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16/04/2011

Dircom (2.1.4.) Note sur les risques du métier (2) Le technocrate, le héraut et le bouffon (le problème de la crise du rire)

Ah, bien sûr ! Il y eut une époque fastueuse où l'on riait de bon coeur. C'était aussi une époque, me confia un jour le DRH d'une société que je venais de rejoindre et qui fut riche avant de l'être moins, à laquelle le champagne coulait à flots entre d'immenses plateaux de caviar à la première occasion venue. Je note que c'est une époque qu'un certain nombre d'entre nous n'ont pas connu et ne connaîtront d'ailleurs probablement jamais tant et si bien qu'on en viendrait presque à se demander s'il s'agit là de souvenirs émus ou bien d'élucubrations semblables à celles qui affectent le voyageur égaré en plein désert. Il faut dire que nous étions alors au beau milieu d'une crise épouvantable et qu'une caractéristique aussi majeure que désolante des crises épouvantables est d'en plonger le plus souvent les protagonistes dans la nostalgie de jours plus heureux.

Vivre ou survivre ?

Nous prîmes le parti d'en rire... D'en rire ? Au beau milieu d'une crise difficile dans laquelle nous entrions sans trop savoir encore comment nous en sortirions ? Eh bien oui, et ce fut même là la première d'une longue suite d'éclats de rire qui jalonnèrent les crises que nous connûmes et qui furent toutes plus épouvantables les unes que les autres. Naturellement, il nous vint rarement l'envie d'éclater de rire pendant une réunion publique ou une conférence de presse. Il y a des domaines, d'ailleurs assez nombreux, dans lesquels il convient de respecter un certain nombre de rites et de règles, faute de quoi on finit par insinuer un doute dans les esprits (en même temps d'ailleurs qu'une difficulté fâcheuse à se concentrer sur l'objet de la réunion).

Je fais référence à cette époque - en gros, les années 60 et 70 - parce qu'elle trouva bien encore quelques prolongements dans la décennie suivante, qui se trouve être aussi celle au cours de laquelle le métier de dircom connut son âge d'or. Peut-être n'était-ce là qu'une mauvaise passe, se disait-on alors, préférant prolonger encore un peu la fête plutôt que de prendre la mesure des problèmes avec lesquels il faudrait vivre pendant les décennies suivantes. C'est le moment où la communication triomphante se combinait avec la réhabilitation de l'entreprise pour donner lieu à des excès souvent caractéristiques des nouveaux convertis, essentiellement dans le domaine des relations presse et des événements.

On riait donc beaucoup. On ria encore un peu, confirment les dircoms qui ont connu cette époque. Puis on ne rit plus du tout. De l'objectif de donner vie à l'entreprise on passa, de crises en crises, à celui d'assurer sa survie. Ce ne sont pas les crises en tant qu'événements qui comptent ici, mais la transformation qu'elles ont fini par induire de la fonction communication elle-même. Sous la pression de la situation économique générale comme de la révolution technologique des années 2000, la fonction ne s'est pas seulement retrouvée en effet en position de gestionnaire des crises, mais de gestionnaire tout court.

Le danger technocratique

De sorte que, si la formation du dircom l'a souvent conduit au fétichisme de l'écrit que l'on a évoqué précédemment, le contexte des années 90 et 2000 l'a exposé à un autre danger que l'on pourrait qualifier de technocratique. Un danger essentiellement marqué par la nécessité de réduire les coûts, d'intensifier le travail, de rationaliser les processus, bref, de faire progresser l'efficacité d'ensemble de la fonction dont il a la charge avec ses équipes et ses partenaires en se focalisant davantage sur les ratios que sur les situations, sur les indicateurs que sur les gens, sur la qualité formelle de son reporting plutôt que sur sa contribution à la maîtrise du réel. Or, ce n'est évidemment pas la mesure qui est en cause ici - que piloterait-on sinon : des intuitions, des avis, des envies ? et sur la base de quels arbitrages arbitraires ? - que le primat qu'elle a fini par acquérir sur l'action, pour ne pas dire sur les fondamentaux-mêmes du métier. En quoi l'on retrouve l'intérêt d'une action qui soit fondée aussi bien sur la responsabilité que sur la confiance.

