Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/01/2009

Un après-midi à la Bibliothèque Solvay autour de l'ambassadeur Eizenstat (climat, politique et communication)

Je participais dernièrement à un débat autour du changement climatique organisé par le think tank européen Friends of Europe avec le soutien du Nickel Institute. Invité d'honneur, l'ambassadeur Eizenstat, ancien secrétaire adjoint au Trésor et qui mena la délégation américaine au processus de Kyoto, avec notamment Peter Morgen Carl, ancien directeur général de l'environnement de l'Union européenne et conseiller spécial de la présidence française de l'UE.

D'un côté, l'Union européenne, à travers Peter Carl, se félicite de cette sorte de "double miracle" politique qui a vu à la fois le Conseil et le Parlement européens adopter le paquet énergie-climat promis par la présidence Sarkozy dans des conditions qui, si elles mécontentent encore quelques milieux écologistes, font globalement l'objet d'un consensus positif. En aparté, Peter Carl fait part du satisfecit remarquable qui, toutes sensibilités politiques et nationales confondues, conclut au Parlement la fin de la présidence française.

De l'autre côté, l'ambassadeur Eizenstat refroidit un peu les ardeurs européennes. Obama, dit-il en susbtance, et même si le climat est une des marques fortes de sa campagne, aura suffisamment à faire avec la situation économique intérieure. En outre, le calendrier domestique en matière de politique environnementale ne joue pas en faveur du processus de Copenhague, qui vient un peu trop vite dans un timing américain qui à la fois démarre plus tard et vient de plus loin. En outre, comme l'a montré l'échec de la ratification de Kyoto par le Congrès américain, un nouvel accord qui n'intègrerait pas d'une façon ou d'une autre le monde en développement, pour les BRIC pour l'essentiel, paraîtrait extrêmement fragile.

Les besoins des Etats-Unis en matière de d'investissement vert, notamment en matière d'énergie, sont vastes souligne pourtant Eizenstat, l'opinion comprendrait mal un arrêt du processus confesse le professeur Mc Shea - et nous finissons bel et bien par assister, en petit comité, un peu plus tard, à la relance officieuse - et historique - du dialogue euro-américain en matière de climat, mais enfin le calendrier reste extrêmement tendu et la dynamique, dans le meilleur des cas, primera sans doute sur l'objectif.

Pour l'industrie, que je représentais, le débat est l'occasion de casser l'image d'un acteur à la traîne en rappelant à la fois les progrès réels en matière de procédé des industries énergie-intensives - voir pour un exemple européen l'étonnante mine de dernière génération de Talvivaara, en Finlande -, la relation vertueuse existant entre maîtrise de l'énergie et intérêt économique et le rôle essentiel joué par les métaux en matière d'innovation technologique - 7% des brevets américains intègrent par exemple le nickel comme composant clé. Ce métal est aussi un élément stratégique des cinq technologies disponibles identifiées par le Groupe international sur le climat (IPCC) pour apporter des solutions solides à la crise climatique - essor du nucléaire, développement des véhicules propres, croissance des énergies nouvelles, montée en puissance des techniques de capture du carbone, dont Peter Carl a fait d'ailleurs un enjeu technique et commercial de premier plan au cours de ce débat.

Que retenir de tout cela ?

Sur le plan du climat, que 2009 sera une année à la fois décisive et compliquée mais qu'elle peut, malgré les difficultés liées aux contraintes propres des uns et des autres, reposer sur une certaine forme de coopération entre partenaires, y compris l'industrie dans un schéma qui rappelle celui, à la fois volontaire et pragmatique, défendu il y a quelques années par Hubert Reeves dans "Mal de terre" et qui a montré, sur la question des CFC, une efficacité indéniable.

Sur le plan politique, là encore au-delà des vicissitudes du moment, une exceptionnelle conjonction de talents pour ce débat dans un timing on ne peut plus parfait parfait côté européen, en retard mais prometteur côté américain. La Bibliothèque Solvay, à Bruxelles, s'impose à cet égard comme un espace remarquable de débat public et d'émergence de solutions créatives.

