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09/11/2007

Liberté, diversité, mobilité : la devise de l'intelligence collective ?

Sur la mobilité sociale, nous avons eu, l'autre soir, des échanges stimulants dans un atelier à la fois restreint et divers de la Commission de la libération de la croissance française. Il y avait là, entre autres, sous la présidence rebondissante de Jacques Attali, assisté du rapporteur général, Josseline de Clausade, Jihade Belamri, fondateur de Convergence, Jean-Philippe Cotis, nouveau patron de l'INSEE, Stéphane Boujnah, directeur à la Deutsche Bank, Theodore Zeldin, célèbre oxfordien spécialiste de la France et de ses passions, Jean Kaspar, ancien Secrétaire général de la CFDT, Geoffroy Roux de Bezieux, fondateur de Phone House, ou encore l'économiste Philippe Aghion. L'atelier était assisté de nombreux jeunes rapporteurs, consultants ou fonctionnaires.

La commission dévoilera en temps utile les propositions qu'elle aura finalement retenues sur ce sujet après autres investigations, échanges complémentaires et ultimes arbitrages. Je voudrais me borner ici à une réflexion générale sur le style du travail mis en oeuvre dans ces ateliers et dégager en particulier, à la lumière de l'exercice, quelques unes des conditions qui m'ont semblé y favoriser une forme d'intelligence collective :

1°) réunir des expériences différentes et des talents divers - et parier sur la confrontation positive de cette diversité. On utilise aussi cette méthode lorsque l'on veut introduire un projet de changement en entreprise dans une approche sensiblement différente : le but est également d'encourager la créativité collective, mais on cherche, en plus, à faire émerger les conflits latents entre fonctions différentes car il faut qu'un conflit s'exprime pour pouvoir être dépassé et autoriser ainsi le passage à autre chose. A bien y réfléchir d'ailleurs, c'est aussi un des fondements de l'ouverture politique actuelle dont les commissions de réflexion sont à la fois un exemple de brassage et un outil de production de consensus ;

2°) encourager la liberté de proposition et de ton - en laissant s'exprimer les passions et les convictions ; on ne peut que se réjouir à cet égard de la liberté intellectuelle à l'oeuvre chez les membres de la commission, investis d'une mission - proposer les moyens de libérer le potentiel économique du pays - qu'ils entendent mener avec une véritable indépendance intellectuelle ainsi qu'avec des convictions qui s'appuient souvent sur des expériences fortes. Rien de plus réjouissant, ni de plus nécessaire : aux ordres, on fait toujours du mauvais travail.

3°) piloter l'ensemble avec rigueur, en associant écoute approfondie et rebond dynamique, ce qui permet à la fois à la parole de circuler - comme on dit dans les tribus kanak, expertes en délibération - et à la réunion de progresser, en vérifiant régulièrement qu'aucun champ essentiel d'investigation n'a été oublié. Cette double dimension qui définit une écoute active, qui passe souvent par une sorte de jauge et qui ne va jamais sans une grande mobilité d'esprit, se réunit assez rarement chez un même individu. Je crois bien, pour ma part, ne l'avoir réellement vue à l'oeuvre qu'à deux ou trois reprises, guère davantage.

Les conditions pratiques sont sans doute moins spectaculaires mais tout aussi essentielles à la réussite de l'exercice : il y a un horaire et il est fait pour être respecté par tous ; et il est indispensable que les débats soient transcrits avec attention et prolongés par la suite des éclairages documentaires qui s'imposent sur tel et tel point pour passer plus efficacement d'un point A à un point B, et cela d'autant plus que l'on s'inscrit dans un calendrier serré. Une évidence sans aucun doute, mais c'est presque sur ces conditions pratiques que l'on aurait envie d'insister tant cette rigueur dans l'exécution manque souvent à l'approche française du travail collectif.

A moins que ce ne soit la malice anglo-saxonne qui ne finisse par l'emporter. Theodore Zeldin concluait ainsi la réunion en se demandant si ce n'était pas plutôt de mobilité intellectuelle dont la France avait besoin. De l'Amérique, et tandis qu'on y reconquiert les coeurs, c'est la raison de l'étranger en effet, projetée sur un pays dont il ne voit pas combien, se pensant protégé, il rechigne à s'ouvrir, et se croyant instruit, il oublie de s'informer. Liberté d'évocation, diversité des parcours : la mobilité intellectuelle vient quoi qu'il en soit justement compléter cette recette empirique pour favoriser l'intelligence collective.

