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27/08/2007

Coups bas et produits dérivés (comment on gagne la bataille de l'opinion, 4)

Une des différences notables en matière de bataille électorale entre la France et les Etats-Unis est la possibilité, ici, de recourir à la publicité politique. En ce domaine, les deux candidats en lice en 2004 ont opté pour des stratégies opposées. Côté Bush, on attaque, toujours avec la longueur d'avance prise au départ dans le portrait que l'on a imposé de l'adversaire et dont, semaines après semaines, dans un bombardement systématique, on ne cesse de tirer les dividendes. En clair : un carton. Côté Kerry en revanche, on ne cesse de défendre, en plus de s'efforcer de faire connaître un candidat qui bénéficie naturellement, au départ, d'une notoriété très faible par rapport à celle du président sortant.

Dans l'un de ces spots, Kerry explique ainsi combien son éducation privilégiée a développé en lui le sens du service et la volonté de rendre à son pays ce qu'il a reçu. En face, on tient une cruelle comptabilité des votes. Carburants, impôts sur le revenu des classes moyennes, augmentation des tarifs de l'assurance-maladie :"98 votes en faveur de l'augmentation des impôts. Il y a ce que Kerry dit, et puis il y a ce que Kerry fait". En trente secondes, il faut aller vite et toucher juste - le tout à un coût d'ailleurs moindre pour les spots politiques que pour les publicités commerciales (20 à 40000 contre 3 à 500000 $). La question est encore discutée parmi les spécialistes, mais l'on estime généralement que si les spots ne permettent qu'un gain de voix limité, ils peuvent en revanche, si on laisse le terrain à l'adversaire, se traduire par de lourdes pertes.

Or, à ce jeu-là, comme la publicité politique est peu réglémentée au plan déontologique, les Républicains s'en sont donnés à coeur joie, jusqu'à jeter le discrédit sur le service de Kerry au Vietnam grâce à l'appui du Swift Boat Veterans for Truth en suggérant que celui-ci avait menti (regardez, aujourd'hui encore, le rôle joué par les vétérans dans la campagne en cours et l'importance considérable du facteur "soutien aux troupes" au sein de l'opinion américaine). Tous les politiques savaient que de telles allégations constituaient de purs mensonges ; à aucun moment cela n'a pourtant empêché l'équipe Bush de déployer cette communication qui a, de fait, porté un coup fatal à la popularité de son adversaire. Il y a, sur ces coups, du Rove dans l'air.

Autre différence culturelle importante : l'utilisation aux Etats-Unis d'un éventail impressionnant de produits dérivés. Tee-shirts, autocollants, badges, le "street marketing" de la politique se déploie, au-delà des militants, au sein d'une large population de sympathisants qui voient là un moyen d'expression naturel de leurs préférences ; il est même courant aux Etats-Unis de voir plantés dans les jardins de petites pancartes de soutien à tel ou tel candidat, et ce pour toutes sortes d'élections. Là encore, on continuait d'attaquer côté républicain avec le fameux : "Kerry pour président... de la France", supposé en dire long tout autant sur l'image de Kerry que sur celle de notre pays à ce moment au sein de l'Amérique populaire.

Comme l'écrit Maria Lora, "les Américains, d'une manière générale, adorent faire partie de l'événement et manifestent leur enthousiasme beaucoup plus que les Français". Ils crient plus au stade, rient plus au fort au cinéma, chantent plus spontanément au karaoké, se déguisent pour Halloween, ne ratent aucune occasion de célébration. Et l'auteur de s'interroger : "Pourquoi sont-ils si motivés ? Pourquoi sommes-nous si cyniques et revenus de tout ? C'est peut-être là la différence entre la naïveté d'un peuple jeune et l'ennui d'une vieille Europe qui a déjà tout vu et ne s'enthousiasme plus".

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