Sur le plan de la communication enfin, une avancée significative de l'industrie en termes de positionnement dans ce débat, qui rejoint les efforts récemment fournis par la FEDEM, la Fédération française des métaux, vis-à-vis du ministère français de l'équipement et du développement durable. L'importance aussi, sur un plan à la fois plus technique et stratégique, d'une stratégie de communication à la fois coopérative, intégrée et progressive - mais qui doit aussi, ainsi que le note avec malice un haut responsable européen, savoir défendre clairement ses positions.

Rappel salutaire qui signale assez, dans un monde européen trop souvent marqué par une certaine forme d'angélisme - et sans doute un monde industriel souvent tenté par des stratégies d'évitement - que la coopération n'est pas le contraire du conflit mais son double.

25/11/2008

Un Conseil à Pékin : consensus et transformation

Pour une organisation métallurgique internationale, un conseil d'administration en Chine est forcément un événement marquant en raison aussi bien du potentiel de croissance que du déplacement symbolique qui lui sont associés. C'est encore plus le cas quand, dans une conjoncture médiocre, et qui na pas fini de l'être, le conseil en question avalise une augmentation de plus de 25% du budget de l'Institut pour 2009.

Les exemples existent dans la mode comme dans l'industrie : les justifications stratégiques sont en partie indépendantes des variations du cycle de l'activité dans la mesure où leur fonction touche moins à la variation qu'à l'essence même des activités en question : il s'agit moins, en clair, d'augmenter les ventes dans l'immédiat que de développer les marchés sur le long terme. Cela ne s'accompagne pas moins, fort logiquement, d'exigences accrues en matière de fonctionnement aussi bien que de résultats - rien là que de très habituel.

Ce qui l'est mois est la conciliation de deux approches culturelle, l'une industrielle, l'autre nationale, sensiblement distinctes. D'un côté, dans l'industrie du nickel, une véritable tradition de discussion franche et ouverte qui fait prévaloir l'exigence intellectuelle sur les prévenances de la diplomatie ; de l'autre, une tradition chinoise toujours soucieuse, sauf dans le cas extrême d'un conflit avéré, d'éviter l'affrontement ou le désaccord public au profit d'un réglement amiable, souple, le cas échéant par la bande des différends.

Plus que l'Occident qui opère par déclinaison (par exemple d'une stratégie traduite en plan d'action à travers un cascading que les leaders anglo-saxons adorent autant que les patrons français), la Chine procède par une sorte d'évolution organique, transformant l'existant au fur et à mesure de l'avancée des processus. Ce qui rend dès lors compatible les deux traditions, ce n'est pas la synthèse, mais la juxtaposition. D'un côté, l'Occident exprime une remise en cause stratégique, de l'autre la Chine confirme le potentiel du marché. Si les approches parviennent à se marier, c'est en vertu du mouvement que porte cette coopération émergente.

D'un autre côté, ce rapprochement procède volontiers par contrepied. De même que la rencontre avec l'homme de la rue à Pékin prend totalement à rebours la caricature géo-économique effrayante qu'en forge l'Occident à longueur d'actualité (*), de même la visite d'installations sidérurgiques en Chine, en l'occurence celles de Tisco (l'un des premiers producteurs d'acier au monde avec environ 13 millions de tonnes annuelles) déconcerte par une propreté et une qualité de la protection de l'environnement relativement inattendue dans ce pays qui, s'il vient de se convertir à la notion "d'économie circulaire", n'en affirme pas moins, à juste titre en l'état actuel des choses, le primat du développement économique sur la préservation de l'environnement.

Vitrine ? Sans aucun doute, et ce qui est vrai de l'industrie l'est aussi des grandes infrastructures de prestige du pays - voyez par exemple le nouvel aéroport de Pékin. Mais, tout de même, voilà un écart qui donne à penser, en particulier à l'écart qui separe une réalité en mouvement et des lieux communs que nous ne prenons même plus la peine d'interroger. Ici, du fait certes non seulement de la culture mais aussi du régime, les transformations sont moins bruyantes, mais elles sont à l'oeuvre.

