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22/06/2007

Coopération, réciprocité, pardon (les risques du métier)

A la fin des années 70, un mathématicien, Robert Axelrod, organisa une sorte de tournoi de logiciels de comportement, les programmes mis au point devant être équipés de la capacité de communiquer pour entrer en relation avec les autres. Chaque logiciel fut conçu avec des règles différentes, plus ou moins nombreuses, plus ou moins agressives - le but du jeu étant, dans ce jeu de relations, d'accumuler le plus de points possibles.

Toute la gamme des comportements était représentée dans cette arène moderne : certaines stratégies étaient très prédatrices, d'autres cultivaient une collaboration apparente pour mieux trahir par la suite ; d'autres comportements encore, plus solitaires, privilégiaient la débrouillardise, etc. Chaque programme fut opposé deux cents fois à tous les autres pour tenter de déterminer le programme qui émergerait de cette confrontation d'un genre nouveau.

Au début, les logiciels agressifs prirent le dessus, et de façon très nette. Au fur et à mesure de l'expérience pourtant, après une première période très rude face aux programmes les plus agressifs, c'est le logiciel mis au point par Anatol Rapaport qui commença d'émerger, puis s'imposa comme le logiciel vainqueur, moins par destruction des autres que par une sorte d'effet de contagion au fur et à mesure que les autres logiciels intégraient le fait qu'il s'avérait le plus performant.

Le logiciel de Rapaport était conçu sur la base de trois règles simples : toujours coopérer a priori ; continuer la coopération si elle est partagée par l'autre, mais réagir au même niveau en cas d'agression si, au contraire, l'autre ne joue pas le jeu ; enfin, empêcher toute escalade par la capacité à remettre en quelque sorte les pendules à l'heure en proposant, de nouveau, des règles de coopération se basant sur les leçons de l'expérience malheureuse de l'affrontement.

Coopération, réciprocité et pardon (modèle CRP) : cette théorie fait figure aujourd'hui encore de "modèle" de comportement d'une insolente simplicité, à l'heure d'un certain pan-psychologisme ; elle a, à tout le moins, le mérite de proposer une réconciliation opératoire de la morale et de l'efficacité. Elle constitue un modèle intéressant, capable de produire sa propre auto-régulation, en particulier pour tous ceux qui, dans l'entreprise ou la vie sociale, ont pour fonction de créer du lien ou d'ouvrir des espaces de créativité collective, et qui considèrent que cela ne doit pas être fait à n'importe quel prix, en privilégiant l'auto-régulation sur la demande d'arbitrage.

Le modèle est en revanche beaucoup moins adapté pour faire face à des jeux psychologiques plus complexes, qu'il parvient tout au plus à neutraliser. Ce n'est pas sa fonction, et c'est très bien ainsi : s'il constitue en quelque sorte un modèle de gestion du "risque relationnel" sur un plan socio-managérial, il ne saurait, en revanche, permettre de "faire l'économie" du risque inhérent à toute rencontre, sur un plan plus personnel.