Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/09/2007

Débloquer la croissance ? Premières pistes culturelles et managériales (check-list)

Ci-joint une liste de thèmes qui seront évoqués sur ce site dans les prochains jours, puis développés en relation avec la Commission de libération de la croissance et vos contributions, si vous le souhaitez, au cours des prochaines semaines.


1. Education
|des outils pour apprendre

1.1 – Intégrer au lycée un enseignement de psychologie
1.2 – Changer l’enseignement des langues
1.3 – Développer les tutorats intergénérationnels
1.4 – Créer une université de l’innovation et du changement

2. Motivation
|des raisons de vouloir

2.1 – Accroître la responsabilisation des fonctionnaires
2.2 – Changer de braquet en matière de diversité
2.3 – Développer une culture de la reconnaissance
2.4 – Revaloriser le travail des seniors

3. Création
|des clés pour entreprendre

3.1 – Développer tôt le goût du risque et le sens de l’aventure
3.2 – Créer des concours nationaux de développement de projets
3.3 – Encourager l’expatriation à toutes les étapes des carrières
3.4 – Promouvoir la culture des réseaux

4. Coopération
|des espaces pour agir

4.1 – Former les responsables aux méthodologies de changement
4.2 – Rendre plus fluides les échanges privé / public
4.3 – Favoriser le travail en équipe en formation et en activité
4.4 – Mieux structurer les diasporas en matière de veille

5. Communication
|des défis pour mobiliser

5.1 – Développer la confiance au sein des organisations
5.2 – Organiser des conférences de personnalités dans les lycées
5.3 – Lancer les inititiatives citoyennes pour l’environnement
5.4 – Créer une plateforme idées/actions

A suivre.

28/09/2007

Croyances et croissance, déclics et défis

Dans le cadre de la commission de "libération de la croissance" présidée par Jacques Attali à la demande du président de la République, j'ai proposé une première liste de thèmes de réflexion de moyen-long terme dans un document destiné, parmi d'autres, à alimenter la réflexion de la commission, et notamment du groupe de travail sur les mentalités.

Il ne s'agit pas ici de se placer sur un terrain micro-économique ou conjoncturel, et la question qui nous occupe n'est pas, par exemple, de savoir s'il faut ou non déréglementer la profession de chauffeur de taxi. D'autres groupes planchent d'ailleurs sur différents aspects du problème (pouvoir d'achat, compétitivité, secteurs d'avenir...) et c'est bien la diversité de cette réflexion qui fera sa richesse et l'originalité de son approche. C'était bien là, du reste, l'intention de Jacques Attali en faisant appel à des personnalités d'expertise et d'expérience très diverses, allant bien au-delà des approches économiques classiques au sens technique du terme.

Sur un terrain délibérément culturel et managérial, ce sur quoi l'on va travailler ici en fait de «révolution culturelle », c’est à proposer une série de déclics simultanés dans différents domaines, d’enchaînements vertueux comprendre/faire permettant, mis ensemble, de créer des conditions plus favorables à la dynamisation de l'activité et à une création de richesses structurellement plus active.

Une bonne partie de ces idées ont été expérimentées concrètement dans des fonctions et sous des latitudes diverses. Il me semble qu'elles sont, plus encore, en grande partie le produit d'une génération, peut-être celle des "nouvelles élites" de 30/45 ans dont parle Fouks, fatiguée des renoncements des vingt dernières années et décidée à en finir avec le mélange de conservatisme, d'impuissance et de cynisme qui a fini, dans notre pays, par nous tenir le plus souvent lieu de politique.

Des outils pour apprendre (éducation), des raisons de vouloir (motivation), des clés pour entreprendre (création), des espaces pour agir (coopération), des défis pour mobiliser (communication) : voici quelques unes des pistes de réflexions que je développerai avec la commission et sur ce site avec l'objectif d'ouvrir un large dialogue avec vous.

