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25/11/2008

Un Conseil à Pékin : consensus et transformation

Pour une organisation métallurgique internationale, un conseil d'administration en Chine est forcément un événement marquant en raison aussi bien du potentiel de croissance que du déplacement symbolique qui lui sont associés. C'est encore plus le cas quand, dans une conjoncture médiocre, et qui na pas fini de l'être, le conseil en question avalise une augmentation de plus de 25% du budget de l'Institut pour 2009.

Les exemples existent dans la mode comme dans l'industrie : les justifications stratégiques sont en partie indépendantes des variations du cycle de l'activité dans la mesure où leur fonction touche moins à la variation qu'à l'essence même des activités en question : il s'agit moins, en clair, d'augmenter les ventes dans l'immédiat que de développer les marchés sur le long terme. Cela ne s'accompagne pas moins, fort logiquement, d'exigences accrues en matière de fonctionnement aussi bien que de résultats - rien là que de très habituel.

Ce qui l'est mois est la conciliation de deux approches culturelle, l'une industrielle, l'autre nationale, sensiblement distinctes. D'un côté, dans l'industrie du nickel, une véritable tradition de discussion franche et ouverte qui fait prévaloir l'exigence intellectuelle sur les prévenances de la diplomatie ; de l'autre, une tradition chinoise toujours soucieuse, sauf dans le cas extrême d'un conflit avéré, d'éviter l'affrontement ou le désaccord public au profit d'un réglement amiable, souple, le cas échéant par la bande des différends.

Plus que l'Occident qui opère par déclinaison (par exemple d'une stratégie traduite en plan d'action à travers un cascading que les leaders anglo-saxons adorent autant que les patrons français), la Chine procède par une sorte d'évolution organique, transformant l'existant au fur et à mesure de l'avancée des processus. Ce qui rend dès lors compatible les deux traditions, ce n'est pas la synthèse, mais la juxtaposition. D'un côté, l'Occident exprime une remise en cause stratégique, de l'autre la Chine confirme le potentiel du marché. Si les approches parviennent à se marier, c'est en vertu du mouvement que porte cette coopération émergente.

D'un autre côté, ce rapprochement procède volontiers par contrepied. De même que la rencontre avec l'homme de la rue à Pékin prend totalement à rebours la caricature géo-économique effrayante qu'en forge l'Occident à longueur d'actualité (*), de même la visite d'installations sidérurgiques en Chine, en l'occurence celles de Tisco (l'un des premiers producteurs d'acier au monde avec environ 13 millions de tonnes annuelles) déconcerte par une propreté et une qualité de la protection de l'environnement relativement inattendue dans ce pays qui, s'il vient de se convertir à la notion "d'économie circulaire", n'en affirme pas moins, à juste titre en l'état actuel des choses, le primat du développement économique sur la préservation de l'environnement.

Vitrine ? Sans aucun doute, et ce qui est vrai de l'industrie l'est aussi des grandes infrastructures de prestige du pays - voyez par exemple le nouvel aéroport de Pékin. Mais, tout de même, voilà un écart qui donne à penser, en particulier à l'écart qui separe une réalité en mouvement et des lieux communs que nous ne prenons même plus la peine d'interroger. Ici, du fait certes non seulement de la culture mais aussi du régime, les transformations sont moins bruyantes, mais elles sont à l'oeuvre.

(*) Voir aussi New world, new deal pour une approche plus culturelle.

09/11/2008

Leadership, organisation, résultats (l'analyse inachevée de Brent Colburn sur la victoire d'Obama)

"Why did we win or why did we lose?" s'intitulait le programme, fixé avant le résultat de l'élection, de cette rencontre informelle avec Brent Colburn, conseiller pour la campagne d'Obama en Virginie. Après quarante ans d'un soutien constant apporté au camp républicain, "l'Etat du Sud le plus au Nord" s'est tranformé en Etat du Nord le plus sudiste: la Virginie a en effet voté le 4 novembre à 50,9% en faveur de Barack Obama. Une meilleure anticipation, des QG plus nombreux et une meilleure compréhension par le camp démocrate des mouvements démographiques (rajeunissement de la population, afflux d'immigrants en provenance d'Asie et d'Amérique du Sud, souvent d'opinion plus libérale) à l'oeuvre dans cet Etat ont fait in fine la différence.

