25/03/2009
Toronto, Londres, Bruxelles, New York (2) La mixité et le mouvement
Au Stone Manor, le manoir du Worcestershire qui nous accueille, un décor un peu frustre de monastère (des pannes d'eau froide, d'eau chaude, d'électricité puis une alerte incendie pour finir l'attesteront durant ce séjour) se marie harmonieusement avec le confort cossu d'un vieux manoir anglais. C'est un endroit parfait pour s'isoler un peu du tournis des affaires (même si l'on n'évite jamais tout à fait l'interférence de quelques affaire urgente à l'autre bout du monde) et passer un moment ensemble. Un jour de présentations, un jour de "team building". Je n'ai jamais beaucoup crû à l'efficacité de présentations en enfilade : généralement, les dirigeants pensent retour sur investissement quand les équipes veulent passer un peu de temps ensemble.
Pourtant ici, au-delà de la densité intellectuelle propre à un exercice qui mêle stratégie, affaires publiques, questions scientifiques et développement des marchés, nous parvenons non pas simplement à accumuler de la connaissance (Raleigh et Bruxelles figurent parmi les centres majeurs de talents, ce qui n'est pas le cas de Paris, se désespérait récemment DSK (voir "Un dîner à NY autour de Strauss-Kahn : la crise, le monde, l'éducation" sur New world, new deal) mais à faire connaissance. A nouer quelque chose qui, au-delà de l'information, crée du mouvement, développe un sentiment d'appartenance à une entité commune et suscite un élan collectif vers un changement, que nous menons d'ailleurs à grands pas.
Il faut dire que l'équipe, une quarantaine d'experts, réunit une quinzaine de nationalités : chinois, indiens, britanniques, russes, argentins, américains, italiens, belges, australiens, français, etc. Le premier capital de cette bande, c'est l'intelligence collective. Onesta le disait clairement, la veille de la victoire de l'équipe de France aux championnats du monde de handball, en Croatie : " Nous nous sommes construits avec des gens ayant des profils très différents, avec des origines assez différentes, avec des jeux très différents et donc des cultures du sport très différentes, expliquait-il (...) Souvent, cette mixité nous permet de sortir de difficultés : on ne peut que s'en féliciter aujourd'hui." Ce qui compte, en clair, ce n'est pas la collection des talents, c'est leur combinaison; ce n'est pas l'affirmation d'un point de vue en soi, c'est sa contribution à la réflexion collective.
Le lendemain, un exercice de team building permet à la fois de définir un contrat collectif et de solliciter les membres de l'équipe dans ce qui fait la spécificité tout à la fois de leur rôle et de leur tempérament. A ce genre d'exercice, la culture latine pense généralement manipulation quand l'anglo-saxonne pense mouvement; les délices (un peu stériles) de l'ironie opposées, en somme, aux vertus (un peu caricaturales) de l'action. La synthèse, dynamique et flexible, s'insère dans le mouvement en pariant sur sa capacité à l'adapter aux circonstances. A l'avantage du mouvement répond le potentiel de la mixité : sans que nous en prenions conscience, elle signe peut-être l'apport de la Chine à cette manoeuvre occidentale.
16:35 Publié dans Communication, Leadership | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : management, équipe, strauss-kahn
Commentaires
Olivier,
Très joli exercice de style sur la mixité et belle plongée dans l’univers de la haute réflexion technocratique mondialisée. Le fond mérite aussi quelques commentaires.
1/ D’abord, le lieu. Ainsi, c’était un manoir à l’ancienne, sans doute l’ex-résidence de Baden-Powell. On s’éclaire à la chandelle, pas d’eau, d’électricité, un chauffage à l’anglaise, virtuel et un petit incendie pour se réchauffer, la résistance a des limites. Du vrai scoutisme. Imaginons la même situation dans un petit château des bords de Loire. Quelle incurie, quelle négligence, quelle pagaille, quelle paresse ces français ! Le pire c’est que dans leurs hôpitaux (anglais) c’est encore pire ?
