26/02/2008
Pistes américaines pour une réforme de l'éducation (2) Les clés du succès
Une approche pragmatique
Dans l’ensemble, la réforme a permis d’enregistrer de meilleures performances scolaires. Certes, les résultats varient selon les Etats. Au Texas ou en Caroline, Etats qui ont mis en place des politiques de responsabilisation fortes, les progrès tant dans l’efficacité que dans l’égalité entre groupes ethniques ont été remarquables. En Floride en revanche, ils ont été beaucoup moins évidents, de même que dans le Missouri où l’amélioration des résultats enregistrés s’est accompagnée d’une… baisse des standards fixés par cet Etat pour les tests. Plus globalement, on constate que plus les politiques d’accountability sont fortes, plus le niveau des élèves progresse, et cela au sein de tous les groupes ethniques.
Les acteurs de terrain sont certes souvent réticents ; et presque la moitié des directeurs d’établissements scolaires estiment que la loi est dirigée contre l’enseignement public. Les enseignants ne réagissent pas toujours positivement à la perte de l’autonomie assez large dont ils bénéficiaient précédemment ; mais ils critiquent moins le principe de leur responsabilisation (« Si la société veut que nous enseignions les fondamentaux et que nous rendions des comptes, nous devons le faire, c’est notre boulot » confie ainsi une enseignante d’une middle school) que le fait que l’évaluation soit basée, de façon automatique et exclusive, sur des test écrits. Par ailleurs, certains universitaires comme Steven D. Levitt (« Freakonomics ») ont mis à jour les pratiques de tricheries que suscitent ce type d’évaluation, de fait fortement contraignante pour les enseignants.
De quelques ingrédients de base
Réforme difficile parce qu’elle s’est attaquée aux comportements et à leur évaluation, « No Child Left Behind » illustre quelques uns des ingrédients essentiels qui concourent au succès d’une réforme. La loi s’est d’abord appuyée sur une prise de conscience ancienne de la situation – qui plus est dramatisée à travers un rapport qui fit date vis-à-vis de l’opinion. Cette prise de conscience a été le point de départ de mesures d’évolution qui ont, petit à petit, acclimaté la mise en place de politiques de responsabilisation. Il faut rappeler qu’elle s’inscrit également dans un contexte de grande ouverture culturelle au changement ainsi que d’attention pratique à ce qui marche ; elle a pu bénéficier, dans le même registre, d’une culture de l’évaluation largement admise au sein de la société américaine.
Il est clair enfin – on le voit a contrario à travers le climat politique d’affrontement qui prévaut aujourd’hui au Congrès et bloque toute réforme d’envergure (immigration, aide à l’enfance, etc) – que le consensus politique qui traverse l’enchaînement politique : constat, communication, élaboration et vote, joue un rôle essentiel dans le succès d’une telle réforme. Et cela d’autant plus que, sous réserve que les politiques mises en place donnent plutôt satisfaction, l’évaluation en est abordée non pas dans une approche idéologique de remise en cause mais à travers une logique pragmatique d’amélioration.
De fait, et en dépit d’un large mouvement de différents groupes associatifs en faveur d’une refonte de la réforme, la reconduction de celle-ci a été recommandée, avec des suggestions d’amélioration, par une commission bipartisane ad hoc du Aspen Institute en février 2007. Il est sûr que, d’une part pour contrôler les mécontentements, et d’autre part pour assurer la poursuite de la réforme, l’approche bipartisane aura beaucoup fait tant en amont qu’en aval de la réforme pour assurer son succès.
Si, dans le champ politique de la réforme, et au-delà des techniques médiatiques, la communication publique désigne l’ensemble des ressorts socio-culturels et politico-institutionnels sur lesquels peut s’appuyer la mise en œuvre d’une réforme, "No Child Left Behind" concentre alors en effet, de façon organique, quelques uns des éléments fondamentaux d’une communication de changement réussie.
23:38 Publié dans Institut Montaigne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, réforme, éducation, Etats-Unis, communication
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