15/09/2007

Politique et compagnie (1) Je t'aime, moi non plus

Sur un site principalement consacré à l'entreprise, j'ai consacré de longs développements au marketing politique tel que l'a façonné la dernière campagne présidentielle américaine.

Beaucoup des stratégies et des techniques qui s'y sont déployées ont d'ailleurs, soit dit en passant, une portée qui, dépassant le seul champ de la politique, s'imbriquent avec les évolutions les plus récentes des modes de communication qui, depuis lors, ont littéralement explosé. Outil un temps révolutionnaire d'intervention dans le débat public, le blog a ainsi largement essaimé au sein de la société civile dans son ensemble. Il en va de même pour les outils du marketing relationnel dont les techniques s'affinent chaque jour davantage.

Mais, au-delà de ce débordement vers le champ social, la relation elle-même entre la politique et l'entreprise apparaît en pleine mutation.

Certes, ces deux grands domaines d'action ont longtemps entretenu, sinon aux Etats-Unis, du moins en France, des rapports de méfiance, quand ce n'est pas d'affrontement. A l'exception de libéraux isolés ou de colbertistes convaincus, les politiques n'entendaient souvent pas grand chose aux choses de l'économie et méprisaient ordinairement le monde de l'entreprise. François Mitterrand à sa manière, puis Jacques Chirac qui méprisait tant l'industrie, illustrent assez bien ce phénomène, au plus haut niveau de l'Etat, au long des deux décennies qui viennent de s'achever. La figure électorale du terroir l'emportait alors, et de loin, sur la conquête des nouveaux marchés.

Au-delà du cercle restreint de quelques patrons, catholiques de gauche pour l'essentiel, l'entreprise était, de son côté, réputée ne pas entendre grand chose aux considérations d'intérêt général et à l'infléchissement qu'une apparente meilleure prise en compte de celui-ci aurait dû, dans l'esprit de nombres d'élus, apporter à certaines décisions microéconomiques, qu'il s'agisse d'emploi, d'investissement ou de délocalisation. Encore un effort, Messieurs les entrepreneurs ! semblait se lamenter en choeur une bonne partie de la classe politique pour laquelle le monde semblait un assemblage de cantons.

Mais la réciproque n'était pas moins vraie, et parfois même plus virulente. A l'égard de la politique, les dirigeants d'entreprise hésitaient, le plus souvent, entre la raillerie et le procès. Raillerie des petites cuisines électorales, de terroirs précisément, quand il fallait se battre sur des fronts si lointains, souvent hostiles, et si peu familiers. Procès de décisions, mauvaises, et de rapports, approximatifs, qui ne faisaient guère avancer la cause de l'entreprise, quand ils ne la contrecarraient pas plus franchement. Combien de décisions retardées ou au contraire tronquées pour cause de proximité d'échéances électorales ? On s'en accoutumait mais cela finissait, à la longue, par faire des dégâts ici quand on se développait ailleurs. L'on pouvait certes continuer de monter sur les tonneaux pour haranguer la foule, mais ce n'était plus à l'entrée des usines qui se montaient ailleurs.

A la politique, le monde de l'entreprise reprochait ses décisions à crédit et ses illusions douloureuses - son manque, en clair, de courage et d'intégrité, que permettait la possibilité, au moins temporaire, de s'exonérer des rigueurs de la gestion. Rocard pouvait bien dire : "Quand on cesse de compter, c'est la peine des hommes que l'on cesse de compter", cela ne compta guère et l'on continuait, avec les principes de base des finances publiques aussi bien qu'avec les régles les plus élémentaires du capitalisme, à préférer l'illusion qui paie au courage qui coûte. Là encore, cela finirait bien par se payer - nous y sommes presque.

Pourtant, entre ces deux mondes, les lignes bougent.