2/ L’ambiance. J’ai eu l’impression, à la lecture, d’être dans le livre de A. Bello et d’assister à une réunion de brainstorming des cadres supérieurs du CFR (comité de falsificateurs) où l’on débattrait de « comment maintenir le moral de la population – et des troupes – face à la crise, à l’effondrement des prix de matières premières, à la fermeture des mines, à la fonte des actifs, à la réduction des coûts et des emplois etc. ». Apparemment le moral résiste, l’optimisme règne et les solutions ont été trouvées.
3/ Bel hommage à l’esprit d’entreprise des anglo-saxons. DSK a raison, depuis son départ de Paris, rien ne va plus. Il nous manque, le gros homme. Mais il va prendre de la graine à N.Y. Ah, ces anglo-saxons, cette intelligence supérieure, une imagination et aussi du réalisme. Toujours les bons choix et que des actions vertueuses.
Pour moi c’est l’exemple à ne pas suivre, mais ce n’est qu’une opinion sans valeur, purement subjective, étayée par rien.
Où trouverait-on un peuple si réactif, non conformiste, non résigné, admirable de vigueur, défilant, protestant, obligeant ses dirigeants à corriger le système qui les conduit à leur perte.
Ah, j’oubliais le messie, Obama. Il se prépare à faire des miracles. On les attend. Lui aussi.
4/ Enfin, secret défense, sans doute, mais, le résultat de cette réflexion collective, quel est-il ? Où est la conclusion de tant de talents exceptionnels sur la situation actuelle ? Quelle recette a été trouvée pour sauver les meubles, les fauteuils et ceux qui sont assis dessus ?
Il faut excuser ma curiosité et une petite ironie, l’arrivée des pollens me monte au cerveau.
Sans rancune.
Écrit par : Daniel | 01/04/2009
Daniel,
Bien content de vous retrouver, je commencais a m'ennuyer un peu par ici. Et puis, si je me sens bien en Amerique, je garde le gout immodere que nous avons d'instinct pour les discussions qui menent Dieu sait ou et, le plus souvent, nulle part. C'est que la communication, me rappelaient recemment chacun a leur maniere une collegue et un ami, est d'abord affaire de civilisation.
Que vous dire sinon la-dessus publiquement ? Pas grand chose, et c'est bien la une partie de la difficulte de l'exercice. Il s'agit tout de meme moins de refaire le monde que de permettre a une industrie, qui apporte des choses utiles y compris a un certain nombre de defis contemporains, de developper ses activites.
Il s'agit surtout de le faire en equipe, avec des gens que je crois de valeur - et que je n'ai jamais limite ici aux Anglo-saxons (c'est encore votre anti-americanisme primaire qui vous joue des tours) -, dans un milieu multiculturel passionnant, aux cotes d'une industrie elle aussi marquee de l'empreinte de cultures et de temperaments forts.
Par les temps qui courent - le sentez-vous ou en etes-vous plus ou moins proteges ? - , tout le monde est a la manoeuvre sur le pont, s'efforcant de naviguer tant bien que mal au milieu de la tempete.
L'industrie du nickel est une industrie dure, aux cycles tres marques, qui exige simultanement de developper des visions de long terme et de s'adapter rapidement.
En somme, le manoir anglais en serait une sorte de metaphore - moi, cette austerite me va bien, un peu a l'image de la vieille demeure victorienne de Gloucester ou j'ai desormais atterri a Toronto la plupart des jours de semaine.
Il est vrai que l'on aurait brocarde la France pour moins. Il est non mois vrai que la mefiance paysanne et administrative de notre pays ne va pas sans quelques pesanteurs frustrantes. Comme s'il fallait nous proteger de tout, tout le temps et en toute chose.
Oh, ce n'est pas que nous manquons de souffle ou de vision ; mais nous avons un rapport a l'action defaillant, pour ne pas dire rachitique - et c'est en quoi l'optimisme, l'enthousiasme, le volontarisme, le pragmatisme, la resilience-meme, de nos amis americains nous seraient utiles.
"L'intelligence superieure" comme vous dites, nous en avons notre part ; mais l'esprit critique et ses delices nous paralysent plus souvent qu'ils ne nous entrainent.
Vous prenez quelque chose, tout de meme, contre vos montees de pollen ?
Olivier
PS : Ceci encore, qui n'a aucun rapport. je n'ai pas oublie notre conversation, ou je devrais dire, votre propos sur le roman. Merci.
Écrit par : Olivier | 03/04/2009
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