07/11/2007

De la croissance... Promotion (suite) : des leviers pour progresser

6.3 - Réouvrir la question du statut des cadres

Pour tous ceux qui n'ont pas atteint le fameux statut bac + 4 ou 5 et qui ont du talent, cette barrière est un barrage. Gérer les fuites au compte-gouttes, c'est bon pour la gestion des barrages, ça ne l'est guère pour les gens, en particulier pour les plus méritants d'entre eux. Ceux qui le veulent vraiment, qui sont portés par quelque chose, finissent par trouver une voie en dépit des obstacles, ou en vertu même de ces obstacles (ce qui ne tue pas, comme on sait...). Mais ceux qui ont besoin d'être encouragés ?

Dans certaines entreprises, notamment dans les secteurs industriels techniques, la question était, il y a encore quelques années, gérée à travers la notion de "cadre technique". Cette possibilité permettait d'ouvrir un espace, de donner une perspective de progrès au milieu de leur carrière à ceux qui avaient fait leurs preuves. Un état de la situation serait utile pour mesurer la réalité de ces passerelles aujourd'hui, et les ouvrir plus largement.

6.4 - Mieux valoriser les expériences

Il faut donc ouvrir davantage, et davantage relativiser les diplômes - comme en Amérique, absolument - pour mieux reconnaître les expériences. D'ailleurs, cette notion de statut, on le sait, est si française qu'il faut passer un peu de temps à s'en expliquer aussi bien avec les Américains qu'avec les Scandinaves (on ne pourra pas dire ainsi que c'est encore une vieille lune inspirée de je-ne-sais-quel libéralisme - "sauvage", naturellement) ; et, autant le dire tout de suite, il vaut mieux renoncer d'emblée à les convaincre du bien-fondé de cette histoire de castes ex diploma.

Le type talentueux sorti d'un obscur institut de gestion ou d'une formation technique de base, il n'a peut-être pas la capacité conceptuelle d'un polytechnicien, mais il peut, souvent mieux que lui quand les enjeux sont plus concrets et localisés, emmener une équipe sur le terrain ou développer une affaire.

Cela ne va pas non plus sans une plus grande attention aux résultats, à l'art de la mise en oeuvre. C'est Carlos Ghosn, dans le charisme disons épuré qui le caractérise, qui rappelait qu'une meilleure performance ne passe pas nécessairement pas de nouvelles idées, mais qu'elle peut simplement résulter d'une plus grande attention portée à l'exécution. Et c'est précisément ce que le système français de sélection des élites, qui ne voit de la noblesse que dans la conception, n'encourage guère. Là aussi, il y a des terrains à reconquérir, avec plus de pragmatisme. Une reconquête qui présenterait également l'avantage de réintroduire plus de proximité sur les lieux de travail, notamment dans les unités de production, entre l'encadrement et les équipes et, partant, d'améliorer la cohésion et de réduire la conflictualité. La persistance d'un syndicalisme d'opposition systématique, c'est aussi le produit d'un management absent ou médiocre.

6.5 - Porter un discours de promotion fort

Il y a eu Mitterrand sur l'Europe, Chirac sur l'environnement - et si Sarkozy était l'homme de la promotion ? Il le porte un peu en lui (voyez ce discours, capté à son insu dans une salle électorale, qu'il avait improvisé sur sa relation ambivalente aux élites - il en est à la fois un leader et un produit atypique) et il peut aussi, là-dessus, porter le verbe haut et l'exemple fort. Cela tombe bien : il nous faut donner un sérieux coup de jeune à notre vieux discours sur l'égalité républicaine, qui ne tient plus guère que dans les manuels d'histoire et les loges maçonniques.

La promotion de la diversité en est un bon exemple. Il y en a d'autres ailleurs - voyez encore Descoing à Sciences-Po, qui réussit à la fois sur le terrain de l'excellence internationale et sur celui de l'espérance dans les quartiers. Je crois à cette communication publique quand elle est portée par une volonté et par un exemple, c'est-à-dire par une relation éprouvée à l'action. De belles et fortes campagnes peuvent d'ailleurs être aussi imaginées sur ce sujet.


Encore une fois, il y a des espaces à ouvrir. C'est possible ? Alors faisons-le, disait en substance l'Institut Montaigne dans sa campagne de communication pré-présidentielle.

D'autres idées ?

On en reparle quand vous voulez. Il me semble qu'il y a là un vrai sujet de passion démocratique et d'engagement personnel. Je rappelle que vous pouvez participer à ces débats à travers ce blog, mais aussi à travers les nombreux forums mis en place sur la plateforme créée par la Commission pour la circonstance.