01/09/2007

Sondages et convictions : jamais sans ma base (comment on gagne la bataille de l'opinion, 8)

Au-delà du rapport, agressif ou plus respectueux, à l'adversaire, deux stratégies de fond s'affrontèrent dans le scrutin de 2004. Motiver discrètement sa base tout en courtisant activement les électeurs indécis : c'est la voie que choisit Kerry. Le parti démocrate comptait en effet sur les publics qui lui étaient traditionnellement fidèles, en particulier les minorités afro-américaine et hispanique, ainsi que les jeunes, les femmes et les intellectuels. Mais il était aussi possible de tenter une approche nouvelle, en faisant tout le contraire : concentrer ses forces sur sa base en cherchant peu à recruter au-delà. En marketing, cela s'appelle la fidélisation. Et c'est ce qu'entreprit Bush avec succès.

Car les Républicains avaient trouvé la faille chez des groupes qui, s'ils étaient favorables à une aide sociale élargie généralement associée aux Démocrates, ne s'avéraient en réalité pas indifférents à un certain conservatisme social et aux valeurs familiales. La communauté hispanique occupait à présent une place similaire à celle de la minorité noire, soit environ 13 % de la population (35 millions sur 281) ; on estime même qu'elle aura atteint 40 milions d'individus avant 2010. Bush ne s'y était d'ailleurs pas trompé : dès son élection comme gouverneur du Texas en 1998, il s'était montré attentif aux questions de l'immigration et du bilingusime. Le président sortant sut aussi adresser des messages aux femmes sur le terrain des valeurs familiales ("W stands for Women"). Quant au soutien des intellectuels à Kerry, il desservait plutôt l'image de celui-ci, perçue comme élitiste. C'est que, comme pour la gauche française, la composante ouvrière s'était éloignée du parti démocrate, en laissant ainsi la dimension intellectuelle dominer la mouvance progressiste.

Kerry partit ainsi à la conquête de nouveaux groupes d'électeurs. Comme la société américaine est très fortement segmentée, cela oblige à démultiplier les messages vers les différents groupes en question. Aujourd'hui encore, il n'est pas possible de passer à côté d'un stand politique et de chercher à s'y inscrire sans cocher sur le formulaire prévu à cet effet l'une des innombrables cases qui permettent de s'identifier à travers une caractéristique-clé. Le site de Kerry finit ainsi par compter près de 25 rubriques spécifiques pour des groupes tels que les infirmières, les habitants des communautés rurales, les habitants des îles du Pacifique, etc. Dans ce mouvement de conquête, l'identité démocrate finit, du coup, par se dissoudre. Kerry s'efforça de parler davantage de religion, fit bien quelques parties de chasse et tenta de définir une position nuancée sur les armes à feu. "Lorsque vous faites ça, au final vous n'avez rien" souligna Bredesen, un responsable démocrate. C'est la règle de base du marketing : définir ses cibles et s'y tenir. Inversement, vouloir à tout prix plaire à tout le monde finit à ne ressembler à plus grand chose, et à laisser tout le monde sceptique.

Bredesen résuma un jour, lors d'une convention démocrate dans le Sud, le programme républicain : "Une vision traditionnelle de la famille, opposée à l'avortement et au mariage homosexuel, un rôle central de la religion, le soutien du droit à la possession privée d'armes à feu, des impôts peu élevés, une vision combative de la défense des intérêts américains à l'étranger". Aucun des politiques présents ne put relever le défi d'en faire autant pour les Démocrates en trente mots. Comme le résume justement Marie Lora : "Le parti républicain est parfois surnommé le "parti de papa" tandis que le parti démocrate est le "parti de maman". L'un incite à l'action et réprimande, l'autre écoute et console. Pour certains commentateurs, ajoute-t-elle, la campagne de John Kerry fut l'ultime tentative pour travestir maman en papa, et les électeurs ne s'y laissèrent pas prendre". Le problème peut, paraît-il, se poser en sens inverse sous d'autres latitudes. Un positionnement simple et clair consolide sa base. Mieux encore : les Républicains s'appuyèrent sur cette base - les 45 % d'électeurs déjà conquis - pour, de l'intérieur, élargir leur audience en demandant par exemple aux militants d'amener au bureau de vote un parent ou un ami, plutôt que de chercher à conquérir les 10 % d'électeurs les plus distants.