Le dircom est très loin d'être le seul affecté : j'ai connu nombre d'ingénieurs, jeunes et moins jeunes, malheureux de devoir s'enfermer l'essentiel du temps dans leur bureau pour dialoguer avec leurs tableurs au lieu d'en passer davantage sur le terrain aux côtés des agents de maîtrise et des opérateurs parce qu'ils savaient bien que c'était là que se faisait l'essentiel de la performance de l'entreprise, au travers d'une série de réglages et d'échanges qu'aucun manuel, qu'aucune procédure ne pouvaient remplacer. Et c'est d'ailleurs ce qu'on leur demandait en effet de faire... quand il leur restait éventuellement un peu de temps. Or, comme on ne peut pas vraiment bâtir de cercle vertueux dans de tels contextes, la primauté croissante du reporting sur l'action revient finalement à créer les conditions de la réorganisation suivante : si l'on n'atteint pas les résultats voulus, c'est donc qu'il faut aller plus loin que dans le schéma précédent.

Bien que le sujet dépasse à l'évidence le propos de cette chronique, il n'en reste pas moins révélateur d'un contexte qui met l'entreprise en danger comme réalité humaine : on commence par ne plus rire, puis par ne plus parler aux autres, et on finit même parfois par se suicider. Simpliste ? Sans aucun doute. C'est qu'il ne s'agit pas ici de mener une enquête, mais de montrer combien le rire intègre, détend, fait vivre, encourage, crée du lien, du partage, de la cohésion, de la solidarité, du soutien... En un mot, il est un indicateur aussi éclairant du climat social au sens le plus général de ce terme que les résultats de sécurité sont parfois considérés dans l'industrie comme un indice synthétique de la bonne marche des opérations. Le rire serait le propre de l'homme ? Le propre du rire aussi bien est qu'il traduit aussi un certain degré de confiance : dans une action qui se met en place, ou dans une relation qui s'établit et qui doit alors aussi permettre de partager un certain nombre de problèmes avec le sentiment de pouvoir être entendu.

La mécanique et le vivant

A la fin (ou même au début : voyez la tradition anglo-saxonne des icebreakers), rire rend même plus efficace. Essayez donc de gérer une crise de quatre ou cinq mois en petit comité sous une pression quotidienne sans créer de respirations de ce type et vous verrez comment les gens commencent à passer des mauvaises réactions aux mauvaises décisions, avant de ne bientôt plus rien maîtriser du tout. Voyez aussi dans quel état ils en sortent. C'est fondamentalement une question d'énergie et de cohésion, de survie et de lucidité. Mais c'est aussi plus largement, hors le contexte révélateur mais particulier de la crise, le signe d'une collectivité vivante qui prend simplement plaisir à travailler ensemble. Ce que la génération Y nomme le fun, comme le souligne Patrick Lemattre en évoquant le cas de ce nouvel embauché qui souhaita quitter promptement son employeur sans qu'aucun motif sérieux ne permette, apparemment, d'expliquer sa décision. C'est que, précisément, tout dans cette entreprise lui paraissait sérieux à mourir. Il faudrait alors inverser la formule de Bergson : ce n'est pas tant que le rire est "du mécanique plaqué sur du vivant", c'est surtout dans ce contexte qu'il est du vivant plaqué sur de la mécanique.

Le contexte culturel comme le sens des situations et un minimum de psychologie interviennent naturellement pour beaucoup dans ces affaires, ce qui ne met d'ailleurs pas le dircom en mauvaise posture pour en apprécier l'opportunité. Il y a, de fait, un certain nombre de circonstances et d'interlocuteurs avec lesquels ce genre d'approche est à déconseiller absolument ou doit à tout le moins s'insérer avec précaution pour éviter de surprendre ou de choquer. Rien là que de très élémentaire, qui souligne combien l'humour n'est pas une valeur supérieure à la politesse comme souci des autres ou au respect comme prise en considération de ce qu'ils sont (1).

Cela doit en particulier conduire à bien peser l'usage d'un trait de caractère aussi répandu en France qu'il est peu acclimaté ailleurs. Sous la forme de l'ironie, l'humour est en effet à manier en redoublant de précautions dans des contextes culturels différents. Elle est par exemple souvent incompréhensible aux Etats-Unis parce qu'elle relève d'un registre implicite qui prend à contrepied une culture qui cultive au contraire l'explicite et la clarté (2). C'est aussi que l'ironie a partie liée avec le statut, c'est-à-dire  avec un positionnement vertical de la relation sociale, ce qui constitue une autre notion étrangère à la culture américaine qui privilégie l'horizontalité autant qu'un style plus direct (3).

