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10/01/2008

Réinventer l'administration (3) Une réussite indéniable, un pilotage pérennisé

Ce programme de réforme de l'administration américaine aura pu, au total, être mis en œuvre grâce à l’association d’une volonté politique forte, d’une gestion intergouvernementale de haut niveau, de l’implication des agents et d’une mise en œuvre plurinannuelle procédant d’une logique d’expérimentation. Il aura permis d’économiser près de 180 Mds USD (177) sur 5 ans et de réduire le nombre de fonctionnaires de près de 350 000 (348) sur environ 2 millions (1,9) au total. Il est à souligner toutefois que la réforme a privilégié des indicateurs socio-économiques plutôt que de stricts ratios d’activité ou de productivité, cette approche permettant de raisonner également en termes d’objectifs politiques au lieu de se focaliser uniquement sur les gains quantitatifs.

Confiance en hausse

Dans le même temps, les usagers se montrent plus satisfaits de l’administration d’Etat. Si l’on en croit en effet l’American Customer Satisfaction Index qui rend public, chaque année, l’état de satisfaction des Américains à l’égard de 170 acteurs privés et publics, le taux de satisfaction moyen global du client américain dépasse les 70 % (72,9%) ; il est compris entre 51 (Fisc) et 87 (Famille) pour les différentes agences. Dans certains cas, l’indice de satisfaction associé à ces agences est même comparable à celui des entreprises privées reconnues les plus performantes.

Toutefois, et bien qu’ils aient constaté à la fin des années 90 une amélioration des services publics fédéraux, les Américains se montrent généralement plus satisfaits de leur administration locale et de celle de leur état (indice : 80) que de l’administration fédérale (indice : 68,6). Le degré de confiance global dans l’administration fédérale doublait dans le même temps en passant de 21 à 40 % entre 1994 et 1998 (le record étant 76 % en 1976).

De fait, dix ans plus tard, près des trois quarts (72 %) des agents fédéraux estiment que la satisfaction du client est un objectif clé de leur mission contre un gros tiers (36%) au début des années 90. Les fonctionnaires des agences ayant activement participé à la réforme se sont, de plus, déclarés deux fois plus satisfaits dans l’exercice de leur fonction que les agents des ministères ayant conservé un mode de fonctionnement identique. Parmi les principales améliorations mentionnées, ces agents évoquaient en particulier un surcroît d’autonomie dans la réponse aux besoins des usagers ainsi qu’un travail moins routinier.

Une réforme passée dans les moeurs

D’emblée et de façon croissante au fur et à mesure de l’avancement de la réforme, le processus a fortement impliqué les corps d’audit et de contrôle, notamment le General Accounting Office, ainsi que les inspections générales des administrations. Cette implication a permis en particulier de fiabiliser le système d’information mis en place. En l’absence, à l’instar du privé, de contrôles a priori en matière comptable, le rôle des procédures d’audit a posteriori et des corps de contrôle est aussi plus poussé.

A travers sa conception-même sur une base pluriannuelle d’expérimentation et de progrès, la réforme de 1993 a été pérennisée à la fin des années 90 sous l’égide d’un autre programme, le National Partnership for Reinventing Government. Pour autant, la réforme s’est inscrite dans les structures existantes et n’a pas suscité une refonte significative des procédures budgétaires ou juridiques, (au-delà de la mise en place de comptes consolidés de l’Etat fédéral mis en place en parallèle, mais dont l’origine est liée à la faillite des caisses d’épargne au début des années 90).

Au début des années 2000, l’administration Bush, se fixant elle aussi pour objectif l’amélioration de l’efficacité de l’Etat fédéral, s’est inscrite, pour l’essentiel, dans le cadre des réformes engagées par le gouvernement précédent. Deux axes directeurs ont été définis : d’une part, le rapprochement de l’administration avec les usagers, grâce notamment à la simplification des hiérarchies, au développement de l’administration électronique et au renforcement de la gestion des ressources humaines ; d’autre part, le développement de l’évaluation des programmes fédéraux, avec en particulier le renforcement des liens entre résultats obtenus et reconduction des crédits et l’ouverture de certaines missions à la concurrence.