"God bless America" : les références à la religion dans les discours de Bush étaient constantes. Les communautés religieuses si importantes - la religion est aux Etats-Unis un des principaux paramètres du vote - furent tout particulièrement soignées. Certaines congrégations religieuses furent même transformées en "cellules de campagne" et en autant de relais d'information sur le terrain... Kerry était catholique (à l'instar de 23 % de la population), et plus discret sur ses convictions. Si les démocrates étaient parvenus à pénétrer davantage les groupes religieux, cela aurait pu changer le sort de l'élection. C'est précisément là qu'intervint le plan stratégique de Karl Rove : mobiliser les 4 millions de chrétiens évangélistes qui n'avaient pas voté quatre ans plus tôt. Pour ce faire, Rove proposa de coupler dans une dizaine d'états l'élection présidentielle avec un referendum sur le mariage gay, en misant sur le conservatisme des minorités noires et latinos an matière religieuse. Ce fut sans doute l'une des clés de l'élection : sans cela, Kerry aurait sans doute gagné l'Ohio, et le job dans la foulée. Il y eut finalement 100 000 votes d'écart dans cet état, et 16 % des Afro-Américains y votèrent Bush contre 11 % pour l'ensemble du pays.

Jusqu'au dernier moment pourtant, un retournement parut possible. Au cours des débats, grâce au travail qu'il réalisa sur ses points faibles et notamment son manque de concision et de clarté, Kerry prit même l'ascendant sur son adversaire. Mais cela ne se traduisit pas dans les sondages. Ce qui semble fondamental en fin de compte, c'est la capacité du candidat et de son équipe à mettre en musique un discours et à transformer ses faiblesses en atouts, à tout le moins de réussir à les neutraliser. Le marketing joua dans cette affaire un rôle clé. Bush ne s'y trompa pas qui dédia sa victoire au "grand architecte de cette campagne, le génie... Karl Rove". Kerry, à l'inverse, cumula quelques erreurs stratégiques : équipe insuffisamment prête le moment venu, sans vrai conseiller à la barre pour démarrer, une stratégie et un message qui tardèrent à se clarifier, une certaine faiblesse dans le conflit, une sous-estimation de l'adversaire aussi - "They misunderestimated me" avait dit Bush, qui avait de son côté beaucoup travaillé sa communication politique depuis 2000 en incarnant à merveille les valeurs de l'Américain moyen. Les quelques atouts accumulés : fort soutien de groupes indépendants et surtout stratégie percutante sur internet, dans ces conditions, ne changèrent rien à l'affaire.

On peut pourant pousser le paradoxe à son terme. Pour l'expert Joe Klein, "le drame de la campagne de Kerry, c'était qu'elle était bien trop conduite... en fonction des résultats des sondages, ce qui renforça cette impression de "flip-flopper". Ce n'était pas une campagne menée sur de véritables convictions politiques". C'est surtout de son apparente inconsistance que Kerry aura le plus souffert, parce qu'en recherchant à épouser l'opinion dans ses moindres fluctuations, il finit par estomper la lisibilité d'un projet supposé, pour tout candidat à une élection de cette nature, se traduire par des changements clairs dans la vie des gens.

Il reste que les bases de données ont joué et joueront désormais un rôle clé dans le pilotage stratégique des campagnes. "Pendant des années, souligne M. Lora, les ressources vitales d'un parti politique en période d'élection ont été les hommes et l'argent. Désormais et de plus en plus, ce sera l'information et la gestion (ou en langage marketing, la "transformation") de cette information. Ce qui prédit un bel avenir au marketing politique et à ses applications informatiques, que ce soit aux Etats-Unis ou en France". Un rapprochement largement validé par la campagne pour l'élection présidentielle française de 2007, dont la campagne américaine de 2004 constitua bien l'un des creusets conceptuels.