14/08/2007
Gourous, marketing et politique (comment on gagne la bataille de l'opinion, 1)
C'est annoncé : celui qui a été l'artisan incontesté de la réélection en 2004 de George Bush, pourtant en très mauvaise posture sur la scène politique intérieure, Karl Rove, quitte la Maison Blanche, aussi vénéré par les uns que détesté par les autres. L'occasion de revenir sur la bataille politique de 2004 dont les observateurs s'accordent à penser qu'elle a réuni les ingrédients désormais essentiels de la conquête du pouvoir - et qui, dans une large mesure, a servi de modèle pour la campagne présidentielle française de 2006-2007. Cela porte un nom : le marketing politique, devenu le nerf de la guerre non seulement des affrontements électoraux, mais aussi de toute grande bataille d'opinion. Modèle ? Peut-être pas. Référence obligée, sans aucun doute, dont les derniers développements aux Etats-Unis ont été judicieusement éclairés par Marie Lora (Marketing politique, mode d'emploi).
On n'aime guère le terme de "marketing politique" en France où on lui préfère l'expression plus pudique de "communication politique". "Ce que nous faisons, disait ainsi Jean-François Copé, c'est plus un travail sur le discours - comment être plus pédagogiques, comment mettre en valeur nos idées pour que les électeurs les comprennent mieux". A l'arrivée, il s'agit bien dans les deux cas de comprendre les besoins du consommateur, ou de l'électeur, puis de développer un produit, ou un programme associé à une personnalité, qui répond à ces besoins. Et cela "même s'il est plus facile de créer artificiellement un désir chez le consommateur que de susciter un véritable intérêt chez l'électeur ou le militant" (J-P. Lassale).
Il y a peu de scrupules, inversement, aux Etats-Unis à appliquer les lois et les techniques du marché à d'autres domaines que ceux de l'économie. Depuis les années 50, toutes les techniques du marketing ont ainsi été appliquées à la politique et font, sans urprise, aujourd'hui une place de plus en plus stratégique à internet. L'utilisation des techniques du relationship marketing (marketing relationnel), que ce soit sous la forme de emailings, de pop-ups ou de blogs, est en particulier très prisée et d'abord, aux Etats-Unis, pour la collecte des fonds (fundraising) destinés à permettre aux candidats de faire campagne.
Tels sont aujourd'hui les nouveaux gourous de la politique : des experts des nouvelles technologies, les spin doctors du web - des personnalités telles que James Carville et Paul Begala, anciens conseillers de Clinton, ou Karl Rove, référence incontestée du camp républicain. Une expertise qui s'enrichit généralement aussi de connaissances très pointues et d'une pratique éprouvée du terrain. Rove est par exemple célèbre pour sa mémoire de toutes les données démographiques des élections-clés depuis un siècle ; on lui a d'ailleurs prêté à plusieurs reprises le statut de "cerveau de Bush".
Un oeil sur les sondages, et quelques fondamentaux socio-psychologiques en tête, soit aux Etats-Unis la trilogie : optimisme, patriotisme et attachement à la famille - à charge pour le consultant de faire en sorte que son candidat incarne le mieux ces valeurs. Voilà qui relativise les débats d'idées si chers à notre pays au profit d'une reconnaissance pragmatique du pouvoir de l'image.
19:20 Publié dans Politiques publiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : communication, marketing politique, Karl Rove, élections, internet
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