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19/12/2007

Al Gore, la planète et l'opinion (2) Ce que communiquer (efficacement) veut dire

C'est bien simple : tout y est.

De l'humour d'abord, attaque obligée de toutes les causeries anglo-saxonnes. Peut lasser. Mais s'avère redoutablement efficace lorsqu'il est utilisé à bon escient pour briser la glace ("ice breaker") ou casser la pente d'un propos soudain dangereusement alourdi par l'accumulation de faits savants. Ce n'est pas tant que l'humour détend, c'est qu'il crée du lien ; il unifie le groupe autant qu'il prédispose les esprits.

Au fond, l'humour ne fait qu'exprimer l'exigence plus profonde de ne pas ennuyer les gens avec ce que l'on a à leur dire. Causerie, graphiques, cartes, projections, reportages, photos, commentaires, citations, anecdotes, récits, dessin animé même : Gore ne cesse de diversifier la forme de son propos. Il nous le rend ainsi plus vivant, plus concret, plus accessible - mieux appropriable.

Car l'exercice est fondamentalement un travail de vulgarisation de sujets aussi médiatiquement spectaculaires que scientifiquement difficiles. Qui saurait expliquer spontanément ce qu'est le mécanisme du réchauffement climatique, et comment il se traduit par des effets si contradictoires ? C'est le propre des communications réussies que de rendre les destinataires plus intelligents (et plus actifs, ajouteraient volontiers les Américains) entre le début et la fin du message.

Elles y parviennent en intégrant les arguments de l'adversaire, démontés, moqués à l'occasion, et remis en perspective. C'est la reprise des trois idées fausses qui structurent la deuxième partie du propos après la phase de sensibilisation visuelle à l'état de la planète : les experts ne seraient pas d'accord ; il faudrait choisir entre l'économie et l'environnement ; et il serait, enfin, trop difficile de faire quelque chose.

Pas de message qui porte sans émotion - la National Rifle Association le sait bien qui refuse, sur les plateaux de télévision, de répondre aux experts en opposant aux faits abstraits des témoignages concrets et poignants. Rien de tel ici ; mais Al Gore se met tout de même en scène et, dans une certaine mesure, prend le risque de le faire. Car enfin, si cette histoire de famille sent bon l'idylle, elle a aussi ses drames et puis ses tragédies.

Même l'échec personnel à la présidentielle n'est pas esquivé. Chez nous, l'échec plombe ; ici, il représente une chance d'apprendre et de rebondir. C'est ce que fait et explique Al Gore, sans éviter la part existentielle de l'affaire : "A quoi devais-je employer mon temps sur la terre ?" s'interroge-t-il après l'accident de son fils. Idem, sur un autre registre, après la campagne de 2000 : "You make the best of it" soupire-t-il, sans esquiver l'abattament que cela représenta. Et de conclure : "Je me suis concentré sur ma mission".

De même encore, après la mort de sa soeur, d'un cancer du tabac, qui décide son père à stopper net cette culture : "Pourquoi réagit-on toujours trop tard?" se demande Al Gore, tout à son combat, à cette obsession de convaincre en décrivant des enjeux qui nous touchent et que nous pouvons, mieux que des faits alarmants mais impersonnels et lointains, transposer dans nos vies. "Dans cinquante ans", ici, cela devient "quand les enfants auront mon âge".

Bref, voilà qui donne une force indéniable au propos, dont la tonalité, juste, est bien une clé de l'ensemble. Le vice-président se met en scène, certes, mais c'est sur le mode modeste d'une histoire (presque) ordinaire, sur le ton d'une conversation que nous pourrions avoir avec lui. Voyez, chez nous, la puissance de la communication de Sarkozy, qui procède du même positionnement - en plus bateleur, tout de même, à domicile.

Ici et là, de plus en plus, les faits sont alors distillés, courbes et chiffres à l'appui. Mais ils s'ancrent dans des images, celles des réalités à décrire, en tous les coins du monde - le message est universel -, mais aussi celles des symboles, comme l'étang familial, qui est comme le motif de référence du film. Dans des formules aussi : nous avons déjà les moyens de réduire nos émissions de CO2 affirme l'auteur en susbtance, excepté la volonté politique? Mais, "aux Etats-Unis conclut-il, la volonté politique est une ressource renouvelable !".

A ce point de la démonstration, sur le terrain de la communication, il reste deux grandes ressources, très américaines dans l'esprit elles aussi, qui parachèvent l'exercice.

La première, c'est, pour mieux mobiliser, la capacité à rappeler les grands défis auxquels a été confronté le peuple américain et les grands combats progressistes - pour la liberté, contre l'esclavage, le totalitarisme, etc - qu'il a remporté par son action. Cela ne va jamais sans quelques formules un peu solennelles qui portent l'ambition : face aux enjeux du "futur de la civilisation", nous devenons soudain "capables de faire de grandes choses !".

Le deuxième et dernier ressort, c'est le fameux "call to action", l'appel à agir concrètement - en commençant par appeler les élus. "Are you ready to change the way you live ?" Qui répondrait non, ou resterait même sur la réserve après une démonstration pareille ?

Le spectateur est alors renvoyé à un site, climatecrisis.net, et à toute une série de recommandations pratiques et accessibles, tout ceci sur la musique enlevée de Melissa Etheridge, "I need to wake up", comme un petit parfum, heureux justement, des années 60. Il ne reste plus alors qu'à terminer par un vieux proverbe africain : "Quand tu pries, bouge les pieds"...

Eh bien, quand on communique, c'est pareil.

Commentaires

Al gore.... c'est simplement un anarchiste!

Écrit par : Chloe | 19/12/2007

C'est vrai ca, " l'humeur ne fait qu'exprimer l'exigence plus profonde de ne pas ennuyer les gens avec ce que l'on a à leur dire. ! "

Écrit par : Valery | 20/12/2007

Chloe : c'est en effet le point de vue des Républicains ici.

Valery : l'humour, pas l'humeur.

Écrit par : Olivier | 06/01/2008

Les commentaires sont fermés.