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16/06/2007

Changer, pour quoi faire ? Le marketing interne contre la vengeance démocratique

Rien de plus éloigné, en apparence, que les fonctions marketing et ressources humaines au sein de l'entreprise. Par quel miracle pourtant pourrait-on se dispenser d'une connaissance fine des attentes internes au moment de lancer des changements d'ampleur quand celles du consommateur font l'objet de toutes les attentions à l'heure du lancement de nouveaux produits ?

Si la règle n°1 du marketing est de connaître son client, force est de constater que peu de temps et d'énergie sont investis dans cette connaissance fine des cibles d'un projet de changement. A quoi bon ? Il suffirait ainsi de s'en remettre à la précarité du contrat de travail aux Etats-Unis ou à l'exercice imposé de la concertation sociale en France pour satisfaire à ses obligations en la matière, selon un minimalisme de moyens qui suffirait à établir la rationalité de ses buts.

Prenant ce parti, on mésestime pourtant la capacité de résistance, explicite ou implicite, du corps social de l'entreprise. Qui n'a expérimenté cette sorte de vengeance démocratique ? Une telle résistance peut vite se charger de transformer un projet conquérant en piteux échec. Si les équipes n'achètent pas le projet parce que celui-ci ne leur donne aucune raison de le faire, comment, hors les cas-limites de licenciements massifs ou de fermetures de sites, espérer réaliser les gains affichés ?

Autre règle d'or du marketing : segmenter la clientèle en cibles spécifiques parce que les groupes différents ont des besoins différents et qu'une approche uniforme échouerait à tirer tout le parti possible d'un nouveau produit à travers des déclinaisons adaptées. Il en va de même des projets de changement : si un socle de référence commun est nécessaire pour donner sa cohérence voire son équité au projet, comment imaginer le vendre de la même manière à la diversité des groupes - de métiers, de statuts, de générations, de cultures, d'histoires - qui composent l'entreprise ?

Dans le cas d'une réforme d'ampleur dans un hôpital américain, Stacy Aaron, partner chez LLC, identifie ainsi ainsi une vingtaine de groupes susceptibles de faire l'objet de stratégies de communication distinctes - ce qui ne va pas sans la mise en place d'une véritable ingénierie sociale du changement.

Un autre précepte de l'approche marketing consiste à rechercher le moyen de satisfaire les besoins non encore satisfaits de ses clients. C'est là sans doute, au plan conceptuel, la part la plus délicate du management du changement. Comment en effet transformer des objectifs business en quelque chose qui, identifié comme un besoin par les employés, puisse du coup susciter engagement et attention de leur part ?

La configuration la plus favorable est certes donnée dans ce domaine par les cas de crise grave ou de problématique de survie : le point important n'est pas alors qu'elles ne laissent objectivement guère le choix - dans les cultures marquées par la faiblesse du compromis social et de la culture économique, cette situation peut toujours se trouver contestée au plan sinon des faits, du moins de l'idéologie, et mener à pire issue - mais qu'elles fournissent de puissantes justifications collectives, de raisons pour le corps social d'acheter le projet, et de s'y engager.

Après de nombreuses difficultés et divers tâtonnements stratégiques, la construction au Canada de la réforme publique s'est ainsi appuyée, ces dernières années, sur une dialectique citoyenne assimilant la croissance de l'endettement public à une perte effective de souveraineté ; le sujet, au départ financier, devenait une affaire d'Etat et, plus encore, un problème civique.

Cet exemple dit assez combien l'intérêt général de la collectivité, que celle-ci soit publique ou privée, doit être sollicité à l'origine de tout projet de changement, à charge d'être ensuite décliné plus finement auprès des différentes parties au projet. L'exigence sociologique le cède encore trop souvent sur le terrain du changement au sous-investissement intellectuel, au prix de fiascos retentissants ou de résultats médiocres. En irait-il autrement sur le terrain du marché ?

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