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05/12/2010

Dircom, un métier qui se transforme (3) La passion de résoudre (de l'inspiration à l'ingénierie)

On ne le dira jamais assez : prendre un job, c'est offrir de résoudre efficacement un certain nombre de problèmes dans son domaine de compétences. Cette approche fait d'ailleurs plus largement une différence croissante, en termes de leadership, entre ceux qui remontent les problèmes et ceux qui proposent des solutions.

Or la communication au sens large est un domaine qui laisse souvent le management démuni ou sceptique. L'exposition personnelle peut y être forte - la technique s'y efface devant l'engagement - et c'est aussi une matière dans laquelle l'émotionnel ou l'irrationnel ont la part belle, ce qui n'est pas a priori le domaine d'expression naturel de l'ingénieur ou du scientifique.

Il faut avoir côtoyé des responsables qui ont eu une expérience négative marquante avec les médias pour prendre la mesure de cette réticence qui peut du coup tourner à l'aversion. Dans certains cas, cette mauvaise expérience n'est qu'un prétexte : on s'est tellement evertué à vouloir imposer au cadre de l'interview son style et ses règles que le résultat ne constitue guère une surprise. Dans d'autres, elle reflète une défiance sincère issue d'une expérience malheureuse qui peut fort bien, s'agissant d'un domaine par définition visible et impliquant au plan personnel, s'accompagner d'une véritable blessure psychologique.

Dans ce contexte, le dircom a deux missions essentielles : convaincre que la communication peut être, non un champ de mines anti-personnel, mais un levier collectif puissant pour résoudre un certain nombre de problèmes ; mettre en place les dispositifs qui vont permettre de trouver la meilleure adéquation possible entre un problème et un ensemble de solutions.

De ce point de vue, le dircom est un sherpa au double sens du stratège, du conseiller et de l'homme de terrain, du guide au sens concret et parfois escarpé que donne à ce terme l'avant-guarde des équipées en montagne.

Stratège, cela fait belle lurette qu'il a appris à se concentrer sur le problème plus que sur l'outil. Il y a même un certain nombre de situations où la meilleure position consiste à recommander... de ne rien faire ! C'est le cas par exemple d'une crise médiatique puissamment irrationnelle et dépassant l'objet de l'entreprise, dans laquelle il s'agit moins d'entrer que de sortir, qu'il s'agit moins d'alimenter que de faire dévier. Ce n'est pas qu'il s'agit alors de ne rien faire à proprement parler, il s'agit seulement d'envisager et de traiter le problème différemment en se basant sur une analyse stratégique attentive du contexte et en utilisant le rapport des forces en présence. Dans le même registre, il faut aussi parfois mettre un frein aux vélleités de nouveautés totalement déconnectées des besoins et du terrain. Je me souviens ainsi avoir stoppé net sur un site un projet d'intranet d'autant plus fumeux qu'il y avait un besoin criant de présence managériale sur un terrain laissé en déshérence.

Guide, il sait aussi mettre les mains dans le cambouis quand c'est nécessaire. J'ai raconté ailleurs dans quelles circonstances j'ai été amené, quelques mois après avoir pris mon premier job de dircom, à repeindre en pleine nuit une série d'insultes adressées à la direction générale la veille d'une visite du président sur le site... Tandis que le DRH tenait l'échelle, j'effaçais au pinceau les séquelles d'un malentendu persistant. Un collègue dircom disait lors d'un atelier récent : "Mon métier consiste à organiser la convergence des signes". Force est de constater que la peinture d'art est un volet encore trop méconnu de cette noble vocation.

Autre exemple, heureusement moins caricatural celui-là. On lance une démarche de changement d'ampleur et un comité d'ingénieurs exige une plaquette sur le sujet pour convaincre les foules du bien-fondé de ses vues. C'est un travers d'ingénieur précisément, lié à une fascination pour les objets : n'existe que ce qui est tangible. Et il faudra batailler un peu pour promouvoir une autre approche, plus complexe, plus "politique" mais aussi plus efficace de l'ingénierie à mettre en place, dans laquelle les supports de communication auront un rôle d'accompagnement plus que d'amorçage.

"Combien d'exemplaires distribués ?" demande l'ingénieur. "Combien de convaincus prêts à agir ?" lui répond le dircom. Car si le changement doit en effet se traduire progressivement à travers toute une série de signes visuels - et davantage à travers de premières réalisations que des déclarations d'intention -, jamais en ce domaine une plaquette, aussi bien faite soit-elle, ne pourra se substituer au contact direct entre les dirigeants et les équipes pour engager un véritable dialogue aussi bien sur la nécessité du changement et la vision qui le supporte que les actions à mettre en oeuvre et les résultats que l'on en attend - bref, pour créer les conditions d'une véritable adhésion.

La capacité à tester des solutions, à passer du concept à l'outil et de l'effet à la mesure est finalement un cheminement sur lequel l'ingénieur et le communicant - qui représentent sans doute les deux logiques les plus opposées dans l'entreprise - peuvent se rejoindre. Lorsque l'on passe des laboratoires à l'industrie, sciences humaines et sciences dures se retrouvent après tout à la même enseigne. Personne n'a de recette miracle et il y a en effet dans les deux fonctions, au meilleur sens du terme, une science du réel, un art du bricolage, de l'expérimentation et de l'adaptation - technique pour l'un, politique pour l'autre - qui, pour un niveau de maîtrise donné, peuvent se faire écho, le résultat obtenu faisant l'arbitrage. Les meilleurs ingénieurs savent bien que l'on ne fait rien de bien sans adhésion, et les communicants les plus redoutables, sous l'inspiration, n'oublient jamais l'ingénierie. Il y aurait ici en somme une commune esthétique de l'efficacité.

Résoudre, c'est donc faire - les ennuis en sus. Plus spécifiquement, dans le domaine de la communication, résoudre, c'est parfois déminer ; mais c'est le plus souvent ressouder ce qui a été disjoint, recoller ce qui a été déchiré, assembler ce qui a été séparé. De la passion comme moteur, on passe ainsi très sûrement à la relation comme territoire.

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