08/10/2007

De la croissance... (2) Motivation : des raisons de vouloir

La motivation ? Pour un peu, ce serait, dans notre pays, quelque chose comme le triangle des Bermudes du management, du moins quand il voit étroit et joue petit. La fonction publique est à cet égard, dans l'ensemble, dans un état d'arriération consternant - et de bons patrons ou de vrais projets n'y changent, hélas, la donne qu'à la marge.

Mais, fût-ce à un degré forcément moindre, la question de la reconnaissance est aussi chez nous, culturellement, celle de l'entreprise, qui s'en débrouille souvent mal elle aussi, parce qu'elle ne sait guère aller au-delà de la contrainte réglementaire sur des questions comme celle de la diversité, ou du réglage quantitatif quand il s'agit de "social" (plus ou moins d'emploi, de travail ou d'argent). Le sujet excède la question des gains matériels, mais il ne doit pas l'escamoter pour autant, en particulier pour la génération dite "X", celle des 35/45 ans dont parle Lemattre et sa logique de donnant-donnant qu'il faut à la fois accompagner et éduquer.

Vaste sujet. Sans oublier les seniors, ces nouveaux jeunes - les soucis en moins. Voici quelques pistes, pour ouvrir le débat sur ce thème.


2.1 – Accroître la responsabilisation des fonctionnaires

Un système public beaucoup trop hiérarchisé et rigide. Il est déresponsabilisant, en particulier pour les jeunes générations. Plus d’autonomie et de responsabilité, ça marche (cf l’expérience canadienne, avec des regroupements de desks entre diplomatie et commerce par exemple.). A accompagner avec du « reengineering » pour alléger les pyramides et optimiser la gestion financière et RH de l’Etat.

2.2 – Changer de braquet en matière de diversité

Passer de la diversité-contrainte à la diversité-performance. Le sujet commence à se débloquer sur la scène médiatico-politique, mais sauf là où elle s’impose, principalement pour des raisons commerciales, la plupart des entreprises freinent encore. Développer une communication puissante et adaptée (campagne institutionnelle forte, maillage, création de prix visibles, etc) et développer les incitations plutôt que les contraintes. (pm. au plan de la communication institutionnelle, à l’instar de ce qui s’est fait sur la question du handicap, susciter la honte du refus de la diversité peut constituer une approche efficace).

2.3 – Développer une culture de la reconnaissance

La culture managériale française ne sait pas gérer la reconnaissance des individus. Difficulté à séparer les personnes des faits, à donner du feed-back, à exprimer des appréciations factuelles. Un levier de dépassement personnel et d’animation collective tombe, alors qu’il peut être un moteur puissant d’encouragement à l’action et au progrès – et pas nécessairement coûteux : c’est là affaire d’attitude plus que d’argent. Il y a ici une dynamique et un potentiel générationnels à saisir. Mieux intégrer dans les fonctions, des jeunes gens en particulier, la dimension de défis personnels, et les accompagner dans les réalisations. Pour une illustration inverse, voir la culture américaine de la promotion individuelle et de la célébration collective. C'est aussi une culture qui se donne mieux que nous les moyens de ses projets.

2.4 – Revaloriser le travail des seniors

Un gâchis humain et un gaspillage financier considérable. C’est aussi prioritaire que de libérer l’emploi des jeunes. Réflexion à mener en termes de droit social, mais aussi de management des fins de carrière (gestion de projets à défaut d’ascension hiérarchique, reconnaissance des expertises, transmission des savoirs, etc). A 50 ans aujourd'hui, il peut bien encore y avoir une bonne vingtaine d'années d'activité possible, au sens large, pour qui le peut et le souhaite. Quand est-ce qu'on change de siècle ? Et que l'on arrête cette casse imbécile, chère - scandaleuse ? Il n'y va pas que d'humanisme, mais aussi d'efficacité (expérience), de dynamisme (activité) - voyez notre taux d'emploi des plus de 50 ans, au 22e rang des pays de l'OCDE ! -, et de solidarité entre les générations (via le raport actifs / inactifs et le financement des retraites, bien sûr).


J'écris cette note depuis Hong-Kong, où je suis de passage quelques jours entre Sydney et Chicago. Ici, nul besoin de motivation, ou plutôt, c'est le désir et la perspective d'enrichissement qui en fait, pour ainsi dire, exclusivement office dans un monde, il est vrai, qui en termes de croissance s'apparente à une autre planète...

