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13/12/2007

Réformes ? 10 règles de communication pour réussir

Pourquoi ne pas commencer par cela ? Depuis plusieurs mois, je participe avec un groupe de travail de l'Institut Montaigne présidé par Jean-Claude Boulet, président d'Harrison & Wolf, à une étude internationale sur le thème : "Communiquer la réforme" qui vise, à travers l'analyse d'une dizaine de pays, à établir une sorte de référence des meilleures pratiques dans ce domaine. Je suis notamment en charge des Etats-Unis, ainsi que du Canada.

Il a paru utile, au début de l'automne, après avoir documenté plusieurs grandes réformes menées à l'étranger, d'identifier une dizaine de points clés en matière de communication susceptibles d'aider à ce qu'une réforme puisse susciter l'adhésion et être adoptée. C'était une façon de bien cadrer l'étude autour du résultat qui aura vocation, dans les tout prochains mois, à être présenté, en peu de mots, à un ensemble de responsables politiques dont il faut espérer qu'ils en attendent moins des recettes miracles qu'un ensemble de prescriptions pragmatiques, le plus souvent de bon sens.

Actuellement à Washington DC pour mener une série d'entretiens avec divers spécialistes américains de la question - experts en communication, conseillers politiques, principaux think tanks -, il ne me paraît pas inutile d'ouvrir cette nouvelle rubrique par ces propositions, forgées tout autant au contact des réalités industrielles et managériales qu'à travers une observation toujours active du champ politique.

Trois grandes exigences me paraissent charpenter l'affaire : porter une vision, partager le changement et, finalement, concrétiser la promesse. Ci-après un premier passage en revue rapide et concis d'une potion qui n'est, à vrai dire, pas plus amère que magique...

Porter une vision

1. Légitimité : porter, au plus haut niveau, une vision stratégique justifiant la réforme au regard de l’intérêt général et explicitant les bénéfices futurs pour les citoyens.

2. Exemplarité : incarner le changement en montrant l’exemple des efforts à fournir au niveau des dirigeants et en frappant les esprits par des symboles percutants.

3. Médiatisation : occuper le terrain des medias, et des outils de communication, autour d’une parole à la fois déterminée et ouverte, cohérente et partagée ; faire appel, le cas échéant, à des personnalités reconnues pour favoriser l’acceptation du changement.

Partager le changement

4. Mobilisation : associer les agents de l’administration à la réflexion sur la réforme pour créer une appropriation et mieux les impliquer dans la mise en œuvre du changement.

5. Concertation : s’assurer d’une consultation permanente et approfondie des principales parties prenantes en vue de créer le plus large consensus possible.

6. Latéralisation : être prêt à faire évoluer la réforme en intégrant au projet initial certaines revendications des acteurs clés pour les faire entrer dans la démarche.

Concrétiser la promesse

7. Organisation : s’appuyer sur une équipe professionnelle créative et réactive, capable de mettre en scène la réforme, tirer parti des conflits et gérer la communication de crise.

8. Animation : faire vivre la dynamique et quadriller le terrain socio-politique par un dispositif serré de réseaux et d’événements bien relié au niveau central.

9. Pragmatisme : être attentif aux critiques et aux difficultés de mises en œuvre en aidant ses alliés à avancer plutôt qu’en focalisant son énergie sur les opposants.

10. Eclairage : rendre compte de l’avancement du projet à travers explications, indicateurs et témoignages en remettant sans cesse la réforme en perspective.


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05/12/2007

L'expatriation est un sport dangereux (1) La carte n'est pas le territoire

"Bravo, c'est courageux" m'avait lancé un dirigeant alors que je le saluais au moment de quitter mon ancien groupe. Et moi, incrédule et conquérant, de lui rappeler en quoi la perspective proche de l'expatriation outre-Atlantique me semblait, dans l'ensemble, plutôt bordée. J'avais certes un projet à concrétiser et des envies à réaliser. Mais enfin, je ne partais pas seul, nous avions quelques réserves et un poste d'accueil pour l'un d'entre nous au moins, dans une compagnie américaine réputée qui avait su nous faire venir dans un lieu : Columbus, qui, au départ, ne nous enthousiasmait pourtant guère.

Aujourd'hui pourtant, je sais bien que le jour où je quitterai cet endroit, ce sera avec la tristesse de laisser derrière moi, à travers un moment rare, les prémices d'une expérience tout à fait singulière et, pour tout dire, un moment de ressourcement propre aux nouveaux départs. America, America ! Cette idée de rebond ou de nouvelle voie qui a généralement partie liée ici, soit avec la richesse, soit avec la jeunesse, soit encore avec l'idéal, est bien sûr fondamentalement américaine - encore que, par son parti pris de rupture sabbatique au cours des premiers mois, mon expérience propre en diffère ici sur un point non négligeable.