A défaut de rire de tout avec tout le monde en toutes circonstances, on conviendra à tout le moins que le technocratisme et l'esprit de sérieux qui l'accompagne (quand ce n'est pas l'arrogance si souvent associée à l'image des Français pour les étrangers) sont des poisons mortels pour un métier dont l'une des fonctions essentielles est de développer à la fois le rayonnement et la cohésion des organisations dont il s'occupe. Voici notre dircom devenu mi-héraut, mi-bouffon (4). Après tout, en première approche, ce n'est pas là une si mauvaise définition du métier.

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(1) Encore cette notion de respect prend-elle aussi un sens différent selon les générations, celles qui se côtoient aussi bien que celles qui se succèdent. Jeune dircom, j'eus l'occasion de m'en expliquer avec le DRH au terme d'un de mes premiers comités de direction au cours duquel j'avais souvent pris la parole de façon intempestive. La notion de respect de l'institution sur laquelle il s'appuyait m'apparaissait très formelle ; à la limite, elle se situait aux antipodes-mêmes d'une conception du respect que je fondais davantage sur l'échange des arguments que sur le formalisme des échanges. Je finis par me ranger à son point de vue : c'était un homme sage, la moyenne d'âge du comité en question était de vingt ans supérieure à la mienne ; et puis je faisais mon aprentissage. Au-delà d'un minimum de respect des formes (d'ailleurs bien plus marqué dans les instances exécutives anglo-saxonnes à travers une forte codification de la parole), l'intégration de la différence et les conditions d'une conversation productive restent quoi qu'il en soit deux sujets majeurs pour l'efficacité de toute équipe.

(2) Voir à ce sujet l'excellent "French and Americans, The Other Shore" de Pascal Baudry, Les Frenchies Inc. (2005).

(3) Certains oenologues caractérisent d'ailleurs selon la même opposition vertical / horizontal les vins produits par les deux pays. Dans ce contexte, vertical signifie difficile, complexe tandis qu'horizontal est plutôt assimilé à quelque chose de facile, d'évident, d'immédiat. Voir à ce propos le film "Mondovino" de Jonathan Nossiter et notamment les commentaires d'Aimé Guibert, propriétaire du domaine de Daumas Gassac.

(4) Pour incongru (sinon inconvenant pour la prise au sérieux de cette honorable profession) qu'il puisse paraître, le terme me paraît intéressant en ce qu'il fait référence à la fois à la longue tradition historique de l'amuseur et à l'irruption plus récente d'une insulte, d'abord en vogue dans les quartiers sous la forme d'une stigmatisation inversée si l'on veut, puis qui s'est généralisée, à destination de ceux qui sont extérieurs à une entité donnée (le groupe, le territoire), bref, qui ne partagent pas les mêmes codes. Je ne vois pour ma part qu'avantage à se saisir de cette convergence détonnante en assumant ces deux dimensions de l'humour, qui manifeste le sens de la relation, et de la mobilité, qui ne va pas sans ouverture à la diversité. Et s'il fallait en privilégier une, je choisirais sans hésitation la seconde tant je tiens la possibilité que donne cette fonction d'entrer en relation avec des gens très différents comme un intérêt fondamental de ce métier.

26/03/2008

L'humour paie (petites plaisanteries entre voisins de bureau)

Bout-en-train confirmé avec plusieurs années d'expériences et quelques canulars réputés à votre actif, vous peinez pourtant à trouver votre place dans l'entreprise ? Ne désespérez donc pas. Tandis que, pour beaucoup, le travail reste l'antithèse du plaisir et de la bonne humeur, une étude récente de Adrian Gostick et Scott Christopher, Why It Pays to Lighten Up, établit au contraire un lien entre performance et bonne humeur. Rire prédispose à l'écoute affirment les auteurs. Mieux : une étude réalisée auprès de 737 directeurs généraux de grandes compagnies américaines montre que 98% d'entre eux recruteraient plus volontiers une personne ayant le sens de l'humour plutôt qu'une autre qui en serait dépourvue. L'étude montre, de surcroît, que prendre plaisir à son travail dans une atmosphère détendue est un facteur qui renforce la loyauté des salariés.