De fait, Colburn insiste beaucoup dans son analyse sur le facteur organisation et, en particulier, le lien qu'a su établir l'équipe Obama entre cette organisation de terrain et internet. Côté terrain, cela a permis notamment de faire progresser de façon décisive l'inscription sur les listes électorales ("registration vote"), un facteur clé lorsque l'on sait que le taux de participation aux élections aux Etats-Unis est traditionnellement faible, en particulier au sein des minorités et parmi les jeunes électeurs. Côté internet et, plus largement, nouvelles technologies, un succès remarquable a résidé dans la capacité à faire coller la collecte de fond au tempo de l'actualité.

"Organisation, technologie, organisation !" répètent donc à l'envi les commentateurs. Aussi puissante pourtant qu'ait été l'organisation démocrate, on ne peut s'empêcher de penser que ce qui a fait son succès s'explique mieux au travers d'une trilogie plus vaste qui permet de mieux saisir l'efficacité sous le nombre et la dynamique au-delà des forces en présence.

L'organisation, dans ce cas, n'est en effet pas possible sans l'inspiration qui permet de lancer la dynamique. Obama n'a pas commencé avec des bataillons de supporters et des millions de dollars en Iowa, mais avec une vraie stratégie et une bande de types convaincus qu'un succès dans ce premier caucus pouvait ouvrir une percée et mener sur le voie du fameux "momentum". Et c'est en quoi Marc Penn, CEO de Burson-Marsteller et ex-conseiller de Bill puis d'Hillary Clinton, se trompe lorsqu'il n'aborde la question du vote jeune qu'au travers d'une analyse purement quantitative, en rappelant que Bill Clinton avait obtenu les voix d'autant de jeunes gens qu'Obama (soit 63% de leurs suffrages).

Match nul aux points, soit. Mais à l'engagement, à l'énergie, à la mobilisation, au combat, qui fait passer du militantisme ordinaire à la société agissante à travers la responsabilisation et l'autonomisation ("empowerment") des gens - bref, qui fait changer simultanément de siècle et de planète ?

Donc, sans la capacité essentielle du leader à inspirer, et à inspirer puissamment, pas d'organisation - pas d'organisation à ce point engagée et sur-performante. L'autre élément de la trilogie, c'est d'ailleurs la focalisation sur le résultat, ou plutôt le lien affirmé entre l'action et le résultat - un lien puissant parce qu'il permet au plus modeste des acteurs de vérifier concrètement la capacité de l'idéal - "changer le monde", la conclusion du dernier discours électoral d'Obama - à s'incarner dans la réalité.

Un exemple ? Lorsque la convention républicaine a cherché, juste après Denver, à annuler le succès rencontré par la convention démocrate, un mailing personnel de David Plouffe, le directeur de la campagne d'Obama, sur le thème : "Eh les gars, je suis devant mon écran, vous voyez ce que je vois, les Républicains essaient de détruire ce que nous essayons de bâtir, il faut vraiment amplifier notre mobilisation pour les contrer" a permis, rien que dans la nuit qui a suivi, de recueillir dix millions de dollars (soit, de mémoire, pour donner un ordre de grandeur, la moitié environ des dépenses qu'ont engagé à eux deux Sarkozy et Royal en 2007 pendant plusieurs mois de campagne) et, au total, 660 millions de dollars dont 88% avec internet.

Ce qui permet de saisir l'ampleur du succès de la machine Obama, ce n'est donc pas l'organisation en elle-même, mais une trilogie inspiration-organisation-concrétisation, ou pour dire les choses autrement, leadership-organisation-résultat essentielle pour renouveler notre approche des dynamiques de changement.