14/04/2007
French Touch, la revanche asiatique du modèle latin ?
On a beau dire, un corpsard en sciences humaines, ça dégage quand même le terrain. Intéressant point de vue de d'Iribarne dans une interview récente donnée aux Echos (Marie-Paule Virard) à propos du "modèle" de management à la française.
L'idée, c'est précisément qu'il n'y a pas de modèle, mais une culture, largement informelle, partagée par des gens qui ont un même "soubassement culturel" et qui, culte de l'universel oblige, répugnent à assumer leurs pratiques dans leur dimension locale, à la différence sur ce plan des Allemands ou des Japonais. Résultat : au temps de l'hégémonie managériale américaine, l'art de diriger à la française est souvent mal compris. Et s'exporte mal.
Pourtant, souligne d'Iribarne, ce modèle n'est pas sans atouts : les Frenchies savent s'adapter, et témoignent d'une aptitude certaine à devancer les besoins des clients. Côté processus de décision en revanche, entre des réunions aux airs de brainstroming ("Nous appelons généralement décision ce qui n'est qu'une base de discussion") et des conclusions vaporeuses, accessoirement susceptibles d'être remises en cause dans la foulée, ça coince avec les autres. C'est un trait qui, par exemple, exaspère au plus haut point les Suédois, une culture dans laquelle les prises de décisions sont au contraire extrêmement collégiales et formalisées.
Reste une perspective qui "rebat les cartes". Selon le directeur de recherche au CNRS, le modèle américain, et l'uniformisation qu'il génére, périclite, et ce dans un contexte où l'Asie affirme, à travers son émergence, ses modes de fonctionnement propres. Ainsi, alors que la notion de contrat se révèle largement inopérante dans cette aire culturelle, être capable de nouer des relations personnelles y représente en revanche un atout central dans toute démarche de travail commun, en particulier avec les Chinois.
Revanche asiatique du modèle latin ? C'est ce que pourraient par exemple attester les succès remportés par les PME italiennes en Chine grâce à un maillage relationnel attentif et à un sens consommé de la relation d'affaires - et cela, aux antipodes de l'image d'inefficacité qui reste le plus souvent associée à la culture transalpine.
00:31 Publié dans Interculturel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Philippe d'Iribarne, management, culture française, MP. Virard, Suédois, Chinois
13/04/2007
Une diaspora française aux Etats-Unis ?
DSK le rappelait récemment : l'Europe compte environ 200000 chercheurs expatriés aux Etats-Unis. Le mouvement prend de l'ampleur et inquiète une société française, du moins quelques uns de ses décideurs, qui commence seulement à s'éveiller aux enjeux concrets d'une économie de la connaissance tournée vers une exploration plus active et mieux organisée de nouveaux gisements de croissance et de progrès.
Dans un papier récent des Enjeux-Les Echos, Ina Baghdiantz McCabe, historienne à l'université de Tufts (USA) et spécialiste des diasporas marchandes, remet en perspective la question. Ce mouvement, rappelle-t-elle, s'inscrit dans une longue histoire : départ des Huguenots au XVIIe siècle (prélable à la révocation de l'Edit de Nantes), pirates et flibustiers de Saint-Malo, coloniaux en Afrique, au Maghreb ou en Indochine : la vague récente d'expatriations n'est pas inédite. "A la différence toutefois des autres Européens, souligne IBM (interrogée par Pascale-Marie Deschamps), la France n'a pas connu de grande émigration vers les Etats-Unis qui fournirait aujourd'hui une base d'accueil pour les arrivants (...) mais un réseau est indéniablement en train de se construire depuis une vingtaine d'années". Une "fuite des cerveaux" qui contribue à la création de réseaux dont l'importance économique ne s'est jamais démentie.
L'essentiel serait alors de garder le contact, sur un mode souple et informel, de façon à utiliser les connaissances (commerciales, culturelles, etc) acquises à l'extérieur. Cela peut ouvrir des pistes de coopération avec des entreprises françaises désireuses de s'installer, par le biais par exemple de conférences. La France a su utiliser ces diasporas par le passé - l'historienne rappelle les marchands et missionnaires de Colbert, ou encore les récits de voyages commandés par l'Académie des Sciences, à l'époque, de précieuses sources d'information.
Le plus important ? Non pas chercher à faire revenir ces Français de l'étranger, mais utiliser l'avantage compétitif qu'ils constituent, car "ces expatriés sont des universitaires, des cadres, une élite qui entretient une excellente représentation". Prenant le contrepied de la vision de nations homogènes construites par les nationalismes du XIXe siècle, ces réseaux contribuent, de fait, à une vision plus ouverte du monde, dans un pays qui reste travaillé par une perception négative de la mondialisation, mais qui commence aussi à découvrir les vertus du benchmarking.
Entre Columbus (Ohio), Chicago et New York, c'est bien cette approche, une veille active, prospective, et productive qui est en jeu dans mon séjour aux Etats-Unis.
18:50 Publié dans Interculturel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : expatriation, diasporas, USA, DSK, Baghdiantz Mc Cabe, Enjeux-Les Echos, entreprises françaises aux Etats-Unis