S'appuyant sur un sondage Ipsos, les auteurs montrent même que les collaborateurs d'un manager dont le sens de l'humour est jugé au-dessus de la moyenne ont 90% de chance de rester dans leur emploi plus d'un an (on est aux Etats-Unis...), tandis que ce taux passe à 77% avec un manager dont le sens de l'humour est jugé égal ou inférieur à la moyenne. Plus encore : une étude complémentaire de la Harvard Business Review montre que les dirigeants ayant le sens de l'humour gravissent plus vite les échelons que leurs pairs ; ils gagneraient aussi davantage. Quant aux autres avantages, ils sont connus : le rire est bon pour la santé, il améliore en particulier la circulation sanguine, de 22% quantifie une étude de l'Université du Maryland.

Mais que faire alors quand on n'est guère plus drôle que la moyenne ? Pas de panique, rétorquent les auteurs. En fait, il s'agit moins d'être drôle à proprement parler que de savoir faire preuve, de temps à autre, d'un peu de manque de sérieux, d'une certaine légèreté. Une aptitude que les grands leaders maîtriseraient mieux que les autres. Nombre de compagnies américaines se sont d'ailleurs efforcées, ces dernières années, d'améliorer l'ambiance sur le lieu de travail. Tournois de football chez Bain & Company, déplacements en scooter sur le campus de Lego American, parties de hockey, tournois de scrabble ou séances de piano chez Google : les sociétés rivalisent d'imagination pour permettre à tous de se relaxer. Dans les cas les plus avancés, l'agence publicitaire Iris par exemple, une équipe, "the Smile Squad", est même en charge de l'ambiance et du bien-être pour les quelques 475 employés de l'agence. "La clé d'une entreprise prospère, souligne le fondateur, Stewart Shanley, c'est d'attirer les talents. Or, ce que l'on oublie un peu vite, c'est qu'il faut ensuite gérer et retenir ces talents". Et faire en sorte que les gens soient heureux, ce qui les rend à la fois plus loyaux et plus performants.

Pendant ce temps-là, beaucoup de patrons français continuent de réduire les espaces de bureau et à bloquer la création des espaces de détente. Mauvais pour la productivité. Que cela fonctionne encore dans quelques usines et pour les générations les plus âgées, c'est possible. Et encore. Pour les plus jeunes en revanche, l'affaire est entendue : comme l'a très bien établi le sociologue, professeur à HEC, Patrick Lemattre, pour les 20/30 ans (la "génération fun"), un manager triste, c'est pire que tout : pire, en tout état de cause, qu'un travail à l'intérêt mitigé ou qu'un salaire jugé insatisfaisant. Et cela donne bien plus envie de prendre les jambes à son cou que de retrousser ses manches. Pas de quoi rire, en effet.

19/12/2007

Al Gore, la planète et l'opinion (2) Ce que communiquer (efficacement) veut dire

C'est bien simple : tout y est.

De l'humour d'abord, attaque obligée de toutes les causeries anglo-saxonnes. Peut lasser. Mais s'avère redoutablement efficace lorsqu'il est utilisé à bon escient pour briser la glace ("ice breaker") ou casser la pente d'un propos soudain dangereusement alourdi par l'accumulation de faits savants. Ce n'est pas tant que l'humour détend, c'est qu'il crée du lien ; il unifie le groupe autant qu'il prédispose les esprits.

Au fond, l'humour ne fait qu'exprimer l'exigence plus profonde de ne pas ennuyer les gens avec ce que l'on a à leur dire. Causerie, graphiques, cartes, projections, reportages, photos, commentaires, citations, anecdotes, récits, dessin animé même : Gore ne cesse de diversifier la forme de son propos. Il nous le rend ainsi plus vivant, plus concret, plus accessible - mieux appropriable.

Car l'exercice est fondamentalement un travail de vulgarisation de sujets aussi médiatiquement spectaculaires que scientifiquement difficiles. Qui saurait expliquer spontanément ce qu'est le mécanisme du réchauffement climatique, et comment il se traduit par des effets si contradictoires ? C'est le propre des communications réussies que de rendre les destinataires plus intelligents (et plus actifs, ajouteraient volontiers les Américains) entre le début et la fin du message.