Volonté politique et légitimité populaire

On peut conclure de tout cela que la réforme générale de l’administration fédérale lancée et animée depuis une quinzaine d’années aux Etats-Unis associe beaucoup de facteurs nécessaires, ou favorables, à la gestion du changement au sein de la sphère publique.

Cela est vrai sur le plan politico-administratif : large légitimité populaire, volonté politique forte *, implication et adhésion des agents, gestion intergouvernementale à haut niveau de l’organisation administrative, coopération étroite entre les pouvoirs exécutif et législatif, accompagnement étroit des corps de contrôle, raisonnement en termes d’objectifs politiques et non seulement en termes de ratios de productivité, utilisation des leviers de la communication et de la formation internes.

C’est aussi le cas sur un plan plus technique : logique expérimentale, approche pluriannuelle dynamique, benchmarking avec le secteur privé, mise en place d’une méthodologie d’évaluation claire et d’un langage commun, suivi rigoureux, essor de l’e-administration, développements autour de la notion de service et de client, intégration d’incentives et renforcement de la gestion des ressources humaines.

En ce sens, elle constitue, aujourd’hui encore, un cadre de référence pour la réforme publique – sujet que, sur un plan à la fois méthodologique et culturel, les Etats-Unis abordent généralement moins comme une action ponctuelle que comme un processus d’amélioration normal, continu et, dans une large mesure, trans-partisan.

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* Sur ces aspects, on peut se reporter, dans cette même rubrique, au compte rendu de mon entretien avec William Galston (24/12), qui fut un des artisans de ce programme de modernisation.

08/01/2008

Réinventer l'administration : l'expérience américaine (2) Un gouvernement engagé, des agents impliqués

A travers les « Reaganomics », les années 80 ont été marquées, aux Etats-Unis, par d’importantes mesures de déréglementation, de privatisation et de révision des politiques sociales. Dans un contexte politique différent, marqué moins par une volonté de rupture que par un certain consensus socio-politique sur la nécessité d’améliorations au sein de la sphère publique, les années 90 ont vu, autour du National Partnership for Reinventing Government, la mise en œuvre d’une réforme administrative de grande ampleur, aussi bien par les résultats obtenus que par la méthodologie mise en oeuvre.

La réforme générale de l’administration engagée en 1993 aux Etats-Unis par le gouvernement Clinton a eu pour origine l’image déplorable de l’administration qui prévalait alors au sein de l’opinion américaine. Selon un sondage de l’époque, seuls 21% des personnes disaient en effet avoir confiance dans le gouvernement fédéral. C’était le taux le plus faible jamais enregistré depuis une quarantaine d’années, dans un pays dans lequel la conjonction du libéralisme économique et de la culture du process suscitait pourtant un mouvement d’amélioration quasi continu depuis les années 50 – période qui coïncida également avec l’essor de la culture managériale.

Une importante modernisation de l’administration fut alors engagée sous l’autorité du Vice-président Al Gore et d’un groupe d’action intergouvernemental créé pour la circonstance, le National Performance Review à travers une loi, le Governement Performance and Results Act. Cette loi demandait aux agences d’améliorer le service aux usagers en s’inspirant des meilleures pratiques du secteur privé. La réforme a été entreprise en s’appuyant sur une vaste enquête de satisfaction réalisée auprès des agents eux-mêmes au sein des différentes administrations.

Les fonctionnaires américains ont ainsi pu, non seulement donner leur sentiment sur leur administration, mais aussi se positionner comme partie prenante des changements à réaliser pour en redresser l’image. Cela d’autant plus que la définition d’objectifs et la responsabilisation étaient a priori ouvertes à tous les acteurs au sein des agences concernées. Des plans de formation à l’accueil et au service furent aussi mis en œuvre.

Au total, grâce à cette approche impliquante, la mise en œuvre de la réforme n’a pas suscité la résistance des agents, pas plus qu’elle n’a donné lieu à la mobilisation des syndicats de fonctionnaires.

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