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29/08/2007

On ne peut pas plaire à tout le monde (comment on gagne la bataille de l'opinion, 6)

Impossible de séduire l'ensemble de l'électorat. Il faut faire des choix, et se concentrer sur les électeurs et les Etats indécis. Californie (l'état de la dernière primaire de Bob Kennedy, en 1968), New York, Texas, Floride, Illinois, Ohio : certains pèsent très lourd. Quelques uns sont sûrs pour l'un ou l'autre camp (devinez voir pour New York ou le Texas ?) ; mais d'autres, les battleground states - notamment la Floride, la Pennsylvanie, l'Ohio et le Michigan, parmi 16 états incertains au total -, hésitent. Et jouent un rôle crucial. On estime généralement entre 8 et 15 % les indécis sur les 130 millions d'électeurs inscrits capables de faire basculer l'élection.

On commence alors à délaisser les grands médias nationaux pour privilégier les petites chaînes locales, plus segmentées. Particularité des swing voters cette année-là ? Ils sont encore plus centristes que la moyenne, capables de voter pour le candidat démocrate pour les élections locales... mais de choisir un Républicain dans la foulée pour représenter le pays : le Far West a la vie dure. Dans les deux camps, on poussa alors au maximum, pour la première fois à cette échelle, l'utilisation du data-mining, le traitement de données appliqué à la politique, qui vise à dégager corrélations et grandes tendances. Les volontaires, localement, sillonnent les quartiers et interrogent les électeurs (c'est le "canvassing") ; toutes les données socio-démographiques sont ensuite entrées sur ordinateurs, puis remontées et traitées à Washington.

"Vous pouvez m'interroger sur n'importe quel quartier de ce pays, et je pourrai vous dire combien de personnes ont des chances d'être des électeurs concernés par les problèmes de Sécurité sociale, ou qui s'intéressent plus à l'éducation ou à l'emploi, affirmait Terry McAuliffe, pour le camp démocrate. Je peux appuyer sur un bouton et faire apparaître un nom, une adresse et un numéro de téléphone pour chacun d'entre eux. Grâce à cela, concluait-il, on peut entamer avec ces personnes une conversation bien plus sophistiquée et personnelle qu'auparavant". Un individu sensible aux questions d'éducation aura ainsi toute chance d'être contacté directement par un professeur pour discuter du sujet. On dresse une cartographie approfondie, fine, opérationnelle de l'électorat clé. La gestion de ces données est un véritable business associant des entreprises spécialisées aux officines politiques.

La géographie, non seulement ça sert à faire la guerre, mais ça sert aussi à gagner les élections.

Malgré la sophistication des méthodes, une difficulté demeure : les individus font souvent, dans le domaine politique, des choix moins rationnels, c'est-à-dire moins prévisibles, qu'en matière commerciale. Les équipes ne s'organisent pas moins et chaque militant a accès à tout le nécessaire de campagne via sa connexion au site central de son parti. Il gagne des points dans une logique d'émulation ludique, au fur et à mesure des actions qu'il organise. Porte-à-porte, stands publics, informations de proximité, distribution de produits dérivés, organisation de meetings informels : une large palette d'actions permet à une armée de volontaires de quadriller le terrain. Le management de ces réseaux est organisé en cinq grandes régions. On recherche aussi la cohérence maximale en matière de relations presse en s'appuyant sur des argumentaires journaliers et des listes de spécialistes internes, tout en faisant un sort à des prises de parole plus libres lorsqu'elles sont portées par des personnalités populaires.

On the Road ! Le quadrillage militant ne suffit pas : le leader doit descendre en personne dans l'arène des swing states. "Believe in America" affichent sur les routes Edwards et Kerry. A bord d'un bus de campagne, on traverse l'Amérique, on multiplie les "town-hall meetings", ces réunions publiques apparemment informelles qu'avait popularisées Clinton douze ans plus tôt. Aux quatre coins du pays, les proches démultiplient les interventions. Chaque état est traité comme un petit pays avec ses indicateurs et ses préoccupations à traiter, l'économie dans la rust belt, l'immigration dans le Sud, la santé en Floride. Dans les ouragans qui touchèrent alors la région, Bush, en tant que président, put prendre l'avantage en se rendant rapidement sur place - compassionate conservatism oblige - et annoncer le déblocage des fonds pour la reconstruction. Ce ne sera pas la même affaire en Louisiane, un an plus tard, après Katrina.

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