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17/12/2007

Liberté, mobilité, représentation : sur le marché du travail

Tandis que je participais l'autre soir, à l'Institut Montaigne, à une réunion sur la communication de la réforme publique, la commission Attali planchait de son côté sur le marché du travail.

Il y a d'ailleurs, soit dit en, passant, bien des proximités entre le travail de l'Institut créé par Claude Bébéar en 2000 - lui-même est d'ailleurs un membre actif de la commission, on l'a bien vu sur la question de l'environnement notamment - et la mission fixée à la commission Attali l'été dernier. Dans les deux cas, c'est à réformer que l'on travaille et c'est la diversité des talents et des expériences qui est à l'oeuvre.

Autre signe de proximité récent et qui s'inscrit bien dans la diversité culturelle de cet écosystème réformateur actuel : Franco Bassanini, ancien ministre italien de la fonction publique, et autre membre éminent de la commission de libération de la croissance, vient également d'être auditionné par l'Institut sur la réforme de l'administration, d'ailleurs remarquable, qu'il a conduite en Italie - oui, en Italie, et avec le soutien des principaux syndicats du pays.

Rien que de très positif dans ces interactions qui contribuent non seulement à éclairer les problématiques françaises des meilleures expériences étrangères, mais aussi à produire un consensus transpartisan, qui représente souvent la clé d'une réforme réussie.

Je ne veux pas revenir ici sur les principales propositions faites par le think tank de la rue Mermoz sur le marché du travail dans son Vademecum 2007-2012, "Moderniser la France", dont j'ai déjà parlé par ailleurs, mais seulement évoquer quelques idées complémentaires qui me tiennent à coeur et que j'ai communiquées à la commission.

D'abord, il me semble évident qu'il nous faut faciliter la rupture pour favoriser l'embauche. Il est en effet d'autant plus difficile d'embaucher que l'on sait que la rupture éventuelle sera difficile. Il ne s'agit pas ici de rendre possible n'importe quoi et encore moins sans concertation - la protestation contre le CPE l'a clairement montré.

Il ne s'agit pas non plus de basculer du jour au lendemain dans une logique américaine (voilà bien un point en effet sur lequel les deux systèmes socio-économiques diffèrent réellement) -, mais enfin, si l'on n'ouvre pas le dispositif, on ne voit pas comment l'on pourrait redonner du mouvement et de la dynamique à la mécanique économique.

La notion de sécurisation des parcours professionnel, qui avait été mise en avant par DSK au cours de la campagne présidentielle, trouve ici son intérêt et l'intérêt du salarié qui, les études le démontrent, est en France, comparativement aux autres grands pays industrialisés, aussi protégé qu'anxieux.

Combien de salariés chez nous, aussi bien d'ailleurs dans le public que dans le privé, se sentant à la fois protégés et... inutiles (ou mal compris, peu épanouis, etc) ? La liberté ici, cela doit être aussi la possibilité plus accessible pour chacun, sans prendre de risques démesurés mais sans s'enfermer à l'inverse dans des impasses mortifères, de renouveler le sens, la contribution et l'enthousiasme, oui, de sa vie professionnelle.

L'information sur les métiers doit aussi être ouverte. L'accès à cette information est, on le sait, un élément d'inégalité important dans la vie des futurs salariés. Associé à un manque de perspectives objectif dans tel ou tel bassin d'emploi local, elle conduit au pessimisme, au renoncement, voire à la colère et à la violence. Couplée au contraire avec une propension un peu plus élevée à la mobilité géographique, elle peut ouvrir des pistes là où l'on croyait son destin scellé.

Troisième idée : l'ouverture de la fonction publique à d'autres parcours et à d'autres expériences ferait un bien considérable à notre système bureaucratique pour le rendre, précisément, moins bureaucratique et plus en prise avec les dynamiques de la société. Le Président de la République a déjà évoqué ces pistes ; la commission y reviendra. Au-delà, c'est aussi la question du statut qui est naturellement posée.

Je me souviens d'exposés aussi techniquement habiles que politiquement nuls à Sciences-Po expliquant qu'il n'était pas nécessaire de modifier le statut de la fonction publique pour faire évoluer l'administration... Eh bien, nous n'en sommes plus là. Il y a un contrat à refonder entre le pays et son administration... dans lequel le pays, lui aussi, doit s'habituer peu à peu à attendre moins de l'administration.

Quatrième idée : aider les futurs salariés à apprendre à gérer les ruptures. Si la vie contemporaine se caractérise par une forte instabilité, alors il faut en tirer les conséquences et intégrer, dès la fin de l'enseignement secondaire, un enseignement de psychologie puis, par la suite, prévoir la possibilité d'une sorte de coaching, permettant de mieux faire face aux ruptures et aux changements : parce que les opportunités qu'elles peuvent représenter dans nos vies s'imposent d'abord, sauf exception, comme des sources d'angoisse et de difficultés que nous sommes mal préparés à affronter et à négocier.

Cinquième idée enfin : il me semble qu'il faut renforcer cette dynamique d'un plus grand appel aux talents étrangers - dans les écoles, dans les entreprises, dans la société. C'est comme si en France, chacun avait le talent, remarquable, de connaître le monde en se dispensant de le rencontrer et de s'y confronter... Travers d'un universalisme mal compris, tout d'intellect et de suffisance, qu'il nous faut reprendre en développant, tôt dans les apprentissages, un goût plus modeste mais plus actif de la diversité, de l'expérimentation, de la confrontation positive - de l'exploration.

Sur ce plan comme en beaucoup de points du travail de la commission - et c'est ce qui justifie l'atelier relatif aux mentalités et à la réforme publique, auquel Jacques Attali m'a plus particulièrement demandé de participer -, le changement ne va pas sans une modification des représentations. Ce n'est pas là la part la plus facile de l'affaire. Mais en même temps, notre pays a sans doute rarement eu autant d'atouts en main pour matérialiser, ici aussi, le changement de génération.