Elles y parviennent en intégrant les arguments de l'adversaire, démontés, moqués à l'occasion, et remis en perspective. C'est la reprise des trois idées fausses qui structurent la deuxième partie du propos après la phase de sensibilisation visuelle à l'état de la planète : les experts ne seraient pas d'accord ; il faudrait choisir entre l'économie et l'environnement ; et il serait, enfin, trop difficile de faire quelque chose.

Pas de message qui porte sans émotion - la National Rifle Association le sait bien qui refuse, sur les plateaux de télévision, de répondre aux experts en opposant aux faits abstraits des témoignages concrets et poignants. Rien de tel ici ; mais Al Gore se met tout de même en scène et, dans une certaine mesure, prend le risque de le faire. Car enfin, si cette histoire de famille sent bon l'idylle, elle a aussi ses drames et puis ses tragédies.

Même l'échec personnel à la présidentielle n'est pas esquivé. Chez nous, l'échec plombe ; ici, il représente une chance d'apprendre et de rebondir. C'est ce que fait et explique Al Gore, sans éviter la part existentielle de l'affaire : "A quoi devais-je employer mon temps sur la terre ?" s'interroge-t-il après l'accident de son fils. Idem, sur un autre registre, après la campagne de 2000 : "You make the best of it" soupire-t-il, sans esquiver l'abattament que cela représenta. Et de conclure : "Je me suis concentré sur ma mission".

De même encore, après la mort de sa soeur, d'un cancer du tabac, qui décide son père à stopper net cette culture : "Pourquoi réagit-on toujours trop tard?" se demande Al Gore, tout à son combat, à cette obsession de convaincre en décrivant des enjeux qui nous touchent et que nous pouvons, mieux que des faits alarmants mais impersonnels et lointains, transposer dans nos vies. "Dans cinquante ans", ici, cela devient "quand les enfants auront mon âge".

Bref, voilà qui donne une force indéniable au propos, dont la tonalité, juste, est bien une clé de l'ensemble. Le vice-président se met en scène, certes, mais c'est sur le mode modeste d'une histoire (presque) ordinaire, sur le ton d'une conversation que nous pourrions avoir avec lui. Voyez, chez nous, la puissance de la communication de Sarkozy, qui procède du même positionnement - en plus bateleur, tout de même, à domicile.

Ici et là, de plus en plus, les faits sont alors distillés, courbes et chiffres à l'appui. Mais ils s'ancrent dans des images, celles des réalités à décrire, en tous les coins du monde - le message est universel -, mais aussi celles des symboles, comme l'étang familial, qui est comme le motif de référence du film. Dans des formules aussi : nous avons déjà les moyens de réduire nos émissions de CO2 affirme l'auteur en susbtance, excepté la volonté politique? Mais, "aux Etats-Unis conclut-il, la volonté politique est une ressource renouvelable !".

A ce point de la démonstration, sur le terrain de la communication, il reste deux grandes ressources, très américaines dans l'esprit elles aussi, qui parachèvent l'exercice.

La première, c'est, pour mieux mobiliser, la capacité à rappeler les grands défis auxquels a été confronté le peuple américain et les grands combats progressistes - pour la liberté, contre l'esclavage, le totalitarisme, etc - qu'il a remporté par son action. Cela ne va jamais sans quelques formules un peu solennelles qui portent l'ambition : face aux enjeux du "futur de la civilisation", nous devenons soudain "capables de faire de grandes choses !".

Le deuxième et dernier ressort, c'est le fameux "call to action", l'appel à agir concrètement - en commençant par appeler les élus. "Are you ready to change the way you live ?" Qui répondrait non, ou resterait même sur la réserve après une démonstration pareille ?

Le spectateur est alors renvoyé à un site, climatecrisis.net, et à toute une série de recommandations pratiques et accessibles, tout ceci sur la musique enlevée de Melissa Etheridge, "I need to wake up", comme un petit parfum, heureux justement, des années 60. Il ne reste plus alors qu'à terminer par un vieux proverbe africain : "Quand tu pries, bouge les pieds"...

Eh bien, quand on communique, c'est pareil.