savent pas toujours très bien comment le traiter au-delà du diagnostic et de l'intention.
Cela vaut bien sûr dans notre pays dont le statut de société de défiance n'est plus à documenter. La comparaison à cet égard avec la société américaine est révélatrice. Aux Etats-Unis, le corps social de l'entreprise peut se concentrer sur la recherche maximale de l'efficacité à l'exception de toute autre considération. La cohésion n'est pas un sujet, c'est une donnée, et cela d'autant plus que l'on a affaire à une culture davantage centrée sur les tâches que sur les relations. Par opposition, le modèle français est marqué à la fois par un sens critique beaucoup plus développé et par une plus forte propension à la division... tout en étant plus centré sur les relations que sur les tâches. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour compliquer les projets de changements. Ce qui fait qu'un projet visant à accroître les performances de l'entreprise doit mener de front à la fois la recherche de l'efficacité et la construction de la cohésion. A la limite, sauf peut-être dans des circonstances de crise exceptionnelles, la construction de la cohésion constitue un préalable, ce qui renforce encore l'intérêt d'une démarche fondée sur la confiance
Cela étant dit, la confiance apparaît bien comme un ciment de portée universelle, ce que la démarche précédemment évoquée a d'ailleurs permis de vérifier dans des pays aussi différents que le Gabon, la Norvège ou la Chine. Aux Etats-Unis-mêmes, la démarche trouvait une justification propre à travers la problématique de la relation entre une filiale (américaine) et un siège (français) dans laquelle le mot d'ordre de "mieux se comprendre pour mieux travailler ensemble" trouvait en lui-même une portée pratique partagée.
Voilà pour l'interne.
Mais comment imaginer qu'un projet de changement n'intègre pas l'environnement externe qui revient aujourd'hui avec force dans le territoire de l'entreprise ?
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(1) Il s'agit du roman d'Antoine Bello, "Les éclaireurs", dans lequel une organisation futuriste, assez proche du concept de "transhumains" développé par Jacques Attali dans sa "Brève histoire de l'avenir", se borne pour l'essentiel à réunir des gens de talents partageant une ambition de progrès internationale mais sans leur fixer un cadre ou des objectifs a priori. C'est un modèle intéressant qu'il serait aisé de disqualifier en s'appuyant sur les réalités managériales... s'il ne correspondait pas déjà à une réalité en développement. Je pense à Google notamment qui s'impose à certains égards comme un modèle de référence possible de l'entreprise du XXIème siècle. Mais je pense aussi, plus largement, à certaines organisations internationales ou encore à la façon dont la génération Y envisage sa participation à l'entreprise comme une "co-création" (l'expression est de Dominique Reynié au cours d'un échange dans le cadre de La Manu).
22:52 Publié dans Communication | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : communication, management, confiance, antoine bello, les éclaireurs, jacques attali, brève histoire de l'avenir, google, génération y, co-création, fallou, sérieyx, la confiance en pratique, changement, dominique reynié, la manu
28/02/2011
Dircom, un métier qui se transforme (9) Capter (l'héritage et le creuset)
Après les deux premières caractéristiques fondamentales du métier - la passion et la relation -, on entre avec la troisième, la transformation, dans le vif du sujet. Il s'agit cette fois de capter, de structurer et d'animer.
Le dircom fait un métier à la fois étrange, contesté et fragile. Etrange ? Demandez donc à des gens qui ne sont pas de la partie de vous dire en quoi consiste cette fonction ; la plupart du temps, ils vous poseront d'ailleurs la question d'eux-mêmes. Ce métier est aussi contesté en particulier lorsqu'il est assimilé à une mise en scène, mi-vaine mi-trompeuse, qui aurait au fond davantage pour fonction de faire écran que de contribuer à la transparence. De ce point de vue, les communicants ont généralement aussi mauvaise presse chez les journalistes - c'est le syndrome de l'écran et de la manipulation - que les journalistes sont souvent mal perçus par le corps social de l'entreprise - c'est le syndrome du scoop, du raccourci ou de la déformation que l'on oppose à des réalités techniques et économiques plus complexes qui requièrent une profondeur que l'on estime souvent difficilement compatible avec le format et le tempo des médias. C'est là un point important sur lequel on reviendra.
Mais ce n'est pas tout : le directeur de la communication fait aussi un métier fragile parce que la source de sa légitimité est plus complexe que pour les autres fonctions. Dire que sa justification fondamentale est de servir le projet de l'organisation qui l'emploie et qu'il en rend donc compte essentiellement à un président et à une direction générale est à la fois évident et insuffisant. Car ce travail, il ne peut le faire correctement que s'il est solidement ancré dans le corps social de l'entreprise, capable de développer avec intégrité des réseaux divers et vivants à travers lesquels il peut faire passer des messages dans les deux sens.