Mais, encore une fois, le sujet peut-il se réduire chez nous à la question du gain, du "gagner plus" sans davantage "d'empowerment" ? N'est-ce pas aussi, comme en politique, que l'empowerment, ou disons la responsabilisation, fait peur aux aînés qui tiennent encore les commandes et ne savent pas passer du rôle de premier violon à celui de chef d'orchestre sans y perdre leur justification, voire leur place ? Notre système de formation ne pêche-t-il pas par une exacerbation évidente du maniement académique des connaissances au détriment de qualités de vision, d'animation et de courage plus personnelles ?

Et vous, vous sentez-vous motivé dans votre travail ? Quels sont les obstacles ? Pourquoi, selon vous, ne libérons-nous pas mieux notre potentiel d'initiatives, d'activité, d'engagement ?

29/09/2007

Débloquer la croissance ? Premières pistes culturelles et managériales (check-list)

Ci-joint une liste de thèmes qui seront évoqués sur ce site dans les prochains jours, puis développés en relation avec la Commission de libération de la croissance et vos contributions, si vous le souhaitez, au cours des prochaines semaines.


1. Education
|des outils pour apprendre

1.1 – Intégrer au lycée un enseignement de psychologie
1.2 – Changer l’enseignement des langues
1.3 – Développer les tutorats intergénérationnels
1.4 – Créer une université de l’innovation et du changement

2. Motivation
|des raisons de vouloir

2.1 – Accroître la responsabilisation des fonctionnaires
2.2 – Changer de braquet en matière de diversité
2.3 – Développer une culture de la reconnaissance
2.4 – Revaloriser le travail des seniors

3. Création
|des clés pour entreprendre

3.1 – Développer tôt le goût du risque et le sens de l’aventure
3.2 – Créer des concours nationaux de développement de projets
3.3 – Encourager l’expatriation à toutes les étapes des carrières
3.4 – Promouvoir la culture des réseaux

4. Coopération
|des espaces pour agir

4.1 – Former les responsables aux méthodologies de changement
4.2 – Rendre plus fluides les échanges privé / public
4.3 – Favoriser le travail en équipe en formation et en activité
4.4 – Mieux structurer les diasporas en matière de veille

5. Communication
|des défis pour mobiliser

5.1 – Développer la confiance au sein des organisations
5.2 – Organiser des conférences de personnalités dans les lycées
5.3 – Lancer les inititiatives citoyennes pour l’environnement
5.4 – Créer une plateforme idées/actions

A suivre.

28/09/2007

Croyances et croissance, déclics et défis

Dans le cadre de la commission de "libération de la croissance" présidée par Jacques Attali à la demande du président de la République, j'ai proposé une première liste de thèmes de réflexion de moyen-long terme dans un document destiné, parmi d'autres, à alimenter la réflexion de la commission, et notamment du groupe de travail sur les mentalités.

Il ne s'agit pas ici de se placer sur un terrain micro-économique ou conjoncturel, et la question qui nous occupe n'est pas, par exemple, de savoir s'il faut ou non déréglementer la profession de chauffeur de taxi. D'autres groupes planchent d'ailleurs sur différents aspects du problème (pouvoir d'achat, compétitivité, secteurs d'avenir...) et c'est bien la diversité de cette réflexion qui fera sa richesse et l'originalité de son approche. C'était bien là, du reste, l'intention de Jacques Attali en faisant appel à des personnalités d'expertise et d'expérience très diverses, allant bien au-delà des approches économiques classiques au sens technique du terme.

Sur un terrain délibérément culturel et managérial, ce sur quoi l'on va travailler ici en fait de «révolution culturelle », c’est à proposer une série de déclics simultanés dans différents domaines, d’enchaînements vertueux comprendre/faire permettant, mis ensemble, de créer des conditions plus favorables à la dynamisation de l'activité et à une création de richesses structurellement plus active.

Une bonne partie de ces idées ont été expérimentées concrètement dans des fonctions et sous des latitudes diverses. Il me semble qu'elles sont, plus encore, en grande partie le produit d'une génération, peut-être celle des "nouvelles élites" de 30/45 ans dont parle Fouks, fatiguée des renoncements des vingt dernières années et décidée à en finir avec le mélange de conservatisme, d'impuissance et de cynisme qui a fini, dans notre pays, par nous tenir le plus souvent lieu de politique.

Des outils pour apprendre (éducation), des raisons de vouloir (motivation), des clés pour entreprendre (création), des espaces pour agir (coopération), des défis pour mobiliser (communication) : voici quelques unes des pistes de réflexions que je développerai avec la commission et sur ce site avec l'objectif d'ouvrir un large dialogue avec vous.