(*) Voir aussi New world, new deal pour une approche plus culturelle.

31/05/2008

De l'industrie en général et de l'industrie du nickel en particulier (rengagez-vous...)

Au terme d'une longue procédure de recrutement qui a commencé en octobre dernier et qui s'est achevée il y a deux mois, j'ai décidé de mettre un terme à mes activités de conseil aux Etats-Unis et de reprendre du service dans l'industrie comme directeur de la communication et des affaires institutionnelles d'une organisation internationale, dont le siège est à Toronto, et qui est en charge de la promotion du nickel au plan mondial dans une perspective de développement durable.

Un ancien dirigeant, venu lui aussi à l'industrie par le service public, m'avait prévenu, et un DRH de ministère avant lui alors que je prenais congé un peu précipitamment des ors de la République : lorsqu'on quitte la fonction publique pour l'industrie, on n'y revient pas. Un autre, plus récemment, m'interpela avec humour : - "Comment, vous êtes sorti de cette branche et vous voudriez y revenir ? ". La réponse, au fond, est assez simple : j'aime cette industrie - j'ai dit ailleurs (et je rappelais encore hier au déjeuner à un camarade de jeu de chez McKinsey) ce que je dois à Eramet, que je retrouve par la même occasion -, les gens, généralement bien, qu'on y rencontre et les défis, le plus souvent compliqués, qu'il faut y relever.

Trois éléments particuliers sont venus, en l'espèce, ajouter à ces considérations générales. En premier lieu, la portée globale de la fonction : d'un point de vue technique, que le poste soit localisé à Toronto, Londres ou Shanghaï n'a guère d'importance. Il est définitivement, non pas seulement international, mais bien global, obligeant en permanence au meilleur ajustement possible entre les orientations et leur mise en oeuvre et à une créativité stratégique à multiples facettes. S'il y avait un doute à ce sujet, le rythme et le mouvement de l'entrée en matière entre l'Amérique du Nord, Londres, Bruxelles et Paris et, bientôt, l'Asie a eu tôt fait de le dissiper.

Second élément : une dimension "affaires publiques", institutionnelles ou gouvernementales, comme on voudra (les formulations varient selon les aires culturelles et les organisations), à l'évidence, non pas exclusive comme on pourrait le penser spontanément, mais à tout le moins prédominante. Partout, un dialogue nourri et responsable, conforme à la vocation de l'Institut, s'impose avec toutes les parties prenantes et notament avec les Pouvoirs publics.

Troisième élément enfin : une portée développement durable intimement mêlée à la partie communication et l'exigence, là-dessus, d'avoir à penser, et à communiquer, au-delà des évidences de l'époque. Prenons la question du CO2 : il faut beaucoup d'énergie pour produire une tonne de nickel. Mais la durée de vie des matériaux en acier inoxydable (qui représente deux tiers des débouchés du nickel) est quasi infinie, non seulement en raison de la robustesse du matériau en lui-même, mais aussi de sa très grande recyclabilité - si bien que, rapportée à son cycle de vie, la contribution du nickel à l'émission globale de carbone devient négligeable (elle l'est d'ailleurs aussi en chiffres absolus comparés à d'autres secteurs)..

A travers une problématique qui mêle des dimensions globales, publiques et environnementales, je découvre ainsi depuis ou trois semaines une équipe internationale de haut niveau, composée d'experts reconnus dans leur domaine, flexible, réactive, mobilisée sur des enjeux complexes et qui, à l'intelligence des situations, associe un sens de l'humour que le caractère multiculturel de l'Institut peut rendre, tantôt désopilante et tantôt périlleuse.

Un seul regret que, dans le champ de la communication, on aurait tort de considérer comme anecdotique : l'expression "c'est nickel !", qui traduit si bien en français l'expression d'une perfection, ne trouve pas d'équivalent dans les autres langues. Mais, d'un point de vue anthropologique, la communication ne commence-t-elle pas toujours avec l'écart que crée la différence ?