En forçant un peu le trait, dans la mesure où il est à la fois un homme du siège et un homme de terrain, où il représente simultanément la direction générale et l'opinion interne, on peut dire qu'il est à la fois stratège et syndicaliste. D'ailleurs, l'une des méthodes les plus efficaces de conduite du changement s'inspire en partie du savoir-faire des organisations syndicales en termes de maîtrise du terrain et de canalisation de l'opinion. Bref, le voilà dans une position relativement inconfortable, suspecté par chaque partie de n'être que le porte-voix de l'autre et condamné à convaincre que sa légitimité profonde ne vient en réalité ni d'un bord ni de l'autre, mais de sa capacité à faire le lien, qu'elle n'est pas d'abord une question d'allégeance personnelle mais de contribution à l'intelligence collective.
Une source supplémentaire de complexité vient alors de ce qu'il a à la fois un pied dedans et un pied en dehors de l'entreprise. Source de complexité ? Sans aucun doute : si l'on admet que la frontière entre l'interne et l'externe a vécu, alors cette dichotomie commode mais de moins en moins opératoire le cède à l'approche plus complexe d'un écosystème incluant des acteurs clés, qu'ils soient internes ou externes, et dont il faut tâcher de rendre les intérêts convergents ou, à tout le moins, compatibles. C'est dire que cette complexité est en même temps une source de fragilité, en particulier dans les entreprises dont la culture forte s'est en partie construite contre cet environnement.
Jeune dircom, j'ai fait l'expérience de la difficulté de faire valoir en profondeur le point de vue d'un adversaire au coeur-même de la direction générale, démarche dont l'objectif était de donner à voir différemment un acteur que des mois de conflit avaient naturellement fini par caricaturer (inutile de dire que j'ai passé davantage de temps à faire l'inverse en passant des heures, nuits incluses, à faire comprendre le point de vue de l'entreprise à des décideurs qui avaient fini par cesser de dialoguer avec elle et par la mettre dans une situation de quasi quarantaine).
Avec le recul, je ne sais pas si je referais la même chose ; probablement pas en tout cas de la même manière. Pour dire les choses autrement, il y avait une certaine audace à partager assez largement ces réflexions non seulement avec la direction générale mais aussi avec l'encadrement qui, dans une culture fermée et en situation de crise aiguë, aurait pu me coûter mon job. Il s'agissait pour moi en réalité de raisonner moins en termes d'audace que de partage, de provocation que de décryptage. C'est ce qui fait la différence entre un comportement partisan et une démarche engagée et qui a sans doute permis à cette démarche d'être non seulement acceptée mais aussi intégrée.
A un autre niveau, je crois qu'il y avait aussi le pari de montrer que la communication, dont la nécessité était a priori challengée par une partie de la direction locale, pouvait être autre chose qu'une vulgate commode mais sans grande portée, c'est-à-dire un outil de compréhension, de relation et de transformation au service du management et de l'entreprise dans son ensemble selon une trilogie qui, de fait, continue encore de marquer en profondeur ma vision du métier.
C'est dire que la faiblesse liée au double ancrage du dircom, à la fois dans l'entreprise et hors de ses murs, est en réalité une force. De l'agent double, il a la mobilité sans la duplicité. Ce qui définit alors son statut, c'est en effet moins le confort d'une position qu'une capacité de mouvement - physique, intellectuel, psychologique - qui lui permet, osons le rapprochement, sur un mode quasi baudelairien de comprendre la diversité des rôles et, fondamentalement, d'être à l'affût de ce qui émerge, de capter les tendances en développement, à l'intérieur de l'entreprise en termes de compréhension des besoins du corps social, mais aussi à l'extérieur en termes de points d'appui, de ce que François Jullien appelle la compréhension du "potentiel de la situation" et qui inclut en particulier le repérage des "facteurs porteurs" - bref, de mettre en place les éléments d'un creuset.
La difficulté est qu'il faut alors convaincre d'avancer en évitant un double écueil : renier ce qui a été fait par le passé et plaquer ce qui a marché ailleurs - attitude qui est, par définition, difficilement acceptable par les équipes, sauf peut-être dans le cas où la direction prise précédemment a mené l'entreprise à la catastrophe - et encore. Et c'est précisément l'intérêt de partir du terrain pour asseoir la légitimité, c'est-à-dire la spécificité, de la démarche. Capter en ce sens, c'est toujours un peu adapter. Peter Druker dit qu'en matière de management, 90 % des actions peuvent se décliner à peu près partout sans difficulté majeure et que seuls 10 % de l'approche doivent être spécifiques. Je crois que c'est juste à condition de bien comprendre que ces 10 % ont une portée qualitative décisive, en particulier dans les environnements les plus réticents au changement.
L'ensemble des moteurs du métier : la passion de s'engager et la capacité à développer des réseaux, peut alors tourner à plein régime au service de la transformation de l'entreprise. Tout cela n'irait pourtant pas loin si cette aventure collective ne s'adossait pas à une méthode solide pour canaliser la dynamique, structurer la démarche et concrétiser le projet.
20:59 Publié dans Communication | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : communication, directeur de la communication, dircom, management, presse, médias, écosystème, peter druker, françois jullien