Pennac, dans "Chagrin d'école" : "Maléfice du rôle social pour lequel nous avons été instruits et éduqués, et que nous avons joué toute notre vie (...) Otez-nous le rôle, nous ne sommes même plus l'acteur". Ces ruptures, poursuit l'auteur, "évoquent un désarroi assez comparable au tourment de l'adolescent qui, croyant n'avoir aucun avenir, éprouve tant de douleur à durer. Réduits à nous-mêmes, nous nous réduisons à rien. Au point qu'il nous arrive de nous tuer. C'est à tout le moins, conclut-il, une faille dans notre éducation". Ce point, quoique décrit ici dans quelques unes de ses manifestations les plus extrêmes (la retraite, la crise d'adolescence), est essentiel, on le retrouvera plus tard.

Rien, pourtant, ne m'obligeait à partir. Cela faisait quatre ans que, débauché du Quai d'Orsay, où je m'ennuyais, j'étais revenu de Nouvelle-Calédonie où j'avais fait mes classes dans un contexte et d'une façon qu'à tous points de vue - la comparaison avec l'administration diplomatique est cruelle -, je souhaite à bien des jeunes cadres pour la richesse considérable de l'expérience. Je m'étais affirmé, vers 35 ans, l'un des plus jeunes parmi mes collègues au sein des plus grands groupes français, dans des fonctions de dircom qui s'élargissaient souvent, de surcroît, à des rôles RH, avec une maîtrise des interventions médiatiques et une aptitude à la gestion des crises et aux affaires institutionnelles que m'avait permise une expérience dense, riche de ses espaces d'autonomie... et de risque. C'est le propre du métier : ça passe - c'est la voie normale, celle du métier qui parle - ou ça casse - et c'est l'accident, celui du risque qui s'actualise et qui, dans ce métier, se paie cash. Ce pourquoi, soit dit en passant, les clauses dites "parachute" peuvent s'appliquer à cette fonction, dans certains cas, avec une certaine décence.

La culture de la communication progressait au sein du groupe. Les moyens s'étoffaient. Les projets aboutissaient les uns après les autres, ouvrant de nouveaux espaces d'investigation et de conquête : dossiers sensibles toujours, mais aussi campagne d'image, stratégies web, motivation des équipes, missions internationales tous azimuts. Rien donc, n'aurait dû me conduire à partir... Rien, sinon le sentiment croissant, après dix années passées dans ce groupe et à l'approche de la quarantaine, qu'il me fallait profondément renouveler mon corpus intellectuel, professionnel et personnel en me confrontant à quelque chose de neuf qui m'obligeât à me remettre en cause. Et puis, je me sentais aussi en pleine expression de potentiel. Bref, j'avais passé cinq ans dans le Pacifique Sud, j'irais donc en Amérique.

Et Yves Rambaud, l'ancien président du groupe, de résumer il y a peu : "Eh bien, comme ça, vous aurez fait les deux côtés !". Oui, cela est vrai de la géographie : les subtilités claniques et la puissance du process. Mais aussi du domaine d'action : l'intelligence de la politique et la performance (au sens anglo-saxon de faire, de réaliser) du privé. Et même de la formation : les sciences politiques et la littérature, le marketing et l'ethnologie. Ou encore du sport : l'exigence des sports individuels et la discipline des sports collectifs. Ouvrir le spectre et échapper aux cases - voilà la règle, être à la fois engagé et mobile.

L'histoire ne commence pourtant réellement qu'avec les premières difficultés, que le regard panoramique avait sous-estimé sur la carte mais que la réalité eut tôt fait de révéler. Ce qui me semble essentiel ici, avec le recul, c'est la solidité - non pas financière, non pas professionnelle, pas davantage morale, non, mais cette ressource interne, cette sorte de nappe phréatique du caractère dans laquelle il faut bien, de temps à autre, se décider à puiser à tâtons quand les jauges habituelles ne suffisent plus à alimenter la mécanique.

Alors bien sûr, comme dirait Korzybski, la carte n'est pas le territoire : la représentation n'est pas la réalité, le projet n'est pas sa réalisation, le voyage n'est pas le séjour - et il faut sans doute en être averti. Mais, s'il est vrai aussi que rien de grand ne se fait sans passion, à tout le moins sans envie, je crois aussi à la force motrice des représentations ou, pour parler comme les stratèges et les coaches, à l'intérêt de développer une vision propre. Et il me semble là-dessus qu'il faut s'habituer à faire un peu plus confiance à ce que l'on sent.

Quitte à se retrouver seul, au beau milieu de l'Amérique, sans la moindre mélodie d'Ennio Morricone alentour pour signifier que ce serait juste le temps de faire